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471 ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE D’AP. L’ÉCRIT. SAINTE 472

II. TEXTES QUI PARLENT DU CAS D’ADULTÈRE.

Ce Sont deux textes de saint Matthieu. Ils sont interprétés d’une manière différente par les catholiques et les protestants. D’après ces derniers, ils affirmeraient, en cas d’adultère, le droit de dissoudre le lien du mariage et de contracter une nouvelle union ; d’après les catholiques, ils permettraient seulement l’interruption de la vie conjugale ou la séparation quoad toruni. Voici les deux passages : « Et moi je vous dis : celui qui renvoie sa femme hors le cas de fornication, la rend adultère, et celui qui épouse la femme renvoyée commet un adultère. » Matth., v, 32. « Je vous dis que quiconque renvoie sa femme, si ce n’est à cause de la fornication et en épouse une autre, commet un adultère. » Matth., xix, 9.

Toutes les parties des textes sont-elles authentiques ?

Dans un opuscule écrit en 1804 sur le sujet qui nous occupe, Jager disait que cette expression du ꝟ. 32, c. v, ne se trouvait pas dans le texte primitif et qu’elle y avait été introduite par des juifs convertis, pour conserver le divorce autorisé par la loi mosaïque. Les arguments qu’il invoquait en faveur de son opinion sont rapportés par Perrone, De matrimonio christiano, Liège, 1861, t. iii, p. 149. Mais ils n’ont pas assez de valeur pour qu’il y ait lieu de nous y arrêter. D’ailleurs, Théophile d’Antioche cite déjà l’Évangile de saint Matthieu avec la clause. P. G., t. vi, col. 114. Origène la reproduit également dans son commentaire sur saint Matthieu. P. G., t. xiii, col. 1245. Enfin Tertullien, P. L., t. il, col. 473, donne ainsi les paroles de Notre-Seigneur : Qui dimiserit uxorem suant præter causant adulterii, facit eam adulterari : œque adulter censetur et Me qui dimissam a viro duxerit.

Plusieurs exégètes mettent aussi en doute l’authenticité de la restriction insérée au ꝟ. 9, c. xix : (j.r, èîti jropvsi’x, par exemple, Hug, De conjugii christiani vinculo indissolubili, Fribourg, 1816, part. I, p. 4. Us invoquent pour raison la multiplicité des variantes de ce passage : le codex Vaticanus (B) qui est du ive siècle donne : .Tapexxci ; Xôfou TCopveta ;  ; les codex N, C, 1, N, Z, etlaplupartdes autres portent iit 710pvetï. quelques-uns ajoutent et et écrivent et ^ èVt 710pveia. Mais la multiplicité des variantes n’est pas une preuve d’interpolation. Sinon, il faudrait rejeter une grande partie du Nouveau Testament. La plupart des manuscrits portant (jl-tj eut Ttopveia, il est permis d’accepter cette leçon comme la meilleure. D’ailleurs toutes les variantes que nous venons d’indiquer expriment le même sens.

On a prétendu aussi que les mots et aliam duxerit, xoù ya^fTTi ctX).T|v, n’appartenaient pas au texte primitif, parce qu’ils sont absents du codex Vaticanus et omis par quelques Pères. Mais leur présence dans les autres manuscrits et dans les citations de la plupart des anciens auteurs prouve leur authenticité.

Quel est le sens du mot fornicatio, porneia ?

Comme il s’agit d’une femme mariée, la fornication dont parle le Christ est un adultère. C’est ainsi que la plupart des auteurs anciens et modernes ont entendu ce passage. Jésus n’a pas employé le mot |j.ot-/eiot signifiant adultère, mais un terme plus générique, soit parce que le sens particulier de ce terme ressortait clairement du contexte, soit parce que, au chapitre xix, l’oreille aurait été choquée de la répétition des mots pot/eia et (xot^âtat. Telle est l’interprétation habituelle de ce terme rcopvet’a en cet endroit.

Cependant pour mettre le dogme catholique de l’indissolubilité absolue du mariage à l’abri de toute attaque, plusieurs commentateurs ont imaginé d’autres explications. Contentons-nous de signaler les principales.

1. Dœllinger, Christenthum und Kirche, Ratisbonne, 1860, p. 391 sq., 458 sq., entend ce terme d’une faute contre les mœurs commise avant le mariage. Elle donnerait au mari, lorsqu’il la connaîtrait, le droit de regarder comme invalide le mariage contracté par lui dans l’ignorance de cette faute de la femme qu’il prenait. Dœllinger s’appuie sur ce fait que rcopveta désigne une simple fornication et ne signifie pas adultère. Cependant, ce mot a dans d’autres passages de la sainte Bible le sens d’adultère que Dœllinger rejette. Cf. les Septante, Os., iii, 3 ; Am., vii, 17. D’ailleurs il n’est pas exact que le fait d’être tombé dans la fornication avant de se marier constitue un empêchement dirimant du mariage ou que l’ignorance où le mari serait de la culpabilité de sa femme suffise à vicier son consentement au mariage ; en tout cas, l’Eglise ne l’admet pas.

2. Le P. Patrizzi adopte une autre solution : L’homme et la femme ne doivent jamais se séparer, « moins qu’ils ne vivent en concubinage : excepta fornicationis causa. Ilopveta désignerait donc les relations d’un homme et d’une femme qui auraient contracté une union invalide pour cause de parenté ou pour tout autre motif. Leur mariage étant nul, il est évident que le divorce pourrait et même devrait être prononcé. Cette interprétation ferait disparaître les difficultés d’exégèse qui ont mis à la torture interprètes et théologiens ; c’est du moins l’avis du P. Patrizzi, Institutio de interprctalione Bibliorum, in-8°, Rome, 1876, p. 161, n. 281. Malheureusement la manière dont s’exprime le Sauveur dans tout ce passage et la comparaison qu’il fait avec le divorce permis par Moïse, supposent qu’il est question d’une épouse légitime, unie à son mari par un véritable mariage.

3. Dreher a proposé une autre interprétation dans le Katholik, 1877, t. ii, p. 578 sq. Les rabbins discutaient la signification des mots du Deutéronome’érevat dàbâr, qui expriment le cas où le divorce est permis au mari. L’école de Hillel admettait toutes sortes de causes ; l’école de Schammai restreignait le droit de divorcer. Les Juifs ayant demandé à Jésus, Matth., xix, 3, s’il (’tait permis de divorcer pour n’importe quel motif, comme le prétendait Hillel, le Sauveur leur aurait répondu sans vouloir s’occuper de la question controversée parmi les rabbins sous le nom de question de l’adultère. Excepta fornicationis causa signifierait donc « abstraction faite de la question de l’adultère au sujet de laquelle je ne dis rien ». Cette explication de Dreher ne répond ni au sens naturel des mots, ni au contexte.

Est-ce le divorce proprement dit ou une simple séparation que le Christ permet en cas d’adultère ?

En d’autres termes, l’époux lésé peut-il rompre le mariage et devenir ainsi libre de contracter une autre union, ou bien la première union reste-t-elle indissoluble même après l’adultère de l’un des conjoints ? C’est la question qui divise les catholiques d’avec les grecs et les protestants. Les catholiques croient conformément au canon 7 de la session XXIV du concile de Trente que le mariage ne saurait être rompu à cause de l’adultère. Voir V. Adultère (L’) et le lien du mariage d’après le concile de Trente, col. 506. Suivant eux, dans les textes qui nous occupent, Notre-Seigneur aurait autorisé le mari à renvoyer sa femme adultère, mais il ne l’autoriserait pas à se regarder comme libre de son mariage avec elle et à contracter de nouveaux liens. Les grecs et les protestants estiment au contraire que le Christ autorise ici l’époux innocent à rompre le lien du mariage déjà contracté et à convoler par conséquent à une nouvelle union. La plupart croient aussi qu’il autorise l’épouse adultère.-’. se remarier lorsque son mari l’a ainsi rendue à la liberté. Cependant certains protestants pensent que ce droit n’est pas accordé à l’épouse adultère mais seulement à l’époux innocent. Voir Charles Bois, article Mariage, dans Lichtenbérger, Encyclopédie des scieur, <$ religieuses, Paris, 1880, t. viii, p. 701. Un grand nombre ne le permettent à l’époux adultère qu’avec une dispense. Vering, Leltrbuch des kathol. orient, und protestant. Kirchenrechts, 2e édit., Fribourg, 1881, S 263, p. 930 si). Mais ce sont des détails dans lesquels nous n’avons