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ADRIEN V ADRIEN VI

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de son pontificat l’empêcha d’accomplir aucun acte important.

Raynaud, annoté par Mansi, Annales ecclesiastici, ad an. 1276, Lucques, 1748, t. m, p. 402, 403 ; Potthast, Regesta pontiflcum Romanorum, Berlin, 1875, t. il, p. 1709-1710.

A. Vacant.

6. ADRIEN VI. Adrien Dedel, appelé aussi Adrien Boeyens, du nom de baptême de son aïeul paternel, naquit à Utrecht d’une famille honorable, le 1 er mars 1459.

Il étudia successivement chez les hiéronymites de Delft, à la fameuse école latine de Deventer, ou, selon d’autres, à celle de Zwolle, et à l’université de Louvain. C’est dans cette dernière ville qu’en 1491 il conquit le grade de licencié en théologie et, l’année suivante, celui de docteur. Il était dès lors, selon un abus trop commun en ce temps-là, pourvu de plusieurs bénéfices situés en divers lieux. Au sein même de l’université, qu’il dota d’un grand collège connu encore aujourd’hui sous le nom de Collège du Pape, il fut élevé deux fois aux honneurs du rectorat.

En 1507, il avait été choisi comme précepteur de l’archiduc Charles d’Autriche, qui devint plus tard l’empereur Charles-Quint. Lors d’une mission importante qui lui fut confiée pour l’Espagne (1515), il triompha rapidement des premières défiances qui l’avaient accueilli, et bientôt il possédait toute l’estime de Ferdinand le Catholique et de son ministre, le célèbre Ximénès. Après la mort de l’un et de l’autre, il eut une grande part au gouvernement intérimaire du pays, jusqu’à ce qu’il fut, en 1520, établi seul vice-roi pour Charles V, qui allait recevoir la couronne impériale d’Allemagne. Cependant il avait été créé, par l’intluence de son ancien élève, évêque de Tortose, en Catalogne, et cardinal.

L’année suivante, le conclave, réuni pour donner un successeur à Léon X, désigna, à l’unanimité des suffrages moins un, le cardinal Dedel, que l’on regardait généralement comme un saint. Ce choix, qui ne pouvait manquer de plaire à l’empereur, ne semble pourtant pas avoir été inspiré par lui.

En montant sur le trône pontifical, Adrien VI eut surtout quatre choses en vue : réformer la cour romaine et l’administration ecclésiastique, réconcilier entre eux les princes chrétiens, arrêter les progrès du protestantisme, enfin délivrer l’Europe des Turcs.

Autant Léon X avait aimé le luxe et la magnificence, autant son successeur se montra tout d’abord simple et ennemi du faste. Un de ses premiers soucis fut de réduire considérablement le train et les dépenses de sa maison et de son entourage. L’opportunité et la nécessité de ces changements ne furent malheureusement pas comprises de la plupart des Romains, et, tout en admirant les hautes vertus d’Adrien, ils ne lui pardonnèrent jamais ce qu’ils appelaient sa lésinerie.

C’est le même dessein d’une réforme sérieuse de l’Église in capite et in membris à opposer aux témérités des novateurs, qui éclate dans les négociations engagées avec les princes-électeurs présents à la diète de Nuremberg (1522-1523). Par son légat Chieregati, le pape proposait notamment d’assembler un concile général en Allemagne. Mais ses loyaux efforts ne rencontrèrent pas le concours qu’il était en droit d’attendre. Vainement insista-t-il auprès des princes pour les amener à exécuter au moins li— décret de Worms et à proscrire les nouveautés religieuses, vainement adressa-t-il à l’électeur Frédéric, le malencontreux protecteur de Luther, un bref tout empreint de bonté et d’indulgence : on ne lui répandit guère que par d’aigres doléances, en rééditant les plaintes du peuple allemand déjà formulées à Worms et connues en histoire sous le titre de Gravamina nationis Germanicœ. Il obtint pourtant la promesse qu’on protégerait l’unité et la tradition de l’Eglise contre tout attentat ultérieur pendant un an, délai jugé nécessaire

pour réunir le concile, et qu’on ne permettrait pas, , durant le même intervalle, d’expliquer l’Évangile au peuple autrement que d’après les commentaires autorisés. Mais ces engagements ne furent pas tenus, et Luther, bien qu’il eût été mis depuis longtemps au ban de l’empire, put demeurer très tranquille à Wittemberg et continuer sans encombre son œuvre néfaste. La mort prématurée du pape vint d’ailleurs interrompre les préparatifs du concile.

Dans un autre ordre d’idées, Adrien VI avait toujours songé à organiser une grande croisade contre les Turcs. Désireux de grouper dans ce but les forces de la chrétienté, il refusa d’abord avec une constance très méritoire de prendre parti pour Charles-Quint, son ami et bienfaiteur, dans ses démêlés avec François I er. A la nouvelle de la prise de Rhodes par Soliman, il envoya à tous les souverains de l’Europe des lettres pressantes, qui étaient un vrai cri d’alarme. Mais lorsque, à la faveur même des succès du croissant, François I er voulut pousser ses avantages en Italie, Adrien se vit entraîné malgré lui dans la ligue conclue par Henri VIII, CharlesQuint et la république de Venise contre le roi de France. Ici encore vains furent ses efforts pour maintenir ou rétablir l’unité de vues et d’action, en restant lui-même en dehors et au-dessus de toutes les divisions.

Au total, en dépit des meilleures intentions, le pieux pontife ne connut guère les joies de la réussite. Ce bilan surtout négatif pourrait expliquer dans une certaine mesure le jugement sommaire et sévère de Pallavicini : « Ce fut un excellent ecclésiastique, mais un pape médiocre. » Sans être aussi catégoriques, d’autres historiens judicieux estiment que l’action d’Adrien VI n’a pas toujours présenté la prudence et la fermeté que les circonstances réclamaient. On lui a reproché notamment de n’avoir pas saisi le caractère profondément séduisant et dangereux des doctrines de Luther. Voici comment il les appréciait lorsqu’il n’était encore que cardinal : « De telles hérésies me paraissent si grossières et si palpables qu’elles révolteraient un simple élève de théologie, pour peu qu’il soit initié aux éléments de cette science. Je m’étonne fort qu’un sectaire de cette sorte puisse impunément errer et impunément répandre le venin très pernicieux de ses erreurs et de ses rêves. » On lui a reproché aussi de s’être exagéré la gravité des abus à supprimer, surtout d’avoir fait à ce sujet des aveux trop explicites et à tout le moins inopportuns. Il est certain que les Instructions publiques qu’il adressa à son légat Chieregati (Raynaldi, Annal, écoles., an. 1522, n. 70) contiennent des déclarations d’une rare franchise, mais dont des esprits prévenus et mai disposés, comme il en existait beaucoup alors, pouvaient facilement abuser.

Adrien VI mourut le 14 septembre 1523. Il n’avait occupé le Saint-Siège que pendant vingt mois et cinq jours, assez de temps néanmoins pour connaître et subir une des crises les plus graves que l’Église ait jamais traversées. Sur sa tombe, dans la chapelle allemande de la basilique de Saint-Pierre, se lit cette modeste épitaphe qui, si elle n’est pas son œuvre à lui-même, rellèle du moins fidèlement ses sentiments et ses idées : Hadrianus sextus hic situs est, qui nihil sibi infelicius in vila tlu.rit quam quod imperaret.

Adrien VI fut à la fois un théologien de solide doctrine et un ami éclaire des belles-lettres. Nous avons sur ce point un témoignage peu suspect, celui d’Erasme : Ailrianus, dit-il, favebat scholasticis disriplinis ; nec mirum si illis favebat in quibus a teneris unguiculis educatus, longo inlervallo prweedebat omnes ; sed ita favebat tamen, ut apud eum prima rssrl pietatis ratio ; salis etiam sequus et candidus cran bonas lilleras ac linguas. Ses principaux ouvrages intéressant la théologie sont :

l°Des Quœstiones quodlibetica, Louvain. 1515, in-foL. de 13i feuillets, qui ont eu un grand nombre d’éditions.