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491 ADULTÈRE (L’j ET LE LIEN DU MARIAGE DANS L’ÉGLISE LATINE 492

Verberie et de Compiégne, c’étaient des lois civiles plutôt que des lois ecclésiastiques. Nous avons déjà dit que ces assemblées furent des diètes en même temps que des synodes. Ajoutons que les annotations qui accompagnent ces capitulaires prouvent qu’ils émanaient avant tout de l’autorité civile. Le capitulaire 18 de Verberie est suivi de cette mention : Hoc Ecclesia non recipit. Cette mention ne s’expliquerait pas, si l’on était en présence de lois émanant de l’autorité religieuse. Les capitulaires 9, 11, 12, 13 et 17 de Compiégne portent : Georgius consensit. L’évêque Georges était un légat du souverain pontife qui se trouvait à l’assemblée. L’omission de cette mention à la suite des autres capitulaires, et en particulier à la suite du capitulaire 8, où il est question de l’affinité survenant après le mariage, suppose que cet évêque n’avait pas voulu approuver ces autres canons, et par conséquent que ces canons tenaient uniquement leur autorité du pouvoir civil. Les rapports qui unissaient alors l’Église et l’État dans le royaume franc expliquent que des décrets portés dans ces conditions, aient été considérés à la fois comme des capitulaires et comme des canons. Cependant la confusion des deux pouvoirs ne doit pas aller jusqu’à attribuer à l’Église des lois que ses représentants avaient simplement laissé faire, s’ils ne les avaient pas combattues.

Nous aurons une nouvelle preuve du caractère civil de ces lois dans la manière dont elles ont été traitées presque aussitôt après leur promulgation par les conciles de l’époque carlovingienne. Nous allons voir en effet que ces conciles ne les ont cités que pour corriger et supprimer la permission accordée à l’époux innocent de contracter un nouveau mariage, du vivant de son conjoint incestueux.

2° Depuis le IX e siècle. — Un concile de Mayence de 813, can. 56, Mansi, Collect. concil., t. xiv, col. 75, résume les capitulaires de Verberie sur les adultères incestueux de la femme ou du mari ; il condamne les époux coupables à ne jamais user de leur mariage ; mais il ne parle pas du droit de se remarier, accordé par les diètes de Verberie et de Compiégne à l’époux innocent. Un autre concile de Mayence tenu en 847, can. 29, Mansi, ibid., col. 911, fait de même. En 868, un concile de Worms, can. 36 et 63, Mansi, t. xv, col. 876, 879, revient encore sur la question des adultères incestueux. Il défend le mariage à tous ceux qui ont commis sciemment ces incestes ; il affirme la nullité des mariages qu’ils contracteraient et donne en conséquence à ceux avec qui un incestueux se serait uni, la liberté de se remarier ; mais il n’accorde pas le droit de se remarier du vivant de son conjoint, à l’époux dont le mariage légitime a été’troublé par les incestes de ce dernier. 27 ans plus tard, en 895, le concile de Tribur consacre encore un canon, le 41 e, Mansi, t. xvm, col. 152, au commerce illégitime qu’une femme aurait avec le frère de son mari. Divers auteurs ont cru qu’il avait affirmé que le mariage était brisé par cet adultère. Il permet en effet un nouveau mariage, après pénitence, non plus comme la diète de Verberie, à l’époux innocent, mais à la femme coupable ainsi qu’à son complice. C’est qu’il s’agit d’un cas fort différent des précédents. Le texte suppose en effet que le mari trompé par sa femme était dans l’impuissance de s’unir à elle. Si quis légitimant duxerit uxorem, et impediente quacumque domestica in/irmitate, uxorium opus non valais implere cuni illa. Le mariage en question était donc nul. La femme a donc commis avec son prétendu beau-frère, non pas un adultère incestueux, mais une fornication. C’est pourquoi après pénitence, cette femme pourra se marier, soit avec son complice, soit aussi sans doute avec tout autre homme. Il n’y a qu’avec son premier mari, qu’elle ne pourrait plus le faire : elle est devenue, en effet, son affinis, en raison de son commerce avec son frère. Aussi le canon porte-t-il : conjugium, quod eral legilimum,

fraterna commaculatione est pollutum, et quod erat licitum illicitum est factum, paroles qui ont fait croire à Freisen, op. cit., p. 466, qu’il s’agissait d’un cas semblable u celui des canons de Verberie. Gratien, caus. XXXII, p. vu, c. 24, attribue à un concile de Worms les canons 10 et 11 de Verberie. Mais c’est par erreur.

En résumé des nombreux conciles du vm e et du ix e siècle, qui ont traité la question des incestes commis pendant le mariage, ceux de Verberie et de Compiégne sont les seuls qui semblent autoriser l’époux innocent à se remarier.

Le recueil de capitulaires de Benoît Lévite (f 845) rapporte le onzième canon de Compiégne, 1. 1, n. 21, P. L., t. xcvn, col. 707 ; mais il rapporte aussi, 1. III, n. 381, col. 845, un autre canon qui défend à l’époux innocent de se remarier du vivant de l’époux coupable, en cas d’adultère incestueux de ce dernier.

Les canons de Verberie et de Compiégne sont cités par Réginon (f 915), De Ecoles, disciplin., 1. II, n. 213216, P. L., t. cxxxn, col. 326 ; et par Burchard (f 1025), Décret., 1. XVII, n. 10, 11, P. L., t. cxl, col. 921. Burchard, ibid., n. 17, col. 922, attribue au concile de Tribur un canon semblable, qui n’est pas de ce concile.

Mais il y a lieu de remarquer que Benoit Lévite, Béginon et Burchard écrivaient en Germanie. Or, à cette époque, la pratique de ce pays était conforme aux décrets de Compiégne et de Verberie. Nous en avons pour preuve le pénitentiel transcrit par Burchard, sous le nom de Corrector, au livre XIX de son recueil ; ce pénitentiel fut en effet en usage en Germanie du ix 8 au xm e et même au XIV e siècle, et il a été appelé pour cette raison Pœnitentiale Ecclesiarum Gennanise, Schmitz, Die Bussbucher, Dusseldorf, 1898, t. Il, p. 382, 402. Or, ce pénitentiel contient les décrets de Verberie et de Compiégne qui permettent un nouveau mariage en cas d’adultère incestueux, P. L., t. cxl, col. 966, 1. XIX, c. v ; Schmitz, op. cit., n. 109, 110, 111, p. 433, ainsi que le décret analogue attribué par Gratien, au pape Zacharie. P. L., ibid., col. 965 ; Schmitz, ibid., p. 432.

Il convient en même temps de noter que ces recueils, faits en Germanie, n’admettent pas qu’on se remarie du vivant de son conjoint, pour cause de simple adultère, comme nous Talions voir permettre par les pénilentiels en usage en France et en Angleterre. Ils le défendent au contraire formellement. Réginon, op. cit., 1. II, n. 103, 105, 131, col. 304, 309 ; Burchard, op. cit., 1. IX, c. liv, P. L., t. cxl, col. 826 ; Pxnitentiale Ecclesiarum C, cn)taniœ, n. 44, Schmitz, p. 419 ; /’. L., t. cxl, col. 958. Ils autorisent néanmoins un nouveau mariage, dans certains cas où il n’y a ni inceste, ni adultère. Burchard, op. cit., n. 120, 124, 127, col. 308, 309 ; 1. IX, c. liv, col. 826. Le pénitentiel des Églises d’Allemagne le permet-il aux femmes que leurs maris prostitueraient malgré elles à un autre homme, n. 50. Schmitz, p. 420 ; P. L., t. CXL, col. 959. C’est une question dont il a été parlé plus haut.

Pendant que les canons de Verberie et de Compiégne étaient mis en pratique en Allemagne, ils étaient tenus comme non avenus dans les autres pays. Aucun des pénitentiels placés par Schmitz, op. cit., dans le groupe romain ou dans le groupe anglo-saxon ne donne de solution conforme à ces canons.

ïves de Chartres (f 1116 », qui était français, rapporte le décret du concile de Mayence, qui défend le mariage aux incestueux. Décret., part. IX, c. i.xxi.P. L., t. CLXI, col. 678. Mais il ne transcrit pas les canons de Verberieet de Compiégne qui permettent un nouveau mariage à répoux innocent, en cas d’inceste de son conjoint.

Gratien, qui était Italien (f 1204), cite aussi le décret du concile de Mayence, caus. XXXII, q. vu, c. 20, et non les textes rapportés plus haut des conciles (le Verberie et Compiégne. U rapporte par contre le décret du pape Zacharie, caus. XXXII, q. vu, c. 23 ; niait ; il entend