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489 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE DANS L’ÉGLISE LATINE 490

Lothaire avec Theutberge serait resté indissoluble, au cas même où celle-ci aurait eu un commerce incestueux avec son propre frère après ce mariage. Freisen, Geschichle des Elierechts, p. 578.

Mais lorsqu’une personne mariée se rendait coupable d’un inceste avec les proches parents de son mari, il se produisait par le fait, non plus seulement deux, mais trois obstacles à l’usage de son mariage ; car en même temps qu’elle avait commis un adultère et un inceste, « lie était tombée vis-à-vis de son conjoint dans l’empêchement d’affinité (voir ce mot). L’aflinité contractée antérieurement rendait le mariage nul, car elle était un empêchement dirimant. Si elle était contractée postérieurement au mariage, elle rendait l’usage du mariage illicite, au moins pour la personne qui connaissait cette affinité. Reste à savoir si l’on a cru, dans les siècles qui précédèrent le décret de Gratien, que l’aflinité ainsi contractée après le mariage annulait celui-ci ; en d’autres termes, si on a permis à l’époux innocent de contracter une nouvelle union du vivant de l’époux coupable. En ce cas, l’adultère incestueux aurait été cause de la rupture du mariage, non pas, il est vrai, en raison de l’adultère, mais en raison de l’affinité qui résultait de son caractère incestueux, ou, pour prendre l’expression adoptée par plusieurs auteurs modernes, en raison de l’aflinité survenant après le mariage, affinitas superveniens.

Disons tout de suite que jusqu’au VIIIe siècle aucun texte ne laisse supposer que l’Eglise ait laissé rompre des mariages pour ce motif.

viiie siècle.

La plupart des documents du vme siècle se prononcent de même pour l’indissolubilité absolue du lien matrimonial en cas d’inceste. Cependant il est quelques décrets qui semblent accorder à 1 époux innocent le droit de contracter une nouvelle union du vivant de l’époux incestueux. Ces décrets ont été portés par les diètes ou conciles de Verberie (753) et de Compiègne (756 ou 758), assemblées présidées par le roi Pépin et où l’élément laïque était mêlé à l’élément ecclésiastique, de sorte qu’il y a lieu de se demander si leurs décisions ont été des capilulaires revêtus de l’autorité civile ou des canons revêtus de l’autorité religieuse. Freisen, op. cit., p. 462, note 2. Il faut y ajouter un décret semblable attribué par Gratien, Décret., caus. XXXII, q. iiv c. 32, au pape Zacharie (752). Mais son authenticité est très douteuse ; car, comme on va le voir, il n’a pas la forme d’un décret pontifical, mais plutôt celle d’un article de pénitentiel. Il apparaît d’ailleurs pour la première fois sous le nom du pape Zacharie au xie siècle, dans le recueil de décrets de Burchard, c. xix, P. L., t. cxl, col. 965, d’où sans doute Gratien l’a extrait. Voici ces canons :

concile de verberie. — Can. 2 : Si quis cum filiaslra sua (la fille que sa femme a eue d’un autre mari) manet, nec matrem, nec filiani ipsius potest habere, nec Mc, nec Ma aliis se poterunt conjungere ullo unquam tempore. Attamen uxor ejus, si ita volueril, si se conlinere non potest, si postquam cognovit quod cum /Ma sua vir ejus fuit in adullerio, carnale commercium cum eo non habet, nisi voluntate abslinet, potest alio nubere. — Can. 10. Si (Mus cum noverca sua uxorc patris sui dormierit, nec Mc, nec Ma possunt ad conjugium pervenire. Sed Me vir, si vult, potest aliam uxorem habere ; sed melius est abstinere. — Can. 11. Si quis cum filiaslra sua dormierit, simili sententia stare potest ; et cum sorore uxoris suse, simili modo stare potest. — Can. 18. Qui cum consobrina uxoris suse manet, sua careat, el nidlam aliam Itabeat ; Ma mulier quam habuit, facial quod vult. Hoc Ecclesia non recipit. Hardouin, Acta conciliorum, t. iii, col. 1990-1992.

concile de compiegne. — Can. 8. Si quis homo habet midierem legitimam, et f rater ejus adulleravit cum ea, ille frater vcl Ma femina, qui adulterium perpelrave runt, intérim quo vivunt, nunquam habeant conjugium. Ille cujus uxor fuit, si vult, potestatem habet accipere aliam. Hardouin, ibid., col. 2006.

décret attribue au pape zacharie. — Concubuisti cum sorore uxoris luæ ? Si fecisti, neutram habeas, et si Ma, quæ uxor tua fuit, conscia sceleris non fuit, si se continere non vult, nubat in Domino cui v élit. Tuautem et adultéra sine spe conjugii permaneatis, el quamdiu vivitis, juxtapreceplum sacerdotis pœnitenliam agite. Gratien, Décret., caus. XXXII, q. iiv c. 23, édit. Friedberg, Leipzig, 1879, col. 1145.

D’après ces décrets, le droit d’avoir aucune relation conjugale avec leur conjoint, et celui de contracter jamais aucun autre mariage est ôté à ceux qui ont commis un inceste avec un proche allié, c’est-à-dire pour les femmes, avec le fils ou le frère de leur mari, et pour les maris avec la fille, la sœur ou la cousine de leur femme (l’Église n’admettait pas cette loi pour la cousine). Cette discipline est la conséquence de la loi que nous avons rapportée plus haut au sujet de l’inceste. Si l’époux innocent a continué à avoir des rapports conjugaux avec l’époux coupable, après avoir connu son inceste, il tombe sous les mêmes peines ; car il a été, lui aussi, sciemment incestueux dans ces rapports, puisque son conjoint avait contracté une affinité avec lui. Mais que peut-il faire, si aussitôt qu’il a connu cette affinité il a cessé de mener la vie conjugale avec son conjoint coupable ? Puisqu’il est innocent, il n’a encouru aucune peine. Il n’est donc pas inhabile au mariage. Aussi nos textes s’accordent à dire qu’il peut se remarier, s’il le veut.

La question est de savoir s’il peut oui ou non contracter ce nouveau mariage avant la mort de son conjoint incestueux. S’il le peut, c’est que l’aflinité survenant après le mariage en aura dissous le lien. S’il ne le peut pas, c’est que ce lien est resté indissoluble.

Deux interprétations se sont produites sur ce point. L’une soutient que ce n’est qu’après la mort de son conjoint, que l’époux innocent peut se remarier d’après les canons cités. Elle n’est pas sans vraisemblance. Les textes mettent en effet en opposition la condition de l’époux incestueux et celle de l’époux innocent. Après avoir dit que l’époux incestueux ne pourra jamais se marier, on ajoute que l’époux innocent le pourra faire, si cela lui plaît. On est en droit de croire qu’il ne le pourra néanmoins que suivant les lois que lui impose son premier mariage, c’est-à-dire après la mort de son conjoint. C’est ainsi que nos textes ont été expliqués par la plupart des anciens canonistes, en particulier par Gratien.

Une autre interprétation a été proposée. Elle consiste à dire que les décrets en question donnent à l’époux innocent le droit de se remarier, même du vivant de son conjoint coupable. C’est en effet le sens obvie de ces décrets, en particulier du canon 2 de Verberie, qui dit au présent (non au passé) si commercium cum eo non habet, et du canon 10, qui ajoute cette observation : sed melius est abslinere. Il paraissait d’ailleurs équitable de permettre à l’époux innocent de se remarier, du moment que l’adultère incestueux de son conjoint le mettait dans l’obligation de se séparer de lui à jamais. Enfin, les conciles de Verberie et de Compiegne ont édité d’autres capitulairesou canons qui semblent permettre un nouveau mariage, du vivant d’un premier époux légitime (can. 5, 7, 9, 19 de Verberie, can. 9 et 19 de Compiegne). Hardouin, loc. cit. Il y a donc lieu de croire que les canons que nous avons cités ont le même sens. Aussi cette interprétation défendue par Freisen, loc. cit., nous paraît-elle la plus probable.

Suit-il de là que ces lois sur l’affinité survenant après le mariage, aient été portées par l’Eglise ? Nous ne le pensons pas. Le décret attribué au pape Zacharie ne saurait entrer en ligne de compte, puisqu’on en ignore la provenance. Quant aux canons ou capilulaires de