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ADULTÈRE (L’) EMPÊCHEMENT DE MARIAGE

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réconciliation des époux pouvait lui rendre l’existence. Une conception si vague était insuffisante. Pierre Lombard et ses disciples firent admettre, dans la langue juridique, que là où le divorce prononcé ne donnerait à aucun des époux le droit de se remarier, on l’appellerait separalio corporalis, tandis qu’on nommerait divortium quoad vinculum la nullité du mariage judiciairement prononcée. Sent., 1, IV, dist. XXXI, De duplici separalione. Cf. Gratien, Décret., caus. XXXII, q. vu. Dès lors, il était facile d’arriver promptement à la précision de la doctrine. Grâce à cette lumineuse distinction, les docteurs comprirent mieux les enseignements de la sainte Écriture et pénétrèrent plus avant dans le sens des témoignages de la tradition et des décrets conciliaires. Ils en tirèrent un double enseignement : 1° L’adultère ne peut donner lieu à une action en nullité de mariage, mais l’époux trahi a le droit de refuser désormais à son conjoint le devoir conjugal et même de l’abandonner ; 2° L’époux innocent ne doit en venir là qu’après avoir fait étudier son cas par un tribunal ecclésiastique. Ayant donc intenté une action contre le coupable, il avait à repousser devant les juges les exceptions qu’on lui opposait ; il fallait démontrer qu’il n’avait pas lui-même commis d’adultère, ni prostitué son conjoint par n’importe quelle complicité, que le criminel n’avait pu, de bonne foi, se croire libre par la mort de son conjoint, enfin, qu’il n’avait été l’objet d’aucune violence. Quand il sortait victorieux de ce débat, il obtenait une sentence, lui conférant les libertés dont je viens de parler plus haut. Ces effets n’étaient pas irrévocables ; les époux gardaient par devers eux le droit de se réconcilier et de reprendre la vie commune. Bien plus, si l’époux en faveur duquel la séparation avait été prononcée tombait plus tard dans la fornication, son conjoint pouvait demander la restauration de la vie commune. Décrétâtes de divort., 1. IV, tit. xix. Le concile de Trente ne changea rien à ce droit. On avait préparé un canon qui signalait expressément l’adultère parmi les causes de séparation. La majorité le jugea inutile. Massarello édité par Theiner, Acta concilii Tridenlini, Agram (1874), t. ii, p. 313. Dans un canon général, le concile se borna à porter des anathèmes contre quiconque critique l’Eglise « quand elle enseigne qu’elle peut, pour de nombreux motifs, prononcer la séparation perpétuelle ou temporaire de corps et d’habitation ». Sess. XXII, can. 8.

Nous en sommes donc, pour le fond des choses, aux théories élaborées par le moyen âge. La part des siècles postérieurs se réduit à quelques explications de détail qui mettent la doctrine dans son vrai jour. Pour légitimer la séparation, l’adultère doit être matériel et formel. Or on n’appelle pas de ce nom, en langue canonique, les privautés malsaines commises en dehors du mariage. Il est requis, en outre, que l’époux infidèle se rende compte de la faute qu’il fait. Étant donné ces conditions et celles que j’ai indiquées plus haut, l’époux innocent a droit d’intenter contre le coupable une action en séparation en première instance, devant son ordinaire, et en appel devant la S. C. du Concile siégeant à Rome.

Un jugement de l’autorité ecclésiastique est-il toujours requis ? A cette question, les docteurs ne donnent pas des réponses concordantes. Mais De Angelis semble avoir rétabli l’harmonie dans l’école, en proposant une distinction, faite déjà par plusieurs canonistes des siècles derniers, entre l’adultère notoire et l’adultère secret. Dans le premier cas, l’époux innocent peut abandonner son conjoint sans recourir à l’Église ; dans le second, il lui est prescrit d’introduire une instance, afin de ne pas s’exposer à condamner à faux sur un simple soupçon provoqué par la jalousie. De Angelis, Prælectioncs jiiris canonici, 1. IV, tit. xix, Rome et Paris, 1880, t. in a, p. 339. Dequelque manière qu’elle ait été faite, quand la sépara tion est consommée, l’époux offensé conserve la faculté de pardonner à son conjoint et de reprendre avec lui la vie commune, à moins qu’il n’entre en religion, auquel cas le coupable ne retrouvera plus ici-bas celui qu’il a odieusement trompé.

Decretalium, 1. IV, tit. xix, De divortiis, et les canonistes, notamment : De Luca, Theatrum verilatis etjustitise, Venise, 1616, de matrimonio, spécialement dise. XIII, n. 2 ; Fagnan. Commentarium in quinque Ubros Decretalium, Rome, 1661, dans le commentaire du titre De divortiis, chapitre Ex litteris ; Ferraris, Prompta bibliotheca, Mont-Cassin, 1845, v Adulteriuni ; De Angelis, Prselectiones juris canonici, Rome et Paris, 1885, 1. V, tit. xvi ; 1. IV, tit. xix ; Esmein, Le mariage en droit canonique, Paris, 1891, t. ii c. vi.

R. Parayre.

VIII. ADULTÈRE (L’) empêchement de mariage. La séparation n’est pas la seule conséquence que l’adultère soit susceptible d’entraîner ; il en est une autre qu’on entrevit de bonne heure dans l’Église. Il paraissait souverainement immoral de permettre le mariage entre l’époux adultère devenu libre et son complice ; peu à peu se forma cet axiome juridique qui a fourni l’inscription d’un titre des Décrétales (1. IV, tit. vu) : Ut niillus copulel matrimonio quant priuspolluit adulterio. C’était une application d’un principe plus général et très ancien, en vertu duquel personne ne devait épouser une femme souillée par l’adultère et même par la fornication. On convenait également, depuis le décret porté par le concile de Verberie (768), que si l’époux, aidé d’une tierce personne, tentait de tuer son conjoint, il ne pourrait jamais épouser la personne complice. Ces diverses idées lentement élaborées, puis étudiées scientifiquement, aboutirent à la formation de l’empêchement dirimant connu sous le nom de « crime », le crime par excellence, dans lequel les canonistes distinguent trois cas : 1° l’adultère avec promesse de mariage ; 2° le conjugicide ou l’assassinat de l’époux ; 3° l’adultère et le conjugicide réunis.

Adidtère avec promesse de mariage.

Le premier cas, où l’adultère qualifié crée l’empêchement, a été prévu par le concile de Tribur (895), et il doit réunir trois conditions : la première, que l’époux adultère donne à son complice ou reçoive de lui une promesse jurée de l’épouser, fides data, dont l’effet, évidemment, ne se produira que s’il devient libre par le décès du conjoint. L’acceptation de la promesse par le complice doit être explicite ; car, dans les choses odieuses, dit un adage juridique, le silence de l’interlocuteur n’indique pas qu’il acquiesce à ce qu’on lui propose. C’est pourquoi Ma r Gaspard, Tractât us canonicus de matrimonio, Paris, 1891, 1. 1, n. 618, et quelques autres canonistes exigent une répromission, laquelle n’étant pas donnée, l’empêchement est douteux et, partant, n’existe pas. Il faut remarquer toutefois que, s’il y avait eu tentative de mariage ; au sens du droit, la promesse ne serait plus nécessaire, suppléée qu’elle serait par un acte équivalent. La deuxième condition, ce sont des relations adultères entre l’époux et le tiers auquel il est uni par la promesse dont nous venons de parler. Il faut enfin que le tiers complice sache qu’il contracte avec une personne mariée ; car s’il la croyait libre de tout lien, son acte serait purement matériel et ne créerait pas d’empêchement. C’est donc, on le voit, l’union de deux crimes : l’adultère et la promesse illicite du mariage, qui constituent le cas. Les deux éléments sont indispensables. Peu importe d’ailleurs que l’adultère précède ou suive la promesse, dès lors que les deux actes sont accomplis du vivant de l’époux trompé.

Conjugicide en vue du mariage.

Le deuxième cas se réalise quand il y a homicide de l’époux par son conjoint, aidé d’un complice avec qui il y aura empêchement de mariage. Qu’on remarque bien ici encore les conditions que le droit requiert pour eréer l’empêchement. Tout d’abord, il faut que les complices concourent tous