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487 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE DANS L’ÉGLISE LATINE 488

siint et sine spe conjugii maneat. Il s’agit dans ce canon d’une femme qui a été prostituée à un autre homme par son mari. Le mari est de ce chef condamné à une pénitence perpétuelle et tout mariage lui est à jamais défendu. Pour la femme, elle est soumise à la même peine lorsqu’elle s’est prêtée de son gré à ce crime. Mais il en est autrement, quand elle en a été victime malgré elle ; si elle ne peut garder la continence, on lui permet en ce cas d’épouser qui elle voudra. Si se continere non potest, nubat cui volucril, tantum in Domino.

A en juger par la discipline actuelle de l’Église, on serait porté à croire que ce canon permettait à cette femme un second mariage du vivant de son indigne mari. Si l’adultère simple n’avait pas été à cette époque un empêchement de mariage, il n’y aurait pas eu en effet de raison de permettre à cette femme adultère, de se marier après la mort de son mari. La permission exprimée par le canon qui nous occupe ne se comprendrait donc guère que d’un mariage avant la mort de son mari. Mais cette permission prend un autre sens, quand on sait que le mariage était à jamais interdit aux adultères, comme notre texte le montre lui-même, en défendant tout mariage à cette femme, si elle a consenti à son adultère. llla autem si consentiens fucrat… sine spe conjugii maneat. Cette interdiction une fois connue, il y a lieu de penser que la permission de se marier donnée à cette femme, si elle a été la victime innocente d’un attentat, regarde seulement le temps où elle deviendrait libre par la mort de son premier mari. L’adultère commis sur elle l’aurait obligée à la pénitence et l’aurait privée du droit de se marier, si elle en avait été coupable. Mais du moment qu’elle n’en était pas responsable, il ne lui était pas plus interdit de se marier qu’à toute autre femme vertueuse : elle pouvait donc le faire après la mort de son premier mari. Tel est, à ce qu’il semble, le sens du canon qui nous occupe. S’il se trouvait dans un des pénitentiels anglo-saxons postérieurs au VIIIe siècle, il y aurait quelques raisons de douter de ce sens, parce que, comme nous le verrons, plusieurs de ces pénitentiels permettaient un second mariage au mari du vivant de son épouse adultère (bien que non à la femme en cas d’adultère du mari). Mais ce canon se trouve dans un pénitentiel où cet abus était condamné. Cet abus était condamné en effet, nous le verrons, par les pénitentiels du groupe romain et par les pénitentiels du groupe germain. Remarquons cependant que ce canon ne se trouve point, comme Perrone le croyait, dans les pénitentiels d’origine romaine. Voir Schmitz, Die Bussbucher, passim. Il se trouve seulement dans les pénitentiels des églises germaniques, n. 50. Schmitz, Die Bussbucher, t. H, p. 420, Dusseldorf, 1898. Il a pu assurément s’introduire comme bien d’autres éléments dans un pénitentiel dénommé romain. Jbid., p. 142 sq. Mais il est d’origine germanique. Comme le pénitentiel des Eglises germaniques où ce canon se trouve défendait, n. 44, Schmitz, ibid., p. 419, aussi bien que les pénitentiels d’origine romaine, de se remarier du vivant d’un époux adultère dont on se sérail séparé, il y a lieu de penser que le mariage permis à la femme prostituée malgré elle par son mari ne devait avoir lieu qu’après la mort de ce dernier. Cependant, connue le même pénitentiel (voir plus loin) semble permettre quelquefois un nouveau mariage avant la mort il un premier conjoint, l’interprétation que nous avons admise avec Perrone est moins certaine que si ce ca non avait une origine romaine.

Quoi qu’il en soit, on comprend qu’il est nécessaire de connaître la législation de cette époque sur la pénitence il sur l’adultère, pour comprendre les canons relatifsà l’influence de l’adultère sur le lien matrimonial.

" L’inceste empêchement du mariage. — On donnait le nom d’inceste à la fornication commise avec toute personne à laquelle on étail lié par la consanguinité ou

l’affinité. On étendit même ce nom au commerce charnel avec des personnes consacrées à Dieu et en général au commerce des personnes entre lesquelles le mariage eût été interdit. Au commencement du VIe siècle, celui qui avait commis un inceste n’était pas regardé encore comme incapable de se marier. Nous le voyons par les conciles d’Agde (506), c. 61, et d’Épaone (517), c. 30, Labbe, Concil., t. iv, col. 1393 157 : ..

A partir du milieu du viiie siècle, l’inceste, alors même qu’il résultait d’une affinité clandestine, par exemple un commerce secret avec deux sœurs, entraînait l’incapacité de se marier jamais. Les conciles de Verberie (753) et de Compiègne (757) affirment, en raison de ce principe, la nullité de divers mariages. Les mêmes règles de conduite sont suivies par les conciles de Mayence (813), can. 56. Mansi, t. xiv, col. 75. Le pape saint Zacharie († 752) avait étendu les effets de l’inceste aux rapports charnels entre parents ou affines jusqu’au septième degré (suivant la computation du droit civil romain). Cependant, on ne considéra généralement comme rendant inhabiles à tout mariage que les rapports incestueux avec des parents plus proches que les cousins germains, ou avec des affines de même degré. Cette inhabileté des incestueux au mariage dérivait sans doute primitivement des règles de la pénitence que nous avons rappelées plus haut. Mais lorsqu’on eut permis aux pénitents de se marier après l’accomplissement de leur pénitence, on n’appliqua point cet adoucissement aux incestueux, on continua au contraire à leur refuser tout espoir de mariage. Hincmar combattait le divorce du roi Lothaire avec Theutberge. Il reconnaissait néanmoins que leur mariage eût été nul, si Theutberge avait eu antérieurement des rapports charnels avec son frère, comme le prétendait Lothaire. De divorlio Lotharii, P. L., t. lxxv, col. 705, 706, 730, 731. Cf. le Pénitentiel des Églises de Germanie, n. 113 et 118, Schmitz, Die Bussbucher, t. ii, p. 434, 435, Dusseldorl, 1898. Cette inhabileté au mariage pour cause d’inceste était encore en vigueur au temps de Gratien, caus. XXXII, q. iiv c. 20, 24. Il y avait d’ailleurs d’autres crimes qui entraînaient l’incapacité de se marier. Freisen, op. cit., § 54, p. 575 sq. Nous parlons en particulier de l’inceste, parce que l’empêchement qu’il produisait amenait quelquefois des séparations qui semblaient une rupture du lien matrimonial pour cause d’adultère.

IL L’adultère incestueux et le lien du mariage jusqu’au xiie siècle. — Nous croyons devoir consacrer deux paragraphes distincts à l’action de l’adultère incestueux et à celle de l’adultère simple sur le lien du mariage, dans la première partie du moyen âge. En effet, comme nous Talions voir, l’adultère incestueux, à l’exclusion de l’adultère simple, semble avoir rompu à cette époque bien des mariages légitimes dans les pays germaniques, en raison des décrets des conciles de Verberie et de. Compiègne, tandis qu’au contraire, dans les pays francs et anglo-saxons qui se servaient du pénitentiel de Saint-Théodore, le lien matrimonial fut souvent brisé à la suite d’un simple adultère, sans qu’il fût besoin pour cela que cet adultère fût incestueux.

La clarté’de noire exposition demande donc que nous étudiions séparément les rapports de l’adultère simple et de l’adultère incestueux avec les mariages déjà contractés et consommés.

Nous avons remarqué précédemment que, durant une pailie de la période qui nous occupe, l’adultère et l’inceste empêchaient tout futur mariage. Cependant, lorsi pi une personne mariée commettait un adultère incestueux avec ses propres parents, il ne semble pas que cette faute ail été regardée comme entraînant d’autres conséquences par rapport au mariage qu’elle avait contracté, que les conséquences de n’importe quel adultère ou de n’importe quel inceste, Hincmar soutenait que le mariage de