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AFRIQUE (ÉTAT RELIGIEUX DE L’)

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encore, et souvent enclavés dans les populations nigritiennes, se sont développas d’autres éléments ethniques, de nature et de physionomie supérieures. Mais ici, plus encore que précédemment, il est difficile de proposer une classification précise. Cependant, en mentionnant les groupes nubien (Foulahs, Foulbès ou Peuls, nègres nilotiques, habitants du bassin du Tchad, etc.), hamitique ou éthiopien (Gallas, Somalis, Massai, etc.), berbers (Kabiles, Twareg, anciens Égyptiens), et sémite (Juifs, Abyssins, Arabes), nous aurons indiqué les populations principales qui, dés l’époque la plus reculée, ont occupé le continent africain. Avec ces populations, dont la couleur reste souvent noire, du moins dans les groupes nubiens et hamitiques, mais dont le type général se rapproche de plus en plus du nôtre, nous ne rencontrons plus de fétiches proprement dits : pas de statuettes, pas de temples, peu ou point d’amulettes. Mais la religion et la superstition n’en sont pas pour cela bannies. Dieu est très connu, et son nom, à chaque instant invoqué, est mêlé à tout, comme celui du grand maître de qui tout dépend et dont l’action se retrouve partout : c’est la notion que, par exemple, on a de Ngaï, chez les Massas, de Waka, chez les Gallas : à lui le ciel, à lui les forêts, à lui les eaux. On lui adresse des prières fréquentes et on lui oll’re des sacrifices ; mais ces offrandes sont ordinairement prises parmi les produits de la nature, quelques brins d’herbe, un peu de miel, du vin de palme. Dans les circonstances solennelles, guerre, peste, épizootie, on immole des animaux. Entre Dieu et les hommes, on admet des intermédiaires, qui constituent une sorte de sacerdoce et inspirent généralement grande confiance et grand respect. Ces peuples ont aussi la notion de l’àme qui survit à la dissolution du corps, mais on ne s’occupe pas ou l’on ne s’occupe guère de ce qu’elle peut devenir au delà de cette vie. Avec cela, beaucoup de préjugés, de terreurs vaines, de pratiques superstitieuses et de ridicules observances.

Comme tous les Massas et les tribus congénères répandues au sud de l’Abyssinie, la plupart des Gallas sont païens. Mais l’Islam, qui a déjà passé en fortes infiltrations parmi les Soudanais, les Nigritiens et les Guinéens, englobe toutes les tribus soinalies, en même temps que l’élément berber et sémite, à l’exception des Juifs et des Abyssins.

II. Islamisme. — Celte extension ininterrompue de l’Islam en Afrique, depuis le vn e siècle jusqu’à nos jours, est un des faits les plus remarquables de l’histoire : la religion de Mahomet embrasse en un seul tenant presque tout le nord du grand continent africain, sans compter l’Arabie, la Turquie, la Perse, l’Afghanistan, le Béloutchistan, la Caucasie, la Sibérie méridionale, une partie de l’Inde, de la Malaisie, et même de l’Empire chinois, où elle compte plus de 20 millions de fidèles : de Lagos à Batavia, un musulman peut aller partout sans sortir de chez lui. Cette diflusion prodigieuse tient à plusieurs causes. D’abord, l’Islam possède essentiellement l’esprit de prosélytisme, et son prosélytisme peut disposer et dispose en effet de tous les moyens : en principe tout est permis contre le « mécréant ». Tout musulman est apôtre, et tout homme gagné à l’Islam, ne fut-ce que par la circoncision qu’il adopte, le nom qu’il prend et l’habit qu’il porte, reste fidèle à l’Islam. L’illusion profonde de quelques Européens, seule, a pu faire dire que l’Islam est un premier pas des peuples païens vers le christianisme : l’Islam n’est pas un degré que l’on gravit, c’est un mur où l’on s’arrête. Ce n’est lias seulement et simplement, d’ailleurs, une doctrine religieuse : c’est une doctrine religieuse embrassant tout ce qui a rapport aux intérêts et aux préoccupations de l’homme, vie sociale, politique, commerce, industrie, mode ; elle se présente comme une civilisation supérieure ; elle s’arroge tous les droits vis-à-vis de l’infidèle ; elle s’impose par la force, la persuasion, l’esprit d’imi tation, et elle marche ainsi à la conquête de l’Afrique, soutenue d’ailleurs et encouragée par la politique aussi naïve que dangereuse de la plupart des gouvernements européens. Il faut convenir aussi que l’Islam, si simple dans son dogme, si clair dans ses prescriptions, si indulgent dans sa morale, s’adapte merveilleusement à la nature africaine. D’un autre côté, ses prédicants, dont les plus zélés sont les Toucouleurs, les Eoulbés, les Haoussas et les Swahilis, sont d’autant plus ardents que leur apostolat, au lieu de leur coûter, leur rapporte, d’autant plus écoutés que, par leur origine, ils peuvent se mêler plus facilement et plus intimement aux populations. Enfin, l’Islam, si intolérant pour les personnes, ne l’est pas du tout pour la doctrine : il s’accommode volontiers des superstitions ambiantes et se laisse envahir par quantité de pratiques fétichistes, surtout chez les populations nouvellement conquises.

Le fanatisme musulman est soigneusement entretenu, d’ailleurs, par nombre de confréries religieuses dont les membres, ou khouans, sont partout répandus et ont une énorme influence. La principale est celle des sénoussya, qui exige de ses affiliés d’être entre les mains de ses chefs « comme le cadavre entre les mains du laveur des morts ». Chaque jour, son inlluence grandit et domine l’immense pays que limite au nord la Méditerranée, de Gabès à Alexandrie, et qui s’étend, au sud, au delà du Liaghirmi, jusqu’au bassin du Congo. Ce que cherchent ces confréries, c’est en réalité le panislamisme, et, chose singulière, il s’est trouvé nombre de gouverneurs et d’administrateurs de nos colonies pour favoriser cette propagande, comme au Sénégal et au Soudan, en imposant au nom de la France des chefs musulmans et des écoles musulmanes à des populations fétichistes qui n’en voulaient pas ! Naturellement et profondément hostile à l’Européen, l’Islam sait en effet se plier merveilleusement aux circonstances : « Baise la main que tu ne peux couper, » dit un de ses proverbes, et c’est pourquoi tant de fonctionnaires, de voyageurs et d’écrivains, victimes naïves de cette hypocrisie profonde, ont cru dompter l’Islam en se faisant ses serviteurs. Ils n’ont abouti qu’à augmenter son orgueil et son mépris.

1° Apportée par les Arabes au vn e siècle, la nouvelle religion se répandit rapidement parmi les sémiles et demi-sémites qu’ils rencontrèrent sur la terre d’Afrique. C’est ainsi qu’elle a pénétré chez les Maures, les Kabiles, les Twareg, les Berbers, les Foulbés, pour descendre aux Nubiens, gagner les Somalis, se répandre chez les Nigritiens, et commencer l’attaque des Bantous. Actuellement, l’Islam occupe en grande partie la vallée du Sénégal, le cours supérieur du Niger et de la Bénwé, le bassin du Nil, celui du Tchad, avec les puissants États du Soudan : le Ilaoussa, le Sokoto, l’Adamawa, le Bornou, le Kànem, le Baghirmi, le Wadaï, le Darfour, le Darbanda, le Kordofan, etc. Par le Fouta-Djalon, il envahit la Guinée française, il esta Sierra-Leone, à Libéria, dans le Ilaut-Dahomé, au Yorouba, au Noupé, etc. La ville de Lagos comptait 800 musulmans en 1863 ; elle en a plus de 20(200 aujourd’hui.

2° L’Islam a relativement peu pénétré les peuples bantous. Il s’arrête presque partout à la limite des grandes forêts équatoriales où les populations du nord n’aiment pas à s’engager. Cependant la côte orientale ayant été depuis des siècles colonie arabe des princes de Mascate, avec Zanzibar pour centre, il est descendu depuis le cap Guardafui jusqu’au Mozambique el même au pays zoulou ; il a complètement occupé les Comores et une partie de.Madagascar ; puis, parlant de— Lamou, de Malindi, de Mombassa, de Pangani, de liagamoyo, de Dar-ès-Salaam, de Kilwa, de Lindi, de Mozambique de Kilimani, etc., les trafiquants arabes et swahilis l’ont

porté sur les routes des caravanes jusqu’aux rives de :  ;

grands lacs de l’intérieur et même au delà : à Tobora, centre commercial de l’Ouny amwézi ; dans l’Ouganda