Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée

483 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE DANS L’ÉGLISE LATINE 481

conduite de la femme doit seulement faire cesser toute cohabitation de son mari avec elle.

Auteurs latins.

Parmi les auteurs latins, Lactance a également une doctrine incertaine. Lui aussi affirme, Divinarum institulionum, 1. VI, c. xxiii, P. L., t. vi, col. 720 ; Epitome divin, institut., c. lxvi, col. 1080, qu’il y a dissolution dans l’hypothèse de l’adultère. Il semble bien accorder au mari trompé le droit de contracter un nouveau mariage. Cependant Perrone, op. cit., p. 253, croit qu’il parle plus probablement d’une simple séparation quoad torum. Il ne serait pas étonnant d’ailleurs qu’il se soit trompé sur un sujet encore mal élucidé, puisque saint Augustin excusait encore ceux qui, de son temps, tombaient dans la même erreur. — Dans un texte célèbre de son commentaire de la première Épitre aux Corinthiens, c. iiv le pseudovmbroise ou Ambrosiaster dit que la femme ne peut contracter une nouvelle union, du vivant de son mari, si elle s’en est séparée à cause de l’apostasie ou des mœurs corrompues de celui-ci ; mais il ajoute qu’il est permis à l’homme de se remarier, s’il a renvoyé son épouse pour cause d’adultère, parce que la loi n’enchaine pas l’homme comme la femme, car l’homme est la tête de la femme : Viro licet ducere uxorem, si dimiserit uxorem peccantem ; quia non ita constringitur, sicut mulier ; caput enim mulieris vir est. P. L., t. XVII, col. 218. On se demande s’il entend exprimer ce que permet la loi civile, ou ce que permet la loi évangélique. L’inégalité qu’il invoque entre les droits de l’homme et de la femme étant contraire à l’Évangile, il y a là une raison de croire qu’il parle d’après la loi civile. Mais, d’autre part, c’est en expliquant le texte de saint Matthieu, excepta fornicationis causa, qui est amené à émettre sa doctrine. Il semble donc plutôt avoir voulu concilier avec l’Évangile les prescriptions des lois romaines et reconnaître à l’homme trompé par sa femme, le droit de prendre une autre épouse.

Conclusion. — De ce qui précède il résulte que le sentiment qui prédominait dans l’Église, aux quatre premiers siècles, c’est que l’adultère d’un des époux entraînait pour l’autre le droit de se séparer de son conjoint coupable, mais non celui de briser le lien du mariage. Les premiers auteurs qui s’expriment à se sujet soit dans l’Église grecque, soit dans l’Église latine, affirment que le mari ne saurait se remarier, quand sa femme manque à la fidélité conjugale. Hermas le dit très clairement. Tertullien le déclare aussi, quoique en des termes un peu obscurs. Les autres Pères affirment d’une manière absolue que le mariage est indissoluble. Ils admettent sans doute quelquefois qu’il peut être dissous ; mais ils entendent par cette dissolution une simple séparation de corps. Jusqu’au IVe siècle, nous n’en avons rencontré aucun qui ait émis le sentiment que la femme et à plus forte raison le mari puissent convoler à de secondes noces, quand leur conjoint est tombé dans l’adultère. Origène nous a cependant appris que quelques évoques toléraient cette conduite, mais à partir du ive siècle une plus grande hésitation semble se produire. Elle vient sans doute de ce que la loi civile, même après les modifications qui y avaient été apportées par les empereurs chrétiens, accordait au mari le droit de contracter un nouveau mariage, quand son épouse s’était donnée à un autre. Nous avons entendu saint Basile nous parler de celle loi, qu’il appelait coutume et qu’il déclarait contraire à l’Évangile. D’autres aùtffurs en petit nombre, Lactance et le pseudo-Ambroise, ou Ambrosiaster, paraissent avoir cru que Jésus-Christ avait permis au mari de rompre le lien même du mariage, et de contracter une nouvelle union dans le cas exceptionnel de l’adultère île nin épouse. Le concile d’Arles nous a montré que l’Eglise au commencement du ive siècle ne l’admettait pas, mais que néanmoins elle gardait des ménagements vis-à-vis de ceux qui voulaient user des

droits accordés par la loi civile. Saint Augustin juge que leur erreur est excusable, à cause de la difficulté qu’offrent les textes de saint Matthieu. Mais il établit nettement d’après les autres passages de l’Écriture que Jésus-Christ a voulu l’indissolubilité absolue du mariage. Au commencement du ve siècle, le second concile de Milève le déclare et décide qu’on demandera une modification de la loi civile, en conformité avec cette doctrine. Le dogme de l’indissolubilité absolue du mariage était donc, dès cette époque, habituellement enseigné dans l’Église, bien qu’il ne fût pas encore présenté avec la clarté qu’il eut dans la suite.

Henri Kce, Manuel de l’histoire des dogmes chrétiens, in-8’, Louvain, 1851, t. ii, p. 300 sq. ; Carrière, De matrimonio, in-12, Paris, 1859, p. 176 sq. ; Perrone, De matrimonio christiano, in-8°, Liège, 1858, t. m ; Palmieri, Tractatus de matrimonio christiano, in-8°, Rome, 1880, p. 171 sq. ; Freisen, Gescliiclite des canonisches Eherechts, 2’édit., Paderborn, 1893, p. 769 sq.

R. SOUARN.

IV. ADULTÈRE (L’i et le lien du mariage dans l’Église latine du V’au XVI° siècle. — I. Observations sur les lois civiles et ecclésiastiques en vigueur avant le XIIe siècle. IL L’adultère incestueux et le lien du mariage jusqu’au xiie siècle. III. L’adultère simple et le lien du mariage à la même époque. IV. Du xiie au xvie siècle.

I. Observations sur les lois civiles et ecclésiastiques EN VIGUEUR AVANT LE XIIe SIÈCLE. — La question des effets de l’adultère sur le lien du mariage se posait du ve au XIIe siècle dans des conditions très différentes de la manière dont elle se pose aujourd’hui. Quelques observations préliminaires sur ces conditions nous semblent indispensables pour comprendre les textes de cette époque.

1° Opposition de la doctrine chrétienne avec les lois civiles, soit romaines, soit germaniques. — Il y a lieu de distinguer au commencement de cette période dans l’Église latine deux courants de vues, au sujet des effets de l’adultère sur le lien du mariage. Le premier courant qui fut toujours prédominant s’appuyait sur les enseignements de la sainte Écriture et des Pères, pour affirmer l’indissolubilité du mariage en cas d’adultère. Le second courant, qui se trahit de temps en temps, montrait de la tolérance pour les ma>urs de populations mal imprégnées encore de l’esprit chrétien. Il s’accommodait à l’indulgence des lois civiles. Nous avons déjà remarqué dans l’article précédent, que la loi romaine permettait de se remarier avant la mort d’une épouse répudiée pour cause d’adultère ou pour d’autres motifs. Les lois germaniques autorisaient aussi ces mariages en cas de divorce. Or parmi les diverses causes de divorce entraînant pour le conjoint innocent le droit de se remarier, elles mentionnaient l’adultère de la femme (un simple adultère du mari n’était pas reconnu pour cause suffisante de divorce par les lois civiles). Freisen, Geschiclite des canonischen Eherechts, 2e édition, Paderborn, 1893, p. 776-781.

La condamnation des coutumes que cette législation supposait donnait lieu, on le comprend, à de grandes difficultés pratiques. Il était plus aisé de laisser faire que de combattre les lois civiles. L’ignorance où vivait le clergé de cette époque devait aussi l’y porter. D’ailleurs la doctrine de l’indissolubilité absolue du mariage, même en cas d’adultère, n’était pas encore arrivée au degré de netteté’qu’elle a eu plus tard dans l’Église catholique. Les textes de quelques Pères permettaient de la mettre en doute. Toutefois, ce ne fut point par une fausse interprétation des paroles de Jésus-Christ rapportées par saint Matthieu, xix, 7, qu’on fut entraîné à laisser les époux contracter de nouvelles unions avant la mort l’un de l’autre. Non ; car partout où se manifesta cette tolérance, elle s’étendit à d’autres cas qu’à celui de l’adultère ; souvent même elle ne s’applique point à ce cas, mais seulement à d’autres qui se produisaient plus