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499 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MAR. D’AP. LE CONC. DE TRENTE

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solurnent le canon, parce qu’ils y voyaient une condamnation des anciens Pères et surtout de l’Église grecque. A leur tête était le Vénitien Pierre Laudi, archevêque de Crète, connu pour ses recherches sur les pays orientaux. Dix-huit demandèrent, pour les mêmes raisons, qu’on se contentât de porter un décret sans anathème. Parmi eux se trouvait le futur Urbain VII, Jean-Baptiste Castagni, archevêque de Rossano. Martin Perez de Ayala, évêque de Ségovie, approuva la doctrine du canon ; mais la forme lui déplaisait parce qu’à son avis elle frappait d’anathème la doctrine de plusieurs Pères de l’Eglise ; il proposa donc de formuler le canon de cette manière : « Anathème à qui dirait que l’Église s’est trompée en disant que le lien du mariage n’est pas dissous par la fornication. » Huit des évêques qui parlèrent après lui se rallièrent à cette proposition qui traçait le chemin dans lequel on allait bientôt entrer. Massarello, p. 314331. Mais elle n’attira pas l’attention de ceux qui étaient chargés de remanier les canons ; car les actes du concile, rédigés par Massarello, ne la relèvent point dans le résumé des vœux formulés alors. Ils relèvent par contre une proposition analogue du dominicain Gilles Foscarari, évêque de Modène, qui avait obtenu aussi l’assentiment exprès de neuf Pères. Il demandait qu’on portât anathème contre ceux qui refusent à l’Église le droit de défendre un second mariage, en cas d’adultère. Ibid., p. 331. La diversité des vœux des évêques qui avaient désapprouvé l’anathème direct porté contre la doctrine des grecs et de quelques anciens Pères, empêcha sans doute de remarquer que la majorité ne s’était pas prononcée pour le canon.

Comme le vœu qui avait réuni le plus d’adhésions en demandait le maintien, ce canon fut proposé à nouveau pour la seconde lecture. Il n’avait subi qu’une retouche de style et avait passé du sixième rang au septième, dans la liste générale des canons sur le mariage.

Mais dès le début de cette seconde lecture, les députés de la république de Venise firent observer que le canon ainsi maintenu serait un sujet de scandale dans les possessions vénitiennes de l’archipel et qu’il pourrait y détacher du Saint-Siège les grecs unis, attendu qu’ils conservaient leur antique usage de se remarier en cas d’adultère de leurs épouses. Les députés supplièrent donc le concile de ne point anathématiser cet usage. La formule proposée en première lecture par l’évêque de Ségovie les avait sans doute frappés. Ils proposèrent aux Pères d’accepter une formule analogue en condamnant ceux qui accusent l’Église d’erreur, dans l’enseignement qu’exprimait la première rédaction du canon. Cette proposition rallia aussitôt les suffrages du concile. Douze Pères seulement la rejetèrent et se prononcèrent pour le maintien de l’ancien canon. Tous les autres demandèrent qu’on accueillît la pétition des ambassadeurs vénitiens. Soixante-neuf Pères se bornèrent à exprimer ce désir. Trente voulaient en outre, avec le cardinal de Lorraine, qu’on affirmât que la doctrine enseignée par l’Église est conforme aux Écritures. Six combattaient au contraire cette addition. Massarello, ibid, , p. 338-369.

On remania donc le canon une seconde fois conformément au vœu des ambassadeurs vénitiens, en y introduisant toutefois les mots juxla evangelicam et aposlolicam doctrinam. Il fut adopté presque unanimement en troisième lecture. Une dizaine de voix discordantes seulement se firent entendre, les unes pour réclamer quon revint à la condamnation directe primitivement admise, les autres pour réclamer au contraire qu’on fit disparaître l’anathème et qu’on ne dit rien qui fût contraire à la pratique de l’Église grecque et aux enseignements de’plusieurs saints l’ères. Ibid., p. 386-396. liien que moins nombreuses les mêmes protestations se firent toutefois de nouveau entendre en quatrième lecture et jusqu’à la session solennelle du 11 novembre 1563, où le

Si quis dixerit Ecclesiam errare cum docuit et docet juxla evangelicam et apostolicam doctrinam, propter adulterium alterius conjugum matrimonii vinculum non posse dissolvi ; et utrumque vel etiam innocentent, qui causam adultcrio non dédit, non posse, altero conjuge vivente, aliud matrimonium contrahere ; mœcliarique eum qui, dimissa adultéra, aliam duxerit, et eam quae, dimisso adultero, alii nupserit ; anathema sit.

canon fut définitivement accepté, après avoir reçu à chaque examen des retouches de style. Ibid., p. 427-429, 463-467. Voici en quels termes il fut promulgué :

Anathème à qui dirait que l’Église se trompe lorsqu’elle a enseigné et enseigne suivant la doctrine évangéliqne et apostolique que le lien du mariage ne peut être dissous à cause de l’adultère d’un des conjoints ; et que l’un et l’autre conjoint, même celui qui est innocent et n’a point fourni de cause à l’adultère, ne peuvent, du vivant l’un de l’autre, contracter un autre mariage ; et qu’il y a fornication de la part du mari qui prend une autre épouse, après le renvoi de sa femme adultère, et de la part de la femme qui s’unit à un autre mari, après le renvoi de son époux adultère.

II. Sens et portée du canon.

1° Sens du canon. — La première forme du canon frappait directement d’anathème trois erreurs qui découlent logiquement l’une de l’autre : — 1. la première affirme que le lien du mariage est brisé par l’adultère : propter adulterium alterius conjugum matrimonii vinculum posse dissolvi ; — 2. tenant le lien du premier mariage pour brisé, la seconde affirme qu’on peut contracter un autre mariage, du vivant du premier conjoint : et utrumque vel etiam innocentera, qui causant adultcrio non dédit, posse, altero conjuge vivente, aliud malrimonium contrahere ; —3. tenant ce second mariage pour valide, la troisième erreur déclare qu’il n’y a pas péché à user de ce nouveau mariage, neque mœchari eum, qui dimissa adultéra aliam duxerit, neque eam quæ, dimisso adultero, alii nupserit. Mais une autre forme a été donnée à ce canon où je remarque trois choses : — 1. Dans cette nouvelle forme, le canon affirme que l’Église a enseigné dans le passé (sans dire qu’il en a toujours été ainsi), docuit, et qu’elle enseigne encore, docet, une doctrine contraire à la triple erreur exprimée dans les termes que nous venons, d’indiquer. — 2. Il ajoute que cet enseignement est en conformité avec celui de l’Évangile et celui des apôtres, juxta evangelicam et apostolicam doctrinam. Le mot juxla semble marquer que cet enseignement est formellement exprimé dans le Nouveau Testament. — 3. Le canon frappe d’anathème quiconque taxerait d’erreur cet enseignement de l’Eglise : Si quis dixerit Ecclesiam errare, cum docuit et docet juxta evangelicam et apostolicam doctrinam… ; anathema sit ; c’est-à-dire quiconque contesterait l’inerrance de l’Église dans cet enseignement. Nous allons voir les conséquences qu’entraîne ce changement de forme.

2° Le canon est-il disciplinaire ou doctrinal ? — Le canon serait’un décret disciplinaire, s’il exprimait une loi ecclésiastique qui peut être modifiée parles chefs de l’Église, suivant les circonstances de lieu et de temps. C’est un décret doctrinal, s’il formule un enseignement sur lequel l’Église ne saurait plus revenir. Quelques auteurs entachés de gallicanisme ou de joséphisme l’ont regardé comme purement disciplinaire. Perrone en cite une vingtaine, De matrimonio christiano, Liège. 1861, t. iii, p. 380 sq. Indiquons seulement le P. Le Courayer, dans sa traduction de l’histoire du concile de Trente de Sarpi, Amsterdam, 1750, t. iii, p. 92, et Launoy, Rcgia im matrimonium potes tas, part. III, a. 2, c. v, Opéra, 1731, 1. i b, p. 857 ; cf. ibid., p. 1081. Le Courayer tire cette conclusion de ce que le canon tolérerait la discipline des grecs ; Launoy de ce que le concile de Trente ne pouvait définir un enseignement qui, selon lui, serait contraire à l’ancienne doctrine de l’Eglise. Mais, à de