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503 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MAR. D’AP. LE CONG. DE TRENTE 504

certaine. Le lecteur s’en souvient, le canon affirme en effet que l’Église enseigne ce point non comme une opinion probable, maisj ; omme une doctrine certaine et conforme à l’tvangile. Or cela posé, la portée de l’anathème promulgué contre ceux qui taxeront cet enseignement d’erreur est tout autre que nous ne disions tout à l’heure. Nous disions qu’en interdisant d’appliquer la qualification d’erreur, à la doctrine de l’indissolubilité du mariage, le concile n’aurait pas affirmé pour cela que cette doctrine est vraie. Mais du moment qu’il défend d’accuser d’erreur ceux qui présentent cet enseignement comme certain, il faut que cet enseignement soit vrai et certain. En effet si cet enseignement n’était pas vrai, s’il était simplement probable, l’Église qui le présenterait comme certain, tomberait dans l’erreur. Pour qu’on ne puisse accuser son enseignement d’erreur, il faut donc que l’indissolubilité du mariage soit certaine. Par conséquent en anathématisant quiconque dirait que l’Église se trompe dans son enseignement au sujet de l’indissolubilité du mariage, le concile de Trente a indirectement affirmé que la doctrine enseignée par l’Église est certaine.

Cette déclaration indirecte résulte d’ailleurs également de cette seule affirmation incidente que l’Église a enseigné et enseigne cette doctrine conformément à l’Évangile. C’est en effet un principe incontestable que l’Église ne pourrait enseigner l’erreur en matière religieuse. Du moment que le concile déclare que l’Église a enseigné et enseigne l’indissolubilité du mariage, en cas d’adultère, conformément à l’Évangile, il faut par conséquent que cette doctrine soit vraie.

Ainsi le canon du concile déclare directement que l’Église ne se trompe point dans son enseignement et il affirme indirectement que cet enseignement est vrai.

3° Quelle est la doctrine déclarée hérétique par le canon ? — C’est sans aucun doute la doctrine contre laquelle porte directement l’anathène du concile, et cellelà seulement. Dans les canons doctrinaux du concile de Trente, l’anathème est en effet employé pour désigner et frapper les propositions hérétiques. La proposition frappée directement par l’anathème est donc hérétique et sa contradictoire est de foi catholique ; mais on ne saurait regarder comme de foi catholique les propositions incidentes que les Pères du concile ont fait entrer dans le canon, non plus que les affirmations indirectes qui en résultent.

L’application de ces principes nous mène aux conclusions suivantes : 1. Il est hérétique de dire que l’Église se trompe en enseignant l’indissolubilitti du mariage en cas d’adultère. C’est en effet la proposition que frappe l’anathème porté par le canon. Il est donc de foi catholique que l’Église ne se trompe pas dans cet enseignement. 2. Il n’est pas de foi catholique que l’Église enseigne l’indissolubilité du mariage en cas d’adultère conformément à la doctrine évangélique. Cela est assurément exprimé dans le canon ; mais cette affirmation est simplement incidente ; elle n’est donc pas définie par le concile. 3. Il n’est pas de foi catholique que le mariage est indissoluble, en cas d’adultère. Cette indissolubilité est la conséquence logique du canon, nous l’avons vu tout à l’heure. Mais du moment que l’affirmation de cette indissolubilité est faite d’une manière indirecte, elle n’entre pas dans l’objet de la définition. C’est même pour ne pas définir l’indissolubilité du mariage en cas d’adultère que le concile a remanié le premier projet qui lui a été présenté.

Il résulte de là que l’Église grecque prise en corps n’est pas hérétique, en raison du canon 7 de la XXIVe session du concile de Trente. Jamais en effet l’Église grecque n’a reproché à l’Église latine de se tromper dans sa doctrine sur l’indissolubilité du mariage.

Elle s’est bornée jusqu’ici à pratiquer la rupture du mariage en cas d’adullère, sans même ériger en dogme indiscutable la doctrine sur laquelle s’appuie cette pra tique. Mais alors même qu’elle érigerait cette doctrine en dogme obligatoire, elle ne serait pas encore formellement hérétique, puisque la doctrine de l’indissolubilité du mariage n’est pas de foi catholique. Ainsi tout en faisant des déclarations contraires à la pratique de l’Église grecque et à la doctrine supposée par cette pratique, le concile de Trente n’a pas condamné cette Eglise comme hérétique. II a donc réussi à affirmer la doctrine de l’Église latine, sans infliger à l’Église grecque la note d’hérésie avec toutes les conséquences canoniques qu’elle entraîne.

Son anathème atteint seulement les individus qui, dans l’Église grecque ou ailleurs, qualifieraient d’erreur l’enseignement de l’Église catholique. Il atteignait les protestants qui, à cette époque de luttes violentes, reprochaient à l’Église catholique de s’être trompée grossièrement dans ses enseignements, en particulier au sujet du mariage et de son indissolubilité en cas d’adultère. Il n’y a donc que ceux qui prennent ainsi l’Église à partie, qui tombent dans l’hérésie au for externe.

Cependant il n’est pas besoin d’aller aussi loin pour tomber dans l’hérésie au for externe. Pour cela il suffit de combattre seulement une doctrine qui, sans être de foi catholique, est cependant très certainement de foi divine. Or la doctrine de l’indissolubilité du mariage en cas d’adultère ne doit-elle pas être rangée au nombre des vérités de foi divine, en vertu de l’affirmation indirecte contenue dans le canon de Trente ? On peut le penser. Il résulte en effet de ce canon que cette doctrine est enseignée par l’Église conformément à l’Évangile. Cependant les formules employées par le concile ne semblent pas assez nettes, pour qu’on puisse dire qu’il a rangé lui-même cette doctrine parmi les vérités de foi divine.

III. Application aux grecs unis.

Les actes du concile de Trente témoignent qu’au moment où il promulgua le canon relatif à l’indissolubilité du mariage en cas d’adultère, les grecs unis soumis à la république de Venise avaient, comme les grecs non unis, la coutume non seulement de divorcer en cas d’adultère de l’un des époux, mais encore de contracter de son vivant un nouveau mariage. Si le canon du concile de Trente avait été purement disciplinaire, il n’aurait porté aucune atteinte à cette coutume, puisqu’il aurait simplement exprimé quelle était la pratique des latins, sans rien dire au sujet de la pratique des grecs. Mais si ce canon a un caractère doctrinal, s’il affirme, comme nous l’avons montré, la certitude de la doctrine de l’indissolubilité du mariage, même dans l’hypothèse de l’adultère, la coutume des grecs est par le fait même désapprouvée. Il résulte en effet de cette déclaration doctrinale du concile, que la coutume des grecs est en opposition non seulement avec la pratique des latins, mais encore avec la doctrine de l’Eglise et de l’Évangile. Or, du moment qu’elle est certainement contraire à l’Évangile, que ce soit directement ou indirectement, c’est une coutume qui doit être abandonnée.

Nous aurons donc un nouveau critérium pour juger du sens et de la portée du canon du concile de Trente, dans la conduite tenue par l’Église romaine vis-à-vis des grecs depuis la promulgation de ce canon. S’il est doctrinal, elle a dû les désapprouver. Si le canon est purement disciplinaire, elle a pu admettre la légitimité de leur usage. Voyons donc comment elle s’est comportée vis-à-vis d’eux. Elle n’a eu depuis lors aucun rapport avec les grecs non unis, qui l’obligeât à manifester ses sentiments. Mais elle n’a cessé d’en avoir avec les grecs, qui étaient déjà unis ou qui demandaient de se réunir à elle. Or, au xvie siècle, les grecs unis avaient, aussi bien que les grecs schisinatiques, l’habitude de dissoudre leur mariage en cas d’adullère. L’Eglise romaine leur a-t-elle laissé observer cet usage, ou bien leur en a-t-elle imposé l’abandon ?