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501 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MAR. D’AP. LE CONC. DE TRENTE 502

rares exceptions près, tous les théologiens considèrent ce canon comme doctrinal. Il est clair en effet qu’il ne formule pas une simple prescription disciplinaire, puisqu’il frappe d’anathème ceux qui accuseraient l’Église d’erreur, et cela non point dans les décrets qu’elle porte, mais dans les enseignements qu’elle donne suivant la doctrine de l’Évangile et des apôtres. Les discussions auxquelles la rédaction du canon a donné lieu au sein du concile, prouvent d’ailleurs que tous les Pères le regardaient comme doctrinal. S’il s’était agi uniquement de faire connaître la discipline pratiquée dans l’Église latine, on se fût contenté de faire un simple décret, comme quelques-uns le demandaient ; mais la majorité des Pères fut d’un autre avis. Elle voulut qu’on fit un canon, avec anathème, ce qui suppose non seulement un enseignement doctrinal, mais encore un enseignement de foi catholique. Le Courayer prétend qu’on n’a fait qu’un décret disciplinaire, parce qu’on a montré de la tolérance pour les grecs. Nous dirons tout à l’heure quelle tolérance on a montrée pour eux et l’on verra que cette tolérance n’allait pas jusqu’à approuver leur pratique comme conforme à la doctrine évangélique. Launoy objecte, de son côté, que le concile n’a pu formuler un enseignement doctrinal qui serait contraire aux enseignements antérieurs de l’Église. Mais il résulte des articles qui précèdent que la doctrine exprimée dans le canon du concile de Trente n’est opposée à aucun enseignement antérieur de l’Église. C’est au contraire la doctrine qui a été prédominante au temps des Pères dans l’Église universelle. Elle a été constamment enseignée par l’Église romaine, aussi bien que par tous les conciles vraiment ecclésiastiques de l’Occident. Après avoir subi quelques atteintes dans la pratique de quelques pays du vm e au XII e siècle, elle était devenue, depuis lors, la coutume incontestée de toutes les Églises latines. Le concile de Trente l’a simplement formulée d’une façon plus solennelle qu’elle ne l’avait été jusque-là, en particulier au concile de Florence.

Un auteur contemporain, Esmein, Le mariage en droit canonique, Paris, 1891, t. Il, p. 295-305, a cru trouver une sorte de contradiction entre les éléments du canon. A son avis, l’introduction de cette clause juxta evangeliCam et apostolicam doctrinam rendit le texte obscur. C’est cette clause, pense-t-il, qui fit entrer un élément doctrinal dans le canon, qui jusque-là était purement disciplinaire. Suivant lui, en effet, l’opinion qui considère le canon comme la simple confirmation d’un point de dicipline « a pour elle l’histoire générale de la rédaction du canon 7, dans laquelle on voit que l’intervention des Vénitiens fut décisive ». La thèse des théologiens orthodoxes qui fait de ce canon la déclaration d’un dogme « a pour elle le renvoi aux Écritures que fit insérer dans le texte le cardinal de Lorraine ». Ibid., p. 305 ; cf. p. 302, 303. Il est difficile de partager ces vues. Nous croyons que, si l’intervention des Vénitiens fut si décisive, c’est parce qu’elle répondait, comme nous l’avons dit, aux vœux précédemment exprimés par un grand nombre de Pères. C’est un point qui nous est révélé par les Acta concilii et que les anciens historiens du concile n’avaient pas assez remarqué. Mais quoi qu’il en soit le remaniement obtenu par les Vénitiens ne donne pas au canon un caractère disciplinaire, au lieu du caractère dogmatique qu’il avait auparavant. Il eut simplement pour but et pour effet de ne point faire tomber sur les grecs l’anathème du concile et par conséquent de ne point les ranger parmi les hérétiques. Mais le caractère dogmatique du canon résulte à la fois et de xcet anathème qui fut maintenu et de la définitionde l’infaillibilité de l’enseignement de l’Église, qui est l’objet du canon, si guis dixerit Ecclesiam errare, et de l’affirmation de cet enseignement qui y est longuement exprimé, cum docuit et docet, etc. L’addition incidente des mots juxta evangelicam et apostolicam doctrinam

ajoutait peu de choses à toutes ces déclarations et n’en changeait pas le sens ; elle ne faisait que dire plus explicitement ce qui y était déjà contenu implicitement et clairement ; car tout le monde savait que l’Église donnait son enseignement comme conforme à l’Évangile, et on aurait été en droit de l’accuser d’erreur s’il avait été contraire à la doctrine de Jésus-Christ et des apôtres.

Concluons donc que le canon du concile de Trente a un caractère doctrinal et non un caractère disciplinaire.

2° Quelle est la doctrine exprimée par le canon" ? — Il suffit d’une lecture attentive, pour se rendre compte que le canon exprime deux points de doctrine, l’un directement, l’autre indirectement.

1. Il déclare directement que l’Eglise ne se trompe pas dans son enseignement sur l’indissolubilité du mariage, en cas d’adultère : Ecclesiam (non) errare cum docuit et docet, et pour préciser le sens de cette déclaration, il affirme incidemment la nature et l’objet de cet enseignement de l’Église : — sa nature, c’est un enseignement proprement dit, donné par conséquent comme certain, docet ; il est présenté comme conforme à l’Évangile, juxta evangelicam et apostolicam doctrinam ; il ne date pas de la définition du concile, il était déjà donné auparavant, docuit et docet ; — son objet : l’Église enseigne : a. que le lien du mariage ne peut être dissous à cause de l’adultère d’un des conjoints ; b. que les conjoints ne peuvent, du vivant l’un de l’autre, contracter un second mariage ; c. qu’il y a fornication de la part du conjoint innocent à contracter une autre union, du vivant de son conjoint coupable. Le concile est entré incidemment dans tous ces détails sur l’enseignement de l’Église, pour déterminer en quoi on ne saurait accuser l’Église d’erreur, sous peine d’hérésie et sans tomber sous l’anathème. La doctrine exprimée directement par le canon est donc celle de l’inerrance de l’Église dans tout cet enseignement. Cette doctrine appartient certainement à la foi divine. Elle pouvait être l’objet d’une définition ; car la sainte Écriture et la tradition affirment l’infaillibilité de l’Église dans son enseignement religieux.

2. Dans la déclaration directe du concile est contenue une autre affirmation indirecte ; c’est que l’indissolubilité du mariage en cas d’adultère est une doctrine vraie et conforme à l’Évangile.

A notre avis, si le concile s’était contenté de condamner ceux qui accusent cette doctrine d’erreur, s’il avait dit par exemple : si guis dixerit errare eos qui docent propter adulterium alterius conjugum matrimonii vinculum non posse dissolvi, on pourrait contester qu’il affirme indirectement la vérité de l’indissolubilité du mariage. Supposons en effet que cette indissolubilité soit simplement probable, on n’aurait pas le droit d’accuser d’erreur ceux qui la défendent, et l’Église pourrait défendre de porter contre eux cette accusation. C’est ainsi qu’elle interdit d’infliger la note théologique d’erreur, à des théories libres et simplement probables, comme le thomisme et le molinisme, sans nous garantir pour cela la vérité de l’une ou l’autre de ces théories. Si le concile de Trente s’était borné à frapper ceux qui taxeraient d’erreur la doctrine de l’indissolubilité du mariage, en cas d’adultère, on aurait donc pu simplement en conclure que cette doctrine ne mérite pas d’être qualifiée d’erreur, qu’elle est par conséquent au moins probable : on aurait pu présumer que cette doctrine est vraie, cependant on n’aurait pas eu le droit de la présenter comme certaine, en raison de la décision du concile.

Mais, nous venons de le remarquer, le concile n’a pas déclaré qu’on ne saurait taxer d’erreur la doctrine de l’indissolubilité du mariage. Ce qu’il a déclaré, c’est qu’on ne saurait taxer d’erreur sur ce point l’enseignement de l’Église dont il détermine la nature et l’objet. Or cette détermination nous montre que, dans la pensée du concile, l’indissolubilité du mariage en cas d’adultère est