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ADORATION PERPETUELLE

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pendant les trois jours du carnaval, les prières des quarante heures. De tous côtés, on demandait à les renouveler plus souvent. Dés 1548, elles avaient lieu, à Rome, le premier dimanche de chaque mois, dans l’archiconfrérie de la Très-Sainte-Trinité des pèlerins, instituée par saint Philippe de Néri ; quelques années plus tard, en 1551, on ajouta le troisième dimanche de chaque mois, dans l’archiconfrérie de Sainte-Marie de la prière et de la mort. L’usage ainsi se généralisait de plus en plus. Enfin, en 1592, par sa bulle Graves et diulurnæ, le pape Clément "VIII ordonna de rendre à Dieu cet hommage, constamment et à perpétuité, dans la Ville éternelle. Chaque église aurait son jour et sa nuit, à tour de rôle, et suivant un ordre indiqué. La chapelle du palais apostolique donnait l’exemple, en s’inscrivant au commencement de l’année liturgique, et en prenant pour son jour d’adoration le premier dimanche de l’Avent.

Comme le laissent entendre les premiers mots de la bulle clémentine, le pape s’était senti porté à établir ces supplications permanentes, par la considération des malheurs publics qui désolaient, alors, la chrétienté. L’œuvre, en s’étendant et en se développant, ne perdait donc point son caractère : son but était toujours la réparation, devenue, cette fois, universelle. Le souverain pontife espérait que les fidèles, en adorant, jour et nuit, le Saint-Sacrement exposé, croîtraient dans l’amour d’un Dieu si bon, et, en apaisant par leur ferveur sa juste colère, attireraient sur le monde les bienfaits de sa miséricorde infinie.

Dans le principe, on n’autorisa l’extension de cette pratique, en dehors de Home, que dans les villes où les églises et chapelles seraient assez nombreuses pour que l’adoration n’y fût jamais interrompue, ni le jour, ni la nuit, pendant toute l’année. Rescr. auth., n. 44. Sans cette précaution, en effet, la fin qu’on se proposait d’atteindre paraissait devoir être manquée, puisqu’on avait en vue, surtout, la perpétuité dans la prière. Peu à peu, cependant, on se laissa toucher, en faveur des petites villes qu’on ne crut pas opportun de priver de cette consolation et de ces avantages pour le simple motif qu’elles n’étaient pas très populeuses. On fut donc de beaucoup moins sévère. Rescr. auth., n. 55, 84.

Les évoques obtinrent des induits particuliers précisant les conditions auxquelles leurs diocèses respectifs auraient à se conformer, pour gagner les indulgences concédées, d’abord, seulement pour la ville de Rome et pour celles dans lesquelles l’exposition du Saint-Sacrernent était vraiment continuelle le jour et la nuit.

La grande révolution française et les longues guerres qui bouleversèrent ensuite l’Europe, apportèrent une perturbation dans la pratique de cette dévotion si consolante. Pendant la première moitié du {{rom-maj|XIX)e siècle, les expositions solennelles du Saint-Sacrement furent assez rares dans les paroisses. Cette coutume ne se conservait, d’ordinaire, que dans les couvents, les monastères, ou les chapelles de confréries. Mais, en 1848, à la vue des dangers que faisaient courir à la société les commotions violentes auxquelles elle se trouvait périodiquement soumise, la pensée de l’adoration réparatrice s’imposa davantage à l’attention des âmes pieuses, et, de toutes parts, se manifesta le désir de reprendre les anciennes traditions. Le 6 décembre de cette même année, commença à Paris, dans le sanctuaire vénéré’de Notre-Dame des Victoires, l’adoration nocturne par les’hommes, Parmi les fervents chrétiens, promoteurs de celle belle œuvre, nommons, en premier lieu, le célèbre converti du judaïsme, le chantre inspiré de l’eucharistie, si connu depuis sous le nom de père Hermann. Simple laïque alors, il s’était uni, pour assurer le succès de celle sainte entreprise, un prêtre de mérite, l’abbé delà Hotlillerie, futur évêque de Carcassonne. Dieu bénit leurs efforts : les centres d’adoration nocturne se multiplièrent à Paris et en province ; puis, dans l’Allemagne, la Belgique et le Piémont.

En 1875, il y avait, en France, environ une soixantaine de diocèses où l’adoration perpétuelle diurne était établie. Dans quarante d’entre eux, l’adoration nocturne était, en outre, pratiquée, quoique à des degrés différents, et avec certaines interruptions dues aux circonstances de lieux et de personnes. Ainsi dans le diocèse de Constantine, le Saint-Sacrement n’était exposé, dans les paroisses successivement, que les dimanches et les jours de fête chômés. Les conditions spéciales dans lesquelles était encore l’Algérie, n’avaient pas permis de faire mieux. Dans d’autres diocèses plus fortunes sous le rapport de la foi, comme ceux de l’ouest de la France, par exemple, on avait conservé l’ancienne pratique du mois d’adoration, dont l’origine remonte à la régence d’Anne d’Autriche. Suivant cette coutume respectable, chaque paroisse a son mois d’adoration, pendant lequel se déroule toute une série d’exercices pieux en l’honneur de la sainte eucharistie. Le troisième dimanche, le Saint-Sacrement est exposé ; il y a procession solennelle et bénédiction. C’est, de plus, un jour de communion générale à laquelle les paroissiens sont presque aussi fidèles qu’à la communion pascale.

L’adoration perpétuelle est maintenant en usage dans la plupart des diocèses. Elle est organisée de manière à ce que chaque paroisse, ou chaque chapelle, ait, durant l’année, un ou plusieurs jours d’adoration, suivant que cela est nécessaire pour que le Saint-Sacrement reste constamment exposé dans le diocèse. Ainsi, suivant une expression de Ma r Gerbet, évêque de Perpignan, la piété eucharistique, transportant, chaque jour, cette solennité d’une église à l’autre, a, pendant le cours de l’année, autant de stations dans le diocèse que le soleil en a dans le ciel.

Cette dévotion si sainte dans son objet et si féconde dans ses résultats, donne lieu le plus souvent, dans les pays profondément chrétiens, à de belles manifestations de foi et d’amour envers Notre-Seigneur. Le jour où une paroisse a l’honneur de représenter tout le diocèse devant le Saint-Sacrement exposé, est un jour de fête très goûté. La prédication de la parole de Dieu, la pompe des cérémonies, la beauté des chants et toutes les industries inspirées aux pasteurs par un zèle éclairé, en font un des moyens les plus puissants de sanctification pour les peuples et une des plus touchantes manifestations de la piété envers le très Saint-Sacrement de l’autel.

Parmi les associations dont un des buts principaux est de promouvoir la pratique de l’adoration perpétuelle, il convient de signaler ici :

L’archiconfrérie de l’Adoration perpétuelle du très Saint-Sacrement et l’œuvre des églises pauvres. La première pensée en revient à une charitable dame belge, Anne de Meeûs, qui, trois ans après, la vit sanctionnée par tous les évoques de Belgique, en 1851. Elle fut le berceau de la congrégation religieuse des sœurs de l’Adoration perpétuelle. Ce nouvel institut, fonde en 1857 à Bruxelles, fut approuvé par un décret de la S. C. des Évoques et Réguliers, le 8 avril 1872. Pie IX lui avait accordé, en 186^, le droit de s’affilier des confréries dans le monde entier. Celles-ci, pour jouir des nombreux privilèges de l’archiconfrérie, doivent se faire agréger à son siège principal qui est la maison ouverte à Rome par les sœurs de l’Adoration perpétuelle en 1879.

L’archiconfrérie de l’Adoration perpétuelle et de l’œuvre des tabernacles, dont le centre est à Paris et dont les rameaux s’étendent dans plusieurs diocèses de France et d’Algérie. Les indulgences dont elle jouit seraient encore plus nombreuses, si, suivant le désir exprimé par le souverain pontife, elle se faisait affilier à l’archiconfrérie romaine, comme l’ont l’ait celles d’Autriche, d’Italie et d’Allemagne.