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477 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE D’APRÈS LES PÈRES 478

ciliation des époux, lorsque la femme coupable a fait pénitence. Ibid., n. 7, 8. — Saint Justin se prononce également en faveur de l’indissolubilité. Dans la Première apologie, il invoque l’autorité de l’Évangile sans faire la moindre restriction : « Quiconque épouse une femme répudiée, commet un adultère. » P. G., t. VI, col. 319. Au début de la Seconde apologie écrite vers l’année 155, il raconte, il est vrai, l’histoire d’une femme chrétienne qui avait envoyé à son mari un billet de divorce à cause de sa mauvaise conduite. Elle aurait cru en conscience participer aux désordres de son époux, si elle avait habité plus longtemps avec lui, [livouoa èv ttj (yj^jyla, xai 6[ioâtouToç xoù ôixôjtotToç Y^ofiiv »). Mais les adversaires n’ont pas le droit de se prévaloir ici de l’autorité de saint Justin ; car le saint martyr ne dit pas que la femme chrétienne ait contracté une nouvelle union ; il y a eu simplement séparation quoad mensam et torum. P. G., t. vi, col. 444-415.

Clément d’Alexandrie s’appuie sur le témoignage de l’Écriture pour démontrer que les époux doivent habiter ensemble. Il dit que l’Écriture a posé cette loi : « Vous ne renverrez jamais votre femme sauf dans le cas de fornication, » et qu’elle donne le nom d’adultère à toute nouvelle union contractée du vivant d’un des conjoints. Un peu plus loin le même auteur cite le texte des évangélistes sans formuler la moindre exception, et il déclare coupable d’adultère celui qui épouse la femme renvoyée par son mari : ô Se à7toXeX’jfj. ! vï]v Xajxëivwv yjvatxa u.oi-/àxai, et il veut que cette— dernière revienne à son mari après avoir fait pénitence. Slromat., 1. II, c. XXIII, P. G., t. viii, col. 1096.

Origène constate que certains évêques permirent quelquefois à la femme abandonnée d’épouser un second mari, du vivant du premier, mais il ajoute en même temps que c’était une infraction positive au précepte de l’apôtre : Millier alligata est quanto tempore vir ejus vivit. Il dit ensuite qu’il est permis de répudier sa femme pour cause d’adultère et se demande si cette répudiation ne peut pas se faire également pour d’autres causes. Mais il semble bien ne point admettre que cette répudiation brise le lien du mariage ; car il ne dit pas que le mari qui a répudié sa femme pour cause d’adultère puisse contracter une nouvelle union. Il affirme d’ailleurs que la femme répudiée commet l’adultère, si elle vit avec un autre homme, et que, d’après le Sauveur, cet homme qui vit avec la femme répudiée ne doit pas être appelé son mari mais un adultère. In MatlJt., P. G., t. xiii, col. 1245-1249.

Les canons apostoliques (seconde moitié du ive siècle) portent : « Si un laïque après avoir renvoyé sa femme en prend une autre, ou s’il prend une femme renvoyée par un autre, qu’il soit privé de la communion. » Can. 48, Pitra, Juins ecclesiaslici Grœcorum hisloria et monumenta, in-4°, Rome, 1864, t. i, p. 24.

On a dit que saint Grégoire de Nazianze considère le divorce proprement dit comme permis par l’Évangile. Esmein, Le mariage en droit canonique, Paris, 1891, t. ii, p. 50. C’est lui prêter une pensée qu’il n’exprime pas. Ce Père s’élève au contraire avec indignation contre les lois civiles, qui se montraient inexorables pour la femme infidèle et laissaient impuni le crime du mari. Il affirme sans doute que le Christ permet au mari de se séparer de sa femme dans le cas où la femme est adultère. Il en conclut que les maris ont le droit de renvoyer une épouse impudique, et qu’ils doivent supporter patiemment les autres défauts de leurs femmes. Orat., XXXI, P. G., t. xxxvi, col. 289, 292. Mais il parle seulement de séparation et il ne dit nulle part que le mari puisse se remarier après avoir renvoyé sa femme adultère, ou que celle-ci cesse d’être sa femme.

On a dit aussi (Esmein, ibid.) que saint Jean Chrysostome déclare, De Ubello repudii, 1. II, P. G., t. li, col. 221, que la femme adultère ayant violé la loi même

du mariage, elle n’est plus l’épouse légitime de son mari. C’est dénaturer le sens de ce passage que de l’appliquer à notre question. Dans ce passage, en effet, saint Chrysostome parle d’une femme qui a été répudiée par son mari ou qui l’a abandonné, quel que soit le motif de leur séparation. Il s’applique à démontrer que cette femme appartient toujours à son mari, et que si elle vil avec un autre elle est une adultère. Il s’écrie que cette femme adultère n’est l’épouse de personne, car elle a manqué à ses engagements envers son mari et elle ne s’est pas unie d’une manière légitime à celui avec qui elle vit. Aussi menace-t-il ce dernier du jugement du Christ dont il a violé la loi. N’est-ce pas dénaturer ce texte que d’y chercher une preuve, que saint Chrysostome regardait le mariage comme rompu par l’adultère de la femme ? Il y affirme, au contraire, d’une manière absolue l’indissolubilité du mariage une fois contracté. Il le fait même avec une force remarquable. Voici, en effet, ce que nous lisons un peu plus haut. Ibid., col. 218, 219. « Saint Paul n’a pas dit : que la femme cohabite avec son mari aussi longtemps qu’il vivra ; mais la femme est lice par la loi du mariage aussi longtemps que vivra son mari. I Cor., iiv 39. Donc alors même qu’il lui donnerait un billet de divorce, alors même qu’elle quitterait la maison, alors même qu’elle irait à un autre époux, elle est liée par la loi, elle est adultère. Car de même que les esclaves fugitifs traînent avec eux leur chaîne, alors même qu’ils ont fui la maison de leur maître, ainsi les femmes, alors même qu’elles abandonnent leur mari, ont pour chaîne la loi qui les poursuit et les accuse d’adultère. Cette loi poursuit aussi l’homme qui a pris cette femme et elle lui crie : Son mari est vivant, votre conduite est un adultère. Car la femme est liée par la loi, tant que vit son mari. L’homme qui prend une femme répudiée commet un adultère. Matth., v, 32. » D’ailleurs le saint docteur ne veut pas que les maris renvo : ent leurs femmes, sinon en cas d’adultère de cellesci, et en ce cas il ne laisse pas supposer qu’elles peuvent se remarier, In Matth., homil. xvii, P. G., t. iilv col. 260, plutôt que les femmes qui seraient répudiées pour des motifs moins graves. Il convient d’ailleurs de noter ce fait : le saint évêque enseigne aussi que l’homme a absolument les mêmes devoirs que la femme dans le mariage, et que pour la continence le mari n’a aucune prérogative.

Par conséquent, loin de reconnaître à la femme ou au mari le droit de se remarier si l’un ou l’autre était adultère, saint Jean Chrysostome n’a rien dit qui soit favorable à ce prétendu droit.

II. Pères latins.

Tertullien est souvent présenté comme un défenseur du divorce en cas d’adultère. Cela est d’autant plus extraordinaire que, lorsqu’il fut devenu montaniste, il condamnait les secondes noces comme illégitimes, même après la mort d’un des conjoints. Dans son traité De monogamia, parlant de la femme répudiée pour cause d’adultère, il dit qu’elle ne saurait légitimement se remarier. Non et nubere légitime putest repudiala. Partant de l’erreur montaniste, il ajoute qu’on ne saurait se marier qu’une fois. Un second mariage n’est permis ni du vivant de celui à qui on a été uni, ni après sa mort. P. L., t. ii, col. 990 sq.

Un assez grand nombre d’auteurs sont d’avis que le prêtre de Carthage avait admis dans son IVe livre contre Marcion que le lien du mariage est brisé par l’adultère. A notre avis, il n’y a pas exprimé ce sentiment. Ce traité a été écrit en effet en 207, assez longtemps après qu’il se fut fait montaniste. Lorsqu’il le composa, il rejetait donc le second mariage, même après la mort du premier conjoint. Aussi ne dit-il pas que l’époux ou l’épouse divorcés puissent se remarier. Que dit-il donc qui ait pu lui faire imputer cette doctrine ? Le voici. Marcion prétendait mettre en opposition la loi de Moïse qui permet le divorce et la loi de Jésus-Christ qui le défend. C’est