Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée
451
452
ADRIEN I" — ADRIEN II


le siège de Constantinople et critique le titre d’universel ou œcuménique donné au patriarche de cette ville. Il confirme toutefois Tarasius dans sa dignité, en raison de son zèle pour la foi. Ce concile (deuxième de Nicée), qui fut le septième concile œcuménique, se réunit en 787 à Nicée en Bithynie. Les légats du pape sont mentionnés en premier lieu parmi les membres de l’assemblée et leurs noms viennent en tête des signatures. Les décisions conciliaires envoyées par Adrien à Charlemagne furent mal reçues du roi et de l’Église franque et devinrent l’occasion d’une polémique dont les Libri Carolini sont la pièce de résistance. Ils furent publiés en 790 et contiennent une réfutation des décrets du concile de Nicée et de leurs considérants. Dus sans doute à la plume de théologiens vivant près de Charles et rédigés sous ses yeux, sous son contrôle et probablement aussi sur ses indications, ces quatre livres sont bien d’une certaine manière l’œuvre de Charlemagne. Ils décèlent la rivalité politique du royaume franc contre l’empire d’Orient, un âpre dépit de ce que l’Église franque doive recevoir sa foi de l’Église d’Orient et d’un concile auquel les évêques francs n’ont pas pris de part. Sur le fond même de la question, par suite d’une méprise fâcheuse due à la mauvaise traduction latine des actes du concile, rédigés en grec, les théologiens de Charles combattent un adversaire imaginaire. Le mot grec itpouxijvrio-t ; , traduit par adoratio, tandis qu’il ne signifie que prostration, donnait lieu de croire que le concile permettait d’adorer les images alors qu’au contraire il réservait à Dieu seul l’adoration proprement dite ou culte de latrie. Voir Adoration.

Le pape Adrien répliqua par une longue lettre, pleine de ménagements, affectant de ne voir dans l’envoi des livres carolins à Rome qu’une consultation adressée au Saint-Siège, et donnant une réponse à toutes les difficultés soulevées contre les décisions du concile, Jaffé, n. 2483, reproduite dans P. L., t. xcviii, col. 1248-1292. Cette lettre, arrivée peut-être après coup en 794, n’empêcha pas le concile de Francfort de condamner, en présence même des légats du pape, et de rejeter toute espèce d’adoration des images, telle que le synode de Nicée, croyait-on, l’avait prescrite sous peine d’anathème. Conc. de Francfort, can. 2.

C’est également au concile de Francfort que fut condamné l’adoptianisme (voir ce mot), originaire d’Espagne. Déjà sur des plaintes venues d’Espagne, probablement des Asturies, Adrien avait condamné la doctrine d’Élipand de Tolède, comme dérivée du nestorianisme, et mis en garde contre les doctrines bizarres de Migetius, sur la Trinité. Plus tard, lorsque Félix d’Urgel fut entré en lice, le pape exhorta les évéques de la province de Narbonne à tenir un synode à son sujet. Jaffé, n. 2468. Félix dut se rétracter personnellement d’abord devant le concile de Hatisbonne de 792, puis à Rome entre les mains d’Adrien à qui Charlemagne l’avait envoyé. Enfin en 794, le synode de Francfort se prononça contre l’adoptianisme après lecture de la lettre du pape aux Espagnols. Jaffé, n. 2482.

Adrien I" laissa la réputation d’un adroit politique, et d’un pontife zélé pour la religion. Sa conduite à l’égard des Orientaux offre un mélange de prudence et de fermeté’. Même vis-à-vis d’un protecteur aussi proche et aussi puissant que Charlemagne, il sut garder de la dignité. Tout au plus peut-on lui reprocher un peu d àpreté dans la poursuite des avantages temporels, et un peu d’excès de complaisance pour Charlemagne dans sa réponse à l’envoi îles livres carolins. Adrien y prend prétexte d’anciennes revendications sur des patrimoines situés dans l’empire d’Orient pour adopter, à l’égard de l’impératrice Irène et de son lils, une attitude trop visiblement conforme aux vœux de leur rival, le futur empereur d’Occident.

Vità Hàdriani p ; ir Anastase le Bibliothécaire ; Codex Caroi, hu.*, collection do lettres pontificales aux luis troncs, tmurimé

dans Mon. Germ., Epistolæ, t. iii, p. 476, dans Muratori, Scriptores rerum italicarum, t. iii, p. 179, et dans Jaffé, Bibl. rer. Germanie, t. iv ; Annales Laurissenses, Annales Einhardi, Vita Caroli M., par Einhard, dans les Monumenta Germanise, Scriptores, t. ii, p. 426 ; Jaffé, Regesta pontificuni, 2’édit., t. I, p. 289 sq. ; Liber pontificalis. édit. Duchesne, Paris, 1886. 1. 1, p. ccxxxvi et 486 ; Hefele, Conciliengeschichte, 2’édit., 1877, t. iii, p. 296, traduction française de dom H. Leclercq, Paris, 1909, t. iii, p. 521 ; Duchesne, Les premiers temps de l’État pontifical dans Rev. d’hist. et de litt. relig., 1896 et 1897 ; tirage à part, Paris, 1898. Les livres carolins ont été édités par Goldast, Imperialia décréta de cultu imaginum in utroque imperio Or. et Occid. promulgata, Francfort, 1608, c’est l’édition reproduite par P. L., t. XCVIII, col. 990 sq. Meitleure édition par Heumann, Augusta concilii Nicxni II censura h. e. Caroli Mugni de impio imaginum cultu libri IV, Hanovre, 1731.

H. Hemmer.

2. ADRIEN II.

I. Le divorce de Lothaire. IL Le schisme de Photius. III. La question bulgare. IV. Autres affaires.

Le pape Adrien II était Romain de nation. Son père, qui fut ensuite évêque, se nommait Talarus. Il se rattachait aussi par les liens du sang aux papes Etienne IV et Sergius IL Ordonné sous-diacre par Grégoire IV, promu à la prêtrise par le même pontife en 812 avec attribution du titre de Saint-Marc, il avait à deux reprises, à la mort de saint Léon IV (855), puis de Benoil III (858), refusé le souverain pontificat. A la mort de saint Nicolas I er, 13 novembre 867, il dut céder aux instances du clergé, des grands et du peuple de Rome. L’empereur Louis II ayant ratifié l’élection, il fut consacré, le 14 décembre suivant, dans la basilique de Saint-Pierre. Vita Hàdriani II, c. i-ix. Avant de recevoir le sacerdoce, il avait été marié, et sa femme, Stéphanie, dont il avait une fille, vivait encore quand il fut élevé à la papauté. Hincmar, Annales, an. 868.

D’un âge avancé quand il succéda à Nicolas I er, Adrien devait cependant déployer, durant les cinq années qu’il allait tenir le Saint-Siège, une activité peu commune. Sa politique fut, avec la vigueur, mais aussi plus d’une fois le succès en moins, la même à peu près que celle de son illustre prédécesseur. Comme lui il affirme et s’efforce de faire reconnaître par tous, dans l’ordre politique aussi bien qu’en matière religieuse, la suprématie du pontife romain.

Deux grandes affaires surtout remplissent son pontificat : celle de Lothaire et de son divorce, en Occident, celle de Photius en Orient.

I. Le divorce de Lothaire.

Le roi Lothaire II était toujours en instances pour obtenir l’annulation de son mariage avec Theutberge, annulation qui lui eût permis d’épouser sa maîtresse, Waldrade. Ses démarches personnelles ayant échoué auprès de l’inflexible Nicolas, il avait changé de tactique et, à force de menaces, avait amené Theutberge à demander elle-même le divorce qu’elle avait jusque-là refusé. Par une lettre écrite probablement dans les derniers jours de l’année 866, celleci avait sollicité de Nicolas I er non pas seulement une séparation de corps, mais une vraie dissolution. En même temps, elle priait le pape de lui permettre de venir à Rome pour lui confier de vive voix ses peines. Nicolas ne s’était pas laissé prendre au piège de Lothaire, il avait réduit à néant toutes les raisons ainsi alléguées sur commande par la reine et lui avait défendu de se présenter à lui avant que sa rivale, Waldrade, ne fût venue elle-même se faire examiner et juger par le siège apostolique.

La cause en était là lorsque Nicolas I er mourut.

Espérant trouver le nouveau pape plus favorable à ses désirs et d’esprit plus conciliant, Lothaire avait immédiatement fait partir Theutberge pour Rome où elle arriva dans les derniers jours de décembre 867 ou au commencement de janvier 868. Adrien, que son caractère et ses goûts disposaient plutôt à une politique d’accommodements et de conciliations, ne se montra point aussi