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493 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE DANS L’ÉGLISE LATINE 491

que c’est seulement après la mort du mari adultère et incestueux, que sa femme innocente pourra se remarier. Cela résulte en etïet du chapitre précédent, c. 21, qui a pour titre : Causa adulterii uxorem relinquens contmentiam servet. Gratien n’admet pas en effet que l’époux innocent puisse jamais se remarier du vivant d’un premier conjoint adultère. Il parle cependant, à propos du texte de VAmbrosiaster, caus. XXXII, q. vii, c.18, d’une opinion qui donnait à l’époux dont la femme s’était livrée à l’inceste, le droit de contracter un nouveau mariage, avant la mort de cette dernière, mais c’est pour la combattre. Voir article précédent, col. 491. Voici comment il expose cette opinion : Quidam vero sententiam Ambrosii servare cupienles, non de quolibet fornicatione illud arbitrantur intelligi, ut ob quamlibet fornicationem vit licite dimittat uxorem, et vivenle dimissa aliam ducat, sed de incestuosa tantum fornicatione intelligitur, cum uxor videlicet alicujus, patri et filio, fratri vel avunculo viri sui, vel alicui similium se construpandam publiée tradidcrit. Hsec autem, quia viro suo se illicitam reddidit in perpeluum, dum per copulam consanguinitatis in primum, vel secundum, vel tertium gradum transivit af/inilatis, licite dimittitur, et ea invente superducitur alia. Après avoir dit que ce n’est qu’après la mort de l’épouse que le mari peut se remarier, Gratien ajoute : Sic et illud intelligitur quod in capilrdo cujusdam concilii legitur. Ce capitulaire d’un concile dont il ne connaît pas le nom est sans doute le canon 8 du concile de Compiègne, auquel renvoient ses annotateurs.

Conclusions. — Il résulte de ce qui précède que le droit de se remarier accordé, semble-t-il, au viiie siècle, par les capitulaires des diètes de Verberie et de Compiègne, à l’époux innocent, en cas d’adultère incestueux, n’a été adopté ensuite par aucun pape, ni aucun-concile même d’Allemagne. Cependant ces capitulaires sont entrés dans quelques recueils de canons faits en Allemagne, et dans le pénitentiel de Burchard employé dans ce pays du ixe au xiiie siècle. Ils ne se trouvent point dans les pénitentiels en usage dans le reste de la catholicité.

III. Le simple adultère et le lien du mariage du Ve au xiie siècle. — 1° Les conciles et les papes. — Au commencement du ve siècle le concile de Milève et le pape saint Innocent I er avaient proclamé l’indissolubilité absolue du mariage et la défense de convoler à de secondes noces, du vivant du premier conjoint, soit pour le mari, soit pour la femme. Voir l’article précédent, col. 489. Depuis lors cette doctrine n’a cessé d’être affirmée par le concile de Nantes (650), can. 2, Mansi, t. xviii, col. 169 ; par le concile d’Hereford (673), can. 10, Mansi, t. xi, col. 130, qui fut présidé par saint Théodore ; par les conciles de Frioul (791), can. 10, Mansi, t. xiii, col. 849 ; de Paris (829), can. 2, Mansi, t. xiv, col. 596 ; de Worms (829), Mansi, t. xiv, col. 626 ; par le pape Jean VIII dans une lettre écrite en 878 à Ederede, archevêque des Anglais, Jaffé-Wattenbach, n. 3125 (2344), P. L., t. cxxvi, col. 745 ; Mansi, t. xvii, col. 55 ; par les conciles de Nantes (895), can. 12, Mansi, t. xviii, col. 169 ; de Tribur (895), can. 46. Mansi, t. xviii, col. 154. Il est à remarquer qu’aucun concile, ni aucun pape ne formulent une doctrine contraire. Les conciles de Verberie et de Compiègne qui, en cas d’adultère incestueux, semblent permettre un second mariage à l’époux innocent, du vivant de son conjoint, ne s’occupent pas des adultères non incestueux.

Les auteurs.

Walafrid Strabon(† 849), In Matlli., xix, 9, P. L., t. cxiv, col. 148, expose que si le mari se sépare de sa femme adultère, il n’en saurait épouser une autre, tant qu’elle est en vie. La même doctrine est enseignée par Hincmar († 882), De divorlio Lotliarii, P. L., t. cxxv, col. 642, 658 ; Yves de Chartres (fil 16), Décret., part. VIII, c. xliii, P. L., t. clxi, col. 593 ;

Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, 1. II, a. 9, c. iivi P. L., t. clxxvi, col. 495. Inutile d’allonger cette liste, car nous ne connaissons aucun auteur de cette époque qui ait défendu le sentiment contraire en cas de simple adultère.

Concile attribué à saint Patrice.

A côté de tous ces témoignages concordants en faveur de l’indissolubilité du mariage souillé par l’adultère, il est cependant quelques textes qui paraissent reconnaître au mari innocent le droit de se remarier, si sa femme commet ce crime. C’est d’abord le canon 26 du second concile attribué à saint Patrice et qui se serait tenu au milieu du Ve siècle. Ce sont ensuite d’anciens pénitentiels.

Le canon 26 du second concile attribué’à saint Patrice porte : Audi Dominum dicentem… : non licetviro dimittere uxorem nisi ob causant fornicationis, ac si dicat ob hanc causam : unde si ducat alteram velut post mortem prioris, non vêtant. Mansi, Concil. collecl., t. vi, col. 526. Maison admet qu’une partie au moins des canons de ce synode sont d’une date plus récente. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1908, t. ii, p. 998. Ce canon 26 est-il authentique ? Freisen, Geschichte des canonischen Eherechts, 2e édit., Paderborn, 1893, p. 776. le croit. Cependant de nombreuses raisons prouvent le contraire. Sans parler de plusieurs erreurs relevées dans ce canon par Perrone, De malrimoniG christiano, Liège, 1861, t. iii, p. 329, il faut reconnaître que le texte n’a pas la forme d’un canon de concile. Comme d’ailleurs la doctrine qui y est formulée est en désaccord avec les décisions des papes et des conciles du V e, du vie et du viie siècle, il y a lieu de croire que ce canon n’a pas été rédigé avant le viiie siècle. Il faut au moins avouer que sa date est incertaine. Or avec cette incertitude, on ne saurait s’en servir pour faire l’histoire du dogme en cette matière.

Les pénitentiels.

Il n’en est pas de même d’un certain nombre de pénitentiels qui permettent un second mariage en cas d’adultère. Un ouvrage récent, que nous avons déjà cité plusieurs fois, Schmitz, Die Bussb’ùcher und das canonische Bussverfahren, Die Bussb’ùcher und die Bussdisciplin der Kirche, t. ii, Dusseldorf, 1898 (le premier volume avait paru à Mayence en 1883), a fixé la date approximative de ces pénitentiels, en même temps qu’il en a donné une édition critique très soignée. Grâce à cet ouvrage, nous pouvons savoir quelle était la pratique prescrite par les pénitentiels dans les divers siècles et dans les divers pays, relativement à la question qui nous occupe. Or, voici le résultat de nos recherches à ce sujet :

Les pénitentiels, antérieurs au viiie siècle, affirment l’indissolubilité absolue du mariage sans faire aucune exception, Schmitz, t. ii, p. 120, 135, soit qu’ils appartiennent au groupe romain, soit qu’ils appartiennent au groupe anglo-saxon. Il en est même, comme le pénitentiel anglo-saxon de Finnian, qui défendent expressément un second mariage avant la mort du coupable, soit à l’homme (n. 43), soit à la femme (n. 45), que leur conjoint ont abandonné pour vivre dans l’adultère. Schmitz, ibid., t. I, p. 508. Parmi les pénitentiels du vine siècle et des siècles suivants, nous ne trouvons plus la même uniformité.

Les pénitentiels romains sans mélange d’éléments étrangers et un grand nombre d’autres pénitentiels, comme ceux qui portent le nom de Bède, d’Egbert, de Colomban, de Comméan, restent fidèles à la doctrine de l’indissolubilité du mariage ; mais d’autres pénitentiels dérivés du pénitentiel de saint Théodore ou de ses sources, permettent expressément un second mariage au mari, du vivant de sa femme, lorsque celle-ci s’est rendue coupable d’adultère. Schmitz, ibid., t. ii p. 119 sq., 133 sq. Ce pénitentiel de saint Théodore n’est point l’œuvre de l’archevêque de Cantorbéry de ce nom, qui mourut à la fin du vue siècle. C’est un recueil fait dans la seconde moilié