Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/254

Cette page n’a pas encore été corrigée

« 473 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE D’AP. L’ÉCRIT. SAINTE 474

point à entrer ici. La question principale est de savoir si le lien du mariage peut être oui ou non brisé en cas d’adultère. Nous allons montrer qu’il subsiste toujours, alors même que l’époux innocent renverrait son conjoint adultère. Cela résulte en effet du texte des versets de saint Matthieu, de leur contexte et des textes parallèles des autres écrivains sacrés.

1. Le texte. — Nous appelons le texte d’abord le verset 32 du ch. v de saint Matthieu : Ego autem dico vobis, quia oninis, qui dimiserit uxorem suam, excepta fornicationis causa, facit eam mœchari et qui dimissam duxerit adultérât, et ensuite le verset 9 du ch. xix : Dico autem vobis, quia quicumque dimiserit uxorem suam, nisi ob fornicationem, et aliam duxerit, mœchatur : et qui dimissam duxerit mœchatur. D’après ces versets, l’époux innocent, après avoir renvoyé son épouse adultère, commettrait-il un péché en s’unissant à une autre femme ? Voilà toute la question. Le premier texte ne répond pas formellement à cette question. Il dit seulement, dans sa première partie, qu’il y a péché à se séparer de son épouse, en dehors du cas d’adultère, parce qu’en l’abandonnant, on la met dans le danger de commettre l’adultère, facit eam mœchari. Il admet donc qu’il n’y a pas de péché à cette séparation dans le cas d’adultère ; en ce cas d’ailleurs la séparation ne serait pas la cause des adultères subséquents de l’épouse infidèle, puisqu’elle en commettait déjà auparavant. Le second texte parle de la nouvelle union que l’époux innocent voudrait contracter, après avoir renvoyé son épouse coupable. Il déclare que cette nouvelle union serait un adultère, et aliam duxerit, mœchatur. Y aurait-il adultère dans cette nouvelle union, même au cas où cet homme se serait séparé de sa première épouse, à cause de ses adultères ? Le texte, à s’en tenir à sa première partie, ne le dit pas clairement. On pourrait en effet l’entendre ainsi : « Quiconque aura renvoyé son épouse en dehors du cas de fornication, et aura pris une autre femme (en dehors de ce même cas) commet un adultère. » Le sens serait : Il est défendu de renvoyer son épouse et de se remarier, sauf en cas d’adultère de celle-ci ; mais en cas d’adultère d’une épouse il est permis de la renvoyer et de se remarier. C’est l’interprétation des grecs et des protestants. Elle s’imposerait, si l’exception nisi ob fornicationem se trouvait après et aliam duxerit ; car alors elle affecterait les deux membres de phrase quicumque dimiserit uxorem suam et aliam duxerit ; il y aurait lieu par conséquent de croire qu’en cas d’adultère de la femme qu’on a épousée, il n’y a pas plus de faute à se remarier, qu’à la renvoyer. Mais dans le texte évangélique, cette exception nisi ob fornicationem est mise seulement après le premier membre de phrase. On n’est donc pas en droit de dire qu’elle affecte aussi le second. Bien plus, comme elle a été placée après le premier membre, quand il eût été si facile de la placer après le second, c’est une raison de penser que, dans l’esprit du Sauveur, cette exception, devait affecter seulement le premier membre de phrase : par conséquent il y a adultère pour un mari à prendre une autre femme, alors même qu’il aurait renvoyé sa première femme parce qu’elle se serait donnée à un autre. Telle est l’interprétation admise par les catholiques. Suivant eux, les paroles du Christ signifient donc : Quiconque aura renvoyé sa femme si ce n’est à cause de ses adultères (cas auquel il lui est permis de la renvoyer) et aura pris une autre femme (que la première ait été renvoyée pour cause d’adultère ou non) commet un adultère.

Cette traduction s’accorde d’ailleurs mieux que la première avec la fin des deux textes où il est question de l’homme qui prendrait la femme renvoyée par son mari. Les deux textes que nous étudions portent : et qui dimissam duxerit adultérât, Matth., v, 32, et qui dimissam duxerit mœchatur. Matth., xix, 9. Ils déclarent donc qu’il y a non seulement fornication, mais adultère, adultérât, mœchatur, à prendre la femme renvoyée. Cela suppose que cette femme n’était pas libre, mais restait toujours liée par son premier mariage, alors même qu’elle aurait été renvoyée par son mari. Cela suppose donc que le renvoi n’a pas brisé le mariage, qu’il n’est pas un divorce quoad vinculum : il n’a pu être qu’une séparation. Reste à savoir si cela est vrai, même du renvoi en cas d’adultère. Les catholiques le pensent. En effet, Jésus-Christ parle ici de toute femme renvoyée par son mari, dimissam, et il y a moins de raison encore que tout à l’heure de supposer que l’exception nisi ob fornicationem, doit encore être sous-entendue ici après le mot dimissam.

Cependant d’après les grecs et les protestants elle est sous-entendue et, par conséquent, l’adultère imputé par Jésus-Christ à l’homme qui prend une femme renvoyée par son mari n’existe pas, si cette femme a été renvoyée à cause de ses adultères. Ne nous arrêtons pas à remarquer que ce serait là un encouragement à l’adultère. Contentons-nous de remarquer que pour soutenir leur opinion au sujet des textes de saint Matthieu, les grecs et les protestants ont besoin, comme pour les écrits de saint Marc, de saint Luc et de saint Paul, étudiés précédemment, de supposer des sous-entendus qui ne sont point réclamés par le texte. Certains protestants admettent, nous lavons dit, que la femme adultère ne saurait se remarier ; ils semblent reconnaître ainsi que ce sous-entendu ne doit pas être supposé dans le texte. Ils comprennent donc le qui dimissam duxerit de toute femme qui a mérité d’être renvoyée par son mari, même pour cause d’adultère. Mais ils ne tiennent pas compte du mot qui suit : adultérât, mœchatur. Il résulte en effet de ce mot que le renvoi de la femme adultère ne brise pas le lien du mariage, mais qu’il entraîne seulement une séparation, comme les catholiques le prétendent. Nous l’avons dit, en effet, en se servant des termes adultérât, mœchatur, le Sauveur range le péché de celui qui prend une femme renvoyée par son mari, non pas parmi les simples fornications, mais parmi les adultères. Ce qui suppose qu’elle est toujours la femme du mari qui l’a renvoyée, même pour cause d’adultère.

On le voit, l’interprétation des catholiques s’accorde mieux que l’autre avec les textes de saint Matthieu, pris isolément. Ajoutons qu’elle est seule en harmonie avec leur contexte et avec les textes parallèles.

2. Le contexte. — Dans le premier passage, Matth., v, 31, 32, le contexte consiste seulement dans une opposition de la déclaration du Sauveur, avec l’autorisation du libellé du divorce reconnu par la loi mosaïque. De cette opposition, il y a lieu de conclure que la loi du Christ n’admet pas le divorce comme celle de Moïse. Mais le contexte est beaucoup plus développé dans le second passage. Matth., xix, 3-10. Aussi jette-t-il plus de lumière sur le sens du verset 9. Interrogé par les Pharisiens si une cause quelconque suffisait pour renvoyer son épouse, quacumque ex causa, ꝟ. 3, comme le soutenait une de leurs écoles, Jésus s’élève au-dessus de la controverse des rabbins relative aux motifs de divorce, pour déclarer que, d’après l’institution primitive, tout mariage fait de l’homme et de la femme une même chair : leur union, qui est l’œuvre de Dieu, ne doit pas être brisée par l’homme : Itaque jam non sunt duo sed una caro. Quod ergo Deus conjunxit homo non separet, xix, 6 ; en d’autres termes, il ne doit y avoir de divorce pour aucune cause. Les Juifs comprennent que Jésus affirme l’indissolubilité absolue du mariage ; car ils lui objectent le libellé de divorce prescrit par la loi de Moïse, j>. 7. Le Sauveur ne mitigé pas l’enseignement qu’il vient de donner. Il le maintient au contraire, en disant que c’est à cause de la dureté de leur cœur que Moïse leur a permis de renvoyer leurs épouses, et il ajoute : Il n’en