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497 ADULTÈRE fL’) ET LE LIEN DU MAR. D’AP. LE CONC. DE TRENTE 498

sion, en la soulevant. Cependant en 1439, après que l’acte d’union des grecs avec les latins eut été signé, le pape Eugène IV interrogea sur ce point les évêques grecs. Mais comme plusieurs de ces évêques étaient déjà partis de Florence, ceux qui restaient répondirent d’une façon vague et évasive, en faisant observer qu’ils ne pouvaient se prononcer sur ce point au nom des autres évêques. Binius, Concilia generalia et provincialia, Cologne, 1618, t. iv a, p. 609 sq. Mais peu de temps après, la doctrine unanimement admise depuis si longtemps en Occident fut solennellement promulguée par le même pape Eugène IV dans le décret aux Arméniens. On y lit en effet à l’article du mariage : Quamvis autem ex causa fornicationis liceat tori separationem facere, non tamen aliud matrimoniuni contrahere fus est, cum matrinionii vinculum légitime contracta perpetuum sit. Labbe, Concilia, Paris, 1672, t. xiii, col. 539. Ce décret sanctionnait la doctrine reçue et observée par tout l’Occident depuis très longtemps. Cependant un siècle plus tard cette doctrine fut contestée par des auteurs catholiques, qui écrivaient, du reste, il faut le remarquer, avant la définition du concile de Trente. Cajetan († 1554), dont l’exégèse est souvent trop hardie, s’étonne dans son commentaire sur saint Matthieu, c. xix, et dans son commentaire sur la première Épitre aux Corinthiens, c. iiv que le torrent des docteurs refuse au mari le droit de jamais contracter une seconde union, bien que le Christ ait fait une exception pour le cas d’adultère. Perrone, De matrionio christiano, Liège, 1861, t. iii, p. 208, 209. Faut-il attribuer l’écart de cet auteur à l’influence du protestantisme qui prétendait justifier par la sainte Écriture le droit de se remarier, en cas de divorce pour cause d’adultère ? Nous ne savons. Mais, comme on le remarqua à plusieurs reprises dans les congrégations qui préparèrent le décret du concile de Trente que nous allons étudier, l’opinion émise par Cajetan était contraire à la pratique et à la tradition arrêtées depuis de longs siècles. Voir en particulier les discours de Pierre Soto dans Le Plat, Monunienta ad historiam concilii Tridenlini, Louvain, 1785, t. v, p. 687-689, et de Jean Ramirez, dans Theiner, Acta concilii Tridenlini, Agram, 1874, t. ii p. 247. Nous lisons aussi dans les actes de ces congrégations que le pape n’avait jamais donné dispense ou dénoué le lien conjugal, en cas d’adultère. Theiner, ibid., p. 248. Ce qui supposait que la coutume de l’Église latine dépendait non d’une loi disciplinaire, mais d’une doctrine évangélique.

Conclusion générale. — 1° Du ve au xvie siècle, les enseignements authentiques des papes et des conciles où l’élément ecclésiastique dominait, ont affirmé unanimement l’indissolubilité absolue du mariage en cas d’adultère d’un des époux. — 2° A l’exception de quelques collecteurs de canons qui écrivaient en Allemagne du IXe au xie siècle et de quelques auteurs du xvie siècle, tous les docteurs dont les écrits sont parvenus jusqu’à nous, ont enseigné la même doctrine. — 3° Malgré les lois civiles, la pratique réputée chrétienne a été partout conforme à ces enseignements jusqu’au VIIIe siècle dans l’Église latine. — 4° Du viiie siècle au XIIe cette pratique s’est continuée dans la plupart des Églises de l’Occident, ainsi qu’en font foi les pénitentiels eux-mêmes. — 5° Cependant du VIIIe au XIIe siècle, et même jusqu’à une époque un peu postérieure, les mariages semblent avoir été rompus, et remplacés par de nouvelles unions, dans les Églises germaniques, en cas d’adultère incestueux. On justifiait cet usage sur les capitulaires des diètes de Ver-berie et de Compiègne, reproduits par le Pœnilentialc Ecclesiarum Germanise. — 6° Du VIIIe siècle au XI e, les Églises franques et anglo-saxonnes qui se servaient du pénitentiel de saint Théodore ou d’autres qui y étaient apparentés, ont dû, conformément à ces pénitentiels, lorsque la femme se rendait coupable d’adultère, laisser

rompre le mariage par son mari et tolérer en ce cas de nouvelles unions, non seulement de la part du mari innocent, mais encore de la part de la femme répudiée. — 7° Du XIIe au XVIe siècle on n’a plus toléré dans aucune Église latine de semblables pratiques. La coutume de ne jamais se remarier du vivant de son conjoint même adultère ou incestueux était rangée parmi celles dont le souverain pontife ne dispensait jamais.

Perrone, De matrimonio christiano, Liège, 1861, t. iii, p. 322359 ; Freisen, Geschichte des canonischen Eherechts, 2’édit., Paderborn, 1803, p. 7f19-847 et passim : Esmein, Le mariage en droit canonique, Paris, 1891, t. ii, p. 55-83 et passim ; Schmitz, Die Bussbiicher und des canonische Bussverfahren ; Die Bussbùcher unddie Bussdisciplin der Kirchc, t. ii Dusseldorf, 1898, p. 119-122, 132 sq., 517-518.

A. Vacant.

V. ADULTÈRE (L>) et le lien du mariage, d’après le concile de Trente. — I. Histoire du can. 7, sess. XXIV. IL Sens et portée. III. Application aux grecs unis.

Le concile de Trente s’est occupé de l’indissolubilité du mariage en cas d’adultère, dans le can. 7 de sa XXIVe session. On s’est appuyé sur les circonstances dans lesquelles ce canon avait été promulgué, pour soutenir qu’il exprime simplement la discipline de l’Église latine, qu’il n’a aucun caractère doctrinal et que les grecs n’ont pas à s’en préoccuper. C’est pourquoi nous exposerons l’histoire de ce canon d’après les actes authentiques du concile. Nous déterminerons ensuite quels en sont le sens et la portée. Nous montrerons enfin que les grecs sont tenus d’y conformer leur conduite.

I. Histoire.

Le can. 7 de la sess. XXIV ne fut formulé d’une façon définitive qu’après de longues discussions. On demanda d’abord aux théologiens du concile d’apprécier la proposition suivante : « Après avoir répudié son épouse pour cause de fornication, il est permis de contracter un autre mariage du vivant de cette épouse ; et c’est une erreur d’admettre le divorce en dehors de cette cause. » Les théologiens du concile étaient répartis en quatre classes qui comptaient chacune une quinzaine de membres. L’examen de cette proposition fut confié à ceux de la quatrième classe. Leur étude commença le 17 février 1563 et porta principalement sur la première partie de la proposition. Massarello, Acta concilii Tridentini, Agram, 1874, t. ii, p. 232, 244. Le dominicain Pierre Soto opina le premier. Son sentiment fut que, si la question avait soulevé des doutes autrefois, elle s’était élucidée depuis lors et que la proposition méritait d’être tenue pour hérétique. Le Plat, Monumenla ad historiam concilii Tridenlini, Louvain, 1785, t. v, p. 687-689. Ce fut aussi l’avis des autres théologiens. Ils s’appuyaient en particulier sur le décret du concile de Florence et sur ce fait que les papes n’avaient jamais donné dispense pour permettre à un mari de contracter un second mariage, en cas d’adultère de sa femme. Massarello, ibid., p. 244-250. En conséquence, le 20 juillet 1563, on soumit aux Pères du concile un canon ainsi conçu : « Anathème à qui dirait que le mariage peut être dissous à cause de l’adultère d’un des époux, et qu’il est permis aux deux époux, ou du moins à celui qui est innocent sans avoir donné aucune cause à l’adultère, de contracter un second mariage, et qu’il n’y a point de péché de fornication ni pour celui qui se remarie après avoir renvoyé son épouse adultère, ni pour celle qui se remarie après avoir renvoyé son époux adultère. » Du 24 juillet au 27 octobre, tous les Pères furent appelés à donner leur avis sur ce canon, à quatre reprises successives ; car il fut refondu quatre fois conformément à leurs observations.

Dès la première lecture une centaine de Pères formulèrent leur opinion. La moitié à peu près se prononcèrent en faveur du projet, à la suite du cardinal de Lorraine, archevêque de Reims. L’autre moitié se montra moins satisfaite. Quatorze évêques rejetèrent ab