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ADRIEN II


contre Photius et, avant de se séparer, les Pères, en même temps qu’une encyclique à tous les fidèles, adressèrent une lettre au pape Adrien pour lui demander son approbation, que les légats apostoliques avaient réservée en apposant leur signature. Ces derniers ne rentrèrent à Rome qu’assez tard. C’est seulement le 22 décembre 870 qu’ils font à Adrien la relation de leur mission, Vita Hadriani II, c. lx, et dans une lettre du 10 novembre 871 aux empereurs Basile, Constantin et Léon, Adrien se plaint qu’ils aient été insuffisamment protégés à leur départ de Constantinople et pendant leur retour. Des voleurs les avaient même complètement dépouillés. Jaffé, ibid., n. 2943.

Ainsi se termina provisoirement, sous Adrien, l’affaire de Photius. Mais la réconciliation entre les deux Eglises ne devait pas être durable. Photius et la plupart de ses partisans persistèrent dans leur révolte. Retardée de quelques années, la séparation violente n’en restait pas moins à prévoir, presque inévitable. Adrien n’y pouvait rien. Entre les deux Églises, depuis des siècles, le fossé se creusait de plus en plus, le concile de 869 n’avait pu le combler. Si les légats d’Adrien et les évêques d’Orient s’étaient entendus sur tous les points essentiels, la susceptibilité jalouse des grecs avait trouvé plus d’une occasion de se manifester. Des difficultés avaient déjà éclaté, au sein même de l’assemblée, au sujet du Libellas satisfactorius que les légats avaient apporté de Rome (c’était un document où était affirmé le respect de l’autorité de l’Église romaine, notamment des décisions prises par Nicolas I er et Adrien II). Bientôt la discorde éclata sur un autre point, et cette fois, non plus seulement avec la partie dissidente de lVglise grecque, mais avec Ignace lui-même et les évêques orthodoxes.

C’est la question bulgare qui la provoqua.

III. La. question bulgare. — Les Bulgares, après avoir été rattachés d’abord à la circonscription patriarcale de Constantinople, s’étaient rapprochés de Rome sous le règne de Nicolas I er, et ce pontife leur avait envoyé, à leur prière, des missionnaires, évêques et prêtres. Les Grecs, d’autre part, qui espéraient, de la dépendance religieuse de la Bulgarie à l’égard de Byzance, retirer de grands avantages, ne l’avaient pas vue sans regret leur échapper et ne négligeaient rien pour la rétablir. Sur ces entrefaites, le roi des Bulgares, Michel, mécontent qu’on lui eût refusé pour le siège métropolitain qu’il voulait créer dans ses États, les prêtres qu’il avait désirés (d’abord le diacre Marin, puis l’évêque Formose, Vita Hadriani II, c. lxi, lxii), prêta l’oreille aux sollicitations des Grecs et fit demander à Constantinople, aux Pères alors réunis en concile, si son pays devait appartenir au patriarcat de Rome ou à celui de Byzance. Dans une conférence supplémentaire tenue trois jours après la clôture solennelle du concile, les Orientaux, malgré les représentations très énergiques des légats, décidèrent que les Bulgares devaient se rattacher à Constantinople. C’est en vain que les légats adjurèrent Ignace, conformément à une lettre du pape Adrien qu’ils tenaient probablement en réserve, de ne point se mêler du gouvernement des Bulgares. Vita Hadriani II, c. lvii. A quelque temps de là, Ignace lui-même leur consacrait un métropolitain. Adrien en fut réduit à envoyer, le 10 novembre 871, des remontrances assez amères à Basile et au patriarche. Il se plaint qu’on ait enlevé la Bulgarie au Saint-Siège et qu’on en ait expulsé les missionnaires latins. Il menace même Ignace des peines canoniques s’il ne s’abstient pas désormais de tout empiétement en ce pays, .(allé, ibid., n. 2943, 2944, Le conllit devint plus aigu encore sous le successeur d’Adrien, Jean VIII. De plus en plus, l’Église d’Orient tout entière échappait à l’autorité du pontife romain. L’effort d’Adrien pour prévenir le schisme «’tait resté stérile.

IV. AUTRES MiTAIRES, — L’activité d’Adrien II s’étendit encore à d’autres objets.

L’évangélisation des Moraves.

C’est sous son pontificat que se place, au moins en partie, l’évangélisation des Moraves. Appelés à Rome par Nicolas I er à la fin de son pontificat, saint Cyrille et saint Méthode y furent reçus par Adrien, à qui ils remirent les reliques du pape saint Clément I er, trouvées à Cherson. Adrien les accueillit avec bonté et les ordonna évêques. Cyrille ne devait plus retourner chez les Slaves, il entra dans un couvent à Rome et y mourut le 14 février 869. Quant à Méthode, Adrien le fit archevêque de Moravie et de Pannonie, avec des pouvoirs très étendus, et le renvoya dans son pays de mission en le recommandant aux princes Rastiz et Kozel. Jaffé, ibid., n. 2924. Il lui accordait en même temps la permission de se servir de la langue slave dans quelques parties de la liturgie, à condition que ces parties fussent aussi récitées en latin.

Démêlés des princes francs.

Comme Nicolas I er, Adrien intervint aussi dans les affaires politiques de la chrétienté. A diverses reprises il essaie de s’interposer, sans succès, il est vrai, dans les rivalités qui continuent à éclater entre les princes francs, Louis le Germanique, Charles le Chauve, l’empereur Louis II, le roi Lothaire II et le jeune Carloman, fils de Charles le Chauve. Il leur écrit, il écrit aussi aux grands, ecclésiastiques ou laïques, de leurs royaumes, spécialement à Hincmar, adressant aux uns ses félicitations, aux autres ses reproches et parfois ses menaces, à tous ses conseils. A la mort de Lothaire II, en particulier, il prend, contre Charles le Chauve qui s’empare alors de la Lorraine, la défense, de Louis II, qu’il regardait comme l’héritier légitime. Jaffé, ibid., n. 2895, 2896, 2917-2923, 2926-2931, 2940-2942. Mais on savait bien, en France, qu’il n’avait pas l’énergie qu’il eût fallu pour en venir aux mesures de rigueur, comme eût fait un Nicolas I er, et ni Charles le Chauve, ni les évêques de son royaume ne tinrent compte de ses menaces. Hincmar de Reims lui écrit même à cette occasion, au nom de la nation entière, une longue lettre où il oppose une fin de non-recevoir formelle à ses prétentions de s’immiscer dans les affaires temporelles. P. L., t. cxxvi, col. 174-186. Son protégé, Louis II, dut se résigner à ne conserver, avec son titre d’empereur, que le seul royaume d’Italie.

Appel d’Hincmar de Laon.

Ce conflit d’Adrien avec Charles le Chauve se compliquait encore d’un démêlé, d’ordre ecclésiastique celui-ci, avec les évêques de son royaume. Il n’y devait pas être plus heureux. Hincmar de Reims avait fait déposer au concile de Douzy, en Lorraine (août et septembre 871), son neveu, Hincmar le jeune, évêque de Laon, qui était en même temps son suffragant. Celui-ci en appela à Borne, comme jadis, au temps de Nicolas I er, Rothade de Soissons. Adrien s’efforça de faire triompher les mêmes maximes que son prédécesseur sur la dévolution au pape des procès des évêques entre eux, comme de toutes les causes ecclésiastiques majeures. Mais il n’y réussit point. C’est en vain qu’il veut faire venir à Rome, pour qu’il y comparaisse devant son tribunal, l’évêque de Laon. Jaffé, ibid., n. 2910, 2911, 2938, 2939. Charles le Chauve s’y oppose et Adrien ne peut qu’affirmer, non toutefois sans fermeté et sans grandeur, dans les lettres qu’il adresse au roi ainsi qu’aux évêques du synode de Douzy, les droits et les prérogatives du Saint-Siège. Jaffé, ibid., Xi. 2915, 2946, 2951. Adrien II mourut en 872, entre le 13 novembre et le 14 décembre. L’affaire d’Hincmar de Laon ne devait (’Ire terminée qu’après lui. Jean VIII, son successeur, ne rendit point son siège au prélat déposé, mais lui fit donner sur les revenus de l’évôché de Laon ce qui lui était nécessaire pour vivre et lui accorda le droit de dire la messe.

Vita Hadriani II. flans le Liber pontiflcalis, édit. Duchesne, t. ii, Paris, 1892, p. 173-100 ; Hincmar, Annales dans les Monuments Germanise hiBtorica, Soriptores, Hanovre, 1826, t. i, p 474 sq. ;