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ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE D’APRÈS LES PÈRES

a pas été ainsi dès le commencement, ꝟ. 8. C’est alors qu’il formule, ꝟ. 9, sa doctrine que nous avons étudiée. Dico autem vobis, etc. Le contexte demande que cette doctrine soit conforme à ce que le Sauveur vient de dire de l’institution primitive du mariage. Il faut donc penser que Jésus a enseigné, ꝟ. 9, l’indissolubilité absolue du mariage et que, s’il autorise la séparation des époux en cas d’adultère, il n’autorise pas le divorce, comme Moïse. Les disciples le comprennent de cette manière, car ils disent : S’il en est ainsi, il n’est pas expédient de se marier, ꝟ. 10. Et le Sauveur leur répond en faisant l’éloge, non pas du mariage, mais de la virginité. D’après tout le contexte, Jésus a donc enseigné que le lien d’un mariage, une fois contracté, ne saurait être rompu pour aucun motif.

3. Les textes parallèles.

Nous avons rappelé plus haut les textes de saint Marc, de saint Luc et de saint Paul qui affirment l’indissolubilité de tous les mariages sans exception. Il est clair que la doctrine formulée en saint Matthieu n’est pas différente, par conséquent que l’adultère n’y est pas présenté par le Sauveur, comme une cause de divorce. Cette conclusion s’impose plus particulièrement, en raison du texte de saint Paul. I Cor., vii, 10. L’apôtre dit en effet : « À ceux qui sont unis par le mariage, je prescris, non pas moi, mais le Seigneur, non ego, sed Dominus, que l’épouse ne se sépare pas de son mari, mais si elle s’est séparée de lui, elle doit rester en dehors du mariage ou se réconcilier avec son mari, etc. » Il présente donc l’indissolubilité absolue du mariage comme ayant été enseignée par le Christ lui-même. C’est une preuve que les textes de saint Matthieu ne permettent point le divorce en cas d’adultère.

Objection. — On peut opposer à notre interprétation une difficulté : Pourquoi Jésus-Christ n’autorise-t-il la séparation qu’en cas d’adultère, comme si c’était le seul cas où il soit permis à un époux de se séparer de son conjoint ? L’Église en reconnaît plusieurs autres. — On répond : l’adultère est la seule cause de renvoi qui, de sa nature, soit permanente. Cette cause est d’ailleurs la seule qui soit particulière au mariage ; les autres se rencontrent dans toute espèce d’union ou de cohabitation.

Nous ne nous arrêtons pas à montrer que le Christ accorde à la femme les mêmes droits qu’au mari en cas d’adultère. Cette parité est fondée sur les enseignements de saint Paul que nous avons signalés plus haut.

Cf. Maldonat, Commentarii in quatuor Evangelistas, in-8o Mayence, 1874, t. ii, col. 379-383 ; Corluy, Spicilegium dogmaticobiblicum, Garnd, 1884, t. ii, p. 480 sq. ; Schanz, Commentar über das Evangelium des heiligen Matthæus, in-8o, Fribourg-en-Brisgau, 1879, p. 191-196 ; Crelier, La Sainte Bible. Genèse, in-8o, Paris, 1889, p. 43-44 ; Knabenhauer, Commentarius in Evangelium secundum Matthæum, in-8o, Paris, 1893, t. I, p. 227 ; Cornely, Commentarius in Epistolum primam sancti Pauli ad Corinthios, in-8o, Paris, p. 178-179 ; Fillion, La Sainte Bible : Évangile selon saint Matthieu, in-8o, Paris, 1878, p. 372 sq. ; Perrone, De matrimonio christiano, in-8o, Liège, 1801, t. iii, p. 147-219 ; Palmieri, De matrimonio christiano, in-8o, Rome, 1880, p. 168-188.

R. Souarn

III. ADULTÈRE (’) et le lien du mariage d’après les Pères de l’Église.

Nous allons voir que les premiers écrivains chrétiens qui furent amenés à s’exprimer sur cette question, comprenaient les textes du Nouveau Testament, comme nous les avons expliqués, dans l’article précédent. Ils affirment clairement qu’il n’est permis à aucun des deux conjoints de convoler à un second mariage, lorsqu’ils se sont séparés pour cause d’adultère. Cependant tous les Pères ne se prononcent pas avec une égale netteté. Aussi, pour se rendre compte de leur pensée, importe-t-il de ne pas perdre de vue trois observations importantes. — La première, c’est que la loi civile permettait un nouveau mariage en cas de divorce.

Voir VI. Adultère (L’), cause de divorce dans les Églises orientales, col. 514. Lorsque les Pères parlent des mariages conformes à la loi civile, ils ne les considèrent pas pour cela comme conformes à l’Évangile. — La seconde, c’est que l’on se servait souvent des mêmes termes pour exprimer la séparation de corps et de résidence que l’Évangile permet en cas d’adultère, et le divorce ou dissolution du lien conjugal qu’il condamne. Voir VII. Adultère (L’), cause de séparation de corps, col. 516. Aussi, pour conclure que les Pères admettaient le divorce proprement dit, en cas d’adultère, il ne suffit pas de leur entendre dire que les deux conjoints peuvent se séparer par un divorce, ils doivent ajouter que les conjoints divorcés ne commettraient aucune faute en contractant un autre mariage du vivant l’un de l’autre. — La troisième observation, c’est que le mot adultère n’avait pas, au temps des Pères, le même sens qu’aujourd’hui. Comme on l’a dit à l’article I. Adultère (Péché d’), col. 463, le droit romain n’appelait pas adultère le commerce charnel de l’homme marié avec une femme libre ; il réservait ce nom à celui de la femme mariée avec un autre que son mari. La signification donnée en droit civil au mot adultère était donc plus restreinte que celle d’aujourd’hui et les Pères étaient, par suite, portés à donner cette signification restreinte au mot fornicatio de saint Matthieu. Par contre, plusieurs d’entre eux étendaient la signification de ce mot à l’idolâtrie, qui est appelée adultère par l’Écriture, et même à d’autres fautes. Après avoir exposé qu’un homme doit se séparer de son épouse si elle tombe dans l’adultère, mais qu’il ne saurait prendre une autre femme, le Pasteur d’Hermas poursuit : « Non seulement il y a adultère lorsque quelqu’un souille sa chair, mais quiconque fait les mêmes choses que les païens est adultère. » Mandat., IV, I, 9, Funk, Opera Patrum apostolicorum, Tubingue, 1887, t. i, p. 391. De là une certaine difficulté à bien comprendre divers passages.

On a dit quelquefois que si les Pères ne permettaient pas un second mariage aux époux séparés pour cause d’adultère, c’était parce qu’ils regardaient d’une manière générale les secondes noces comme illicites. Mais cela n’est pas exact, du moins pour le plus grand nombre des textes ; car si les secondes noces ont été proscrites par certains hérétiques comme les montanistes, elles n’ont jamais été défendues par l’Église. Cf. Perrone, De matrimonio christiano, Liège, 1861, t. iii, p. 67 sq.

Ces observations faites, nous pouvons dire que l’Église, dès l’origine, a enseigné comme doctrine évangélique, la parfaite indissolubilité du mariage. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir la série des textes fournis par la tradition. Après avoir recueilli les principaux témoignages des représentants de l’Église grecque et de l’Église latine, nous ferons connaître quelques textes obscurs, où semble s’affirmer une doctrine différente.

I. Pères grecs.

On ne saurait récuser le témoignage d’Hermas, il date du milieu du IIe siècle. Voici ses paroles : « Hermas dit à l’envoyé de Dieu : Si quelqu’un a une femme fidèle dans le Seigneur, et qu’il la surprenne en adultère, commet-il un péché en vivant avec elle ? Et il me dit : Il n’en commet pas tant qu’il ignore la faute, mais si, connaissant la faute, le mari vit avec sa femme sans qu’elle fasse pénitence, il participe à son péché et à son adultère. Que fera donc le mari, si la femme demeure dans son péché ? Qu’il la renvoie et qu’il reste lui-même seul ; s’il épousait une autre femme après avoir renvoyé la sienne, il serait aussi adultère. » Άπολυσάτω αύτήν καί ὁ άνήρ έφ᾽ εάυτᾢ μενέτω έἁν δἑ ἁπολύσας τἡν γυναίκα έτέραν γαμήση, καί αὑτὁς μοιχάται. Mandat., IV, I, 4, 5, Funk, Opera Patrum apostolicorum, in-8o, Tubingue, 1887, t. i, p. 394. Hermas admet bien que l’adultère autorise la séparation quod torum ; mais le lien du mariage reste toujours intact. Il est à remarquer qu’Hermas veut aussi la récon-