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ADULTÈRE (L’) ET LE LIEN DU MARIAGE D’AP. L’ÉCRIT. SAINTE 470

ment moral. L’homme et la femme ne font qu’un ; l’homme aimera la femme comme une partie de lui-même, et la femme aimera l’homme comme le chef dont elle dépend. Adam, à son réveil, comprit de quelle manière Eve avait été formée, et le hut que Dieu s’était proposé en cela. « Celle-ci, dit-il, est l’os de mes os et la chair de ma chair. » Il ne pouvait signifier d’une façon plus précise l’indissolubilité du mariage, comme le remarque le concile de Trente : Matrimonii perpétuant indissolubilemque nexum primus humani generis parens divini Spiritus instinclu pronuntiavit cuni dixit : Hoc nunc os ex ossibus meis et caro de came mea : quamobrem relinquet homo, etc. Sess. XXIV. Nous lisons au ꝟ. 24 : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère — et s’attachera à sa femme — et ils seront deux dans une seule chair. » Les trois membres de cette phrase, disposés dans une gradation ascendante, démontrent clairement que le mariage établit entre les époux le plus fort de tous les liens ; on ne voit donc pas ce qui pourrait le briser. C’est une union plus intime encore que l’union qui existe entre les enfants et les parents, car l’époux devra quitter son père et sa mère pour s’unir à sa femme. Il est difficile de faire passer dans notre langue l’énergie de l’original : en effet le mot hébreu ddbaq ne désigne pas une union quelconque, mais bien une adhésion étroite (la Vulgate donne conglutinata est dans un autre passage, Gen., xxxiv, 3). « Et ils seront deux dans une seule chair. » Les Septante ont : « Et ils seront à deux une seule chair, » et c’est là d’ailleurs le vrai sens de la Vulgate, entièrement conforme à l’interprétation authentique du Christ : Itaque jam non sunt duo, sed una caro. Matth., xix, 5. La conclusion est que, dans la religion primitive, le mariage ne pouvait être dissous sous aucun prétexte ; l’homme n’avait pas le droit de séparer ce que Dieu avait uni. Notre-Seigneur a tiré lui-même cette conclusion du récit de la Genèse. Comme les Juifs lui opposaient le libellé de divorce autorisé par Moïse, il répondit aussitôt : Au commencement, il n’en était pas ainsi. Matth., xix, 8. Donc à l’origine, le mariage était indissoluble, même en cas d’adultère. Ces paroles de Notre-Seigneur ne supposent aucune restriction.

II. Dans la religion mosaïque.

Plus tard, les Juifs s’accommodèrent mal d’une législation aussi sévère, et Moïse dut condescendre à leur faiblesse en permettant le divorce dans certaines occasions. Néanmoins, la loi de l’indissolubilité’n’était pas abolie, et les exceptions autorisées par le grand législateur n’étaient qu’une dérogation temporaire à cette loi. Voici dans quelles circonstances Moïse a permis le divorce : « Lorsqu’un homme aura pris et épousé une femme qui viendra à ne pas trouver grâce devant ses yeux parce qu’il a découvert en elle quelque chose de honteux, il lui écrira une lettre de divorce… et la renverra de sa maison. » Deut., xxiv, 1. Les mots’érevat ddbdr ont donné lieu à de nombreuses controverses entre les commentateurs. Peut-être désignent-ils une maladie contagieuse, ou un péché de la chair ; en tout cas, il n’est pas question de l’adultère qui était puni de mort. Il faut remarquer que, dans les circonstances énumérées par Moïse, le divorce n’était pas un devoir, mais un simple droit. Au cas où il voulait user de ce droit, le mari était obligé de remettre à sa femme un acte de divorce ; c’était pour elle la preuve que le mariage était légalement dissous, et qu’elle pouvait contracter de nouveaux engagements.

III. Dans la religion chrétienne.

Les grecs et les protestants prétendent que les textes du Nouveau Testament permettent de dissoudre le mariage dans le cas d’adultère d’un des conjoints. Les catholiques croient que même en ce cas le mariage est indissoluble. Les textes en cause sont de deux sortes, les uns se prononcent d’une façon absolue en faveur de l’indissolubilité du mariage ; les autres parlent du cas d’adultère et présentent la doctrine sous une forme moins précise. Il convient de donner en premier lieu les témoignages absolus, nous donnerons ensuite les passages qui parlent du cas de l’adultère en ayant soin de les expliquer d’après les textes parallèles.

I. TEXTES ABSOLUS QUI NE PARLENT POINT DU CAS D’ADULTÈRE.

Marc, x, 11 ; Luc, xvi, 18 ; I Cor., vii, 10, 11, 39 ; Rom., vii, 2, 3. Nous lisons dans saint Marc : « Et [Jésus] leur dit : Quiconque renvoie sa femme et en épouse une autre commet un adultère à l’égard de celle-là. Et si une femme quitte son mari et en épouse un autre, elle commet l’adultère. » Notre-Seigneur condamne nettement le mari qui contracte une nouvelle union, sous prétexte de divorce, et la femme qui se remarie dans les mêmes conditions. Il a proclamé pour les deux conjoints la parfaite égalité des droits ; il était bon de mentionner cette disposition importante de la nouvelle législation. La loi juive, loin de reconnaître à la femme le droit de divorce, ne lui laisse aucune initiative sous ce rapport. La condition de la femme n’était pas non plus entièrement égale dans les lois païennes ; ces lois avaient de grandes indulgences pour le mari coupable d’adultère, tandis qu’elles punissaient sévèrement la faute de la femme. Voir l’article précédent.

Le texte de saint Marc est absolu et ne comporte aucune restriction. Les Grecs objectent que l’écrivain sacré laissait aux autres évangélistes le soin de le compléter, mais il faut répondre que chaque Évangile forme un tout complet et indépendant des autres livres du Nouveau Testament. A supposer que l’adultère entraîne la dissolution du mariage, rien ne justifierait donc, de la part de saint Marc, l’omission d’une restriction aussi importante.

Le texte de saint Luc, xvi, 18, donne lieu aux mêmes remarques. Le voici : « Quiconque renvoie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère, et quiconque épouse la femme répudiée par le mari, commet un adultère. » Ici encore Notre-Seigneur (c’est lui qui parle) inllige le nom infamant d’adultère à toute nouvelle union contractée par le mari après son divorce ; il condamne aussi formellement celui qui s’arroge le droit d’épouser la femme répudiée. La teneur de la loi est universelle et n’admet aucune exception.

Le précepte de l’indissolubilité est également absolu dans saint Paul. Après avoir affirmé que le mariage donne les mêmes droits à la femme et à l’homme vis-àvis l’un de l’autre, I Cor., vii, 4, il dit : « Quant à ceux qui sont unis par le mariage, j’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que l’épouse ne se sépare pas de son mari. Si elle en est séparée, qu’elle demeure sans se marier ou qu’elle se réconcilie avec son mari… Que le mari ne quitte pas sa femme. » I Cor., vii, 10, 11 ; cꝟ. 39. Saint Luc envisageait uniquement le cas où le mari renvoie sa femme, saint Marc parlait en outre de la femme qui se sépare de son mari. Saint Paul s’occupe comme saint Marc du cas où la femme voudrait quitter son mari et du cas où le mari voudrait quitter sa femme. Il dit expressément que la femme qui a quitté son mari doit rester en dehors du mariage ou bien se réconcilier avec son mari. Quod si discesserit, manere innuptam aut viro suo reconciliari. Mais comme il vient de déclarer un peu plus haut que la femme et l’homme ont les mêmes obligations, on doit admettre que, dans sa pensée, le mari qui congédie sa femme est tenu aussi de rester en dehors du mariage ou de reprendre la vie conjugale avec son épouse. Saint Paul enseigne donc que le lien du mariage ne saurait être rompu sous aucun prétexte. Il s’exprime encore dans le même sens au chapitre vii, 2, 3, de son Épitre aux Romains. « La femme qui est soumise à un mari est liée par la loi [du mariage], tant que vit le mari ; mais si son mari meurt, elle est affranchie de la loi du mari. Donc, elle sera appelée adultère si elle épouse un autre homme du vivant de son mari, etc. »