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ADORATION PERPETUELLE

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causa en pays latin la doctrine professée par les Pères du concile de Nicée. L’Occident connut les actes du concile par une mauvaise traduction latine, remplie de contre-sens, où la pensée des Pères était souvent faussée et où on leur faisait émettre des hérésies dont ils étaient très innocents. Hardouin, Conçu., t. iv, col. 19, 151 ; cf. Libri carolini, iii, Vl, P. L., t. xcviii, col. 1148 ; Hefele, Histoire des conciles, t. iii, .§ 313. Les latins virent que les grecs enseignaient que la 7tpo<7x-jvY)cxi ; était permise à l’égard des images, et comme ils traduisaient ce mot par adoratio, ils en conclurent que les Pères grecs permettaient l’idolâtrie. Charlemagne fit examiner par ses théologiens la traduction latine et la consultation qu’ils lui adressèrent forme ce qu’on appelle les Livres carolins. Pour les théologiens latins, les adorateurs des images appuient leurs dires sur des passages de l’Écriture mal compris, et pour confirmer leur erreur, invoquent de mauvais exemples. C’est une fureur et une démence de présenter comme un modèle à suivre la ridicule coutume d’adorer les images des empereurs dans les cités et sur les places publiques. Celui qui, voyant adorer les images des empereurs, s’autorise de cette coutume pour adorer les images dans les églises, « suit la route des impies. » Adorer les images impériales c’est, en effet, faire preuve d’impiété. Adorer Dieu représenté par une peinture comme les païens adorent leurs rois locaux et mortels, c’est une profanation qui touche à l’incrédulité. Adorer les images serait s’exposer aux justes reproches des païens eux-mêmes qui avaient du moins l’excuse de leur ignorance. Libr. carol., iii, 15, P. L., t. xciii, col. 1142.

Les Livres carolins furent envoyés au pape Hadrien, au moins dans une rédaction abrégée. Le pape transmit ses observations à Charlemagne. Il réfute les arguments théologiques mais il ne prend pas la défense de l’adoration des images impériales. Hardouin, Conc.il., t. iv, col. 774-820 ; P. L., t. xciii, col. 1247 sq. La doctrine des Livres carolins fut adoptée par les évêques francs. Il semble qu’à cette époque ils admirent les images seulement en tant qu’elles pouvaient servira l’enseignement des fidèles.

Conclusions.

Toutefois dans les deux Eglises la doctrine fondamentale était la même. Le culte d’adoration proprement dite, c’est-à-dire le culte absolu de latrie, n’est dû qu’à Dieu. Aux images on ne peut rendre un culte identique. La querelle venait de ce qu’on ne s’entendait pas sur les mots et de ce que les latins voyaient dans les usages des grecs l’expression de ce culte absolu de latrie tandis que ceux-ci ne l’y voyaient pas. Il y eut cependant une différence de conduite assez accentuée. Les grecs furent toujours plus démonstratifs dans les honneurs qu’ils rendaient aux images et les latins plus réservés. Cf. E. Beurlier, Les vestiges du culte impérial à Byzance et la querelle des iconoclastes, in-8°, Paris, 1891 ; Dict. d’archéologie chrétienne, t. I, col. 539-545.

IV. La npoijx’jvïiai ; ET LA fxsTavot’a. — Le mot irpocrxijvr ^tç est aussi employé dans la langue liturgique grecque pour désigner une cérémonie qui est distinguée de la (jLsravoia. Jean le Jeûneur dit que les femmes soumises à la pénitence doivent faire seulement une r.po<rxijvTi<n ; et non une [Leravot’a, une inclination et non une prostration. Jean le Jeûneur, Pénilential, P. G., t. lxxxviii, col. 1904. Celui qui fait la TTpocx-jvrjff’.ç reste le corps droit, mais incline profondément la tête et fait le signe de la croix avec les trois premiers doigts de la main droite. Dans la [AEtavoc’a, il iléchit le genou, et s’il s’agit de la grande, baise la terre. Ducange, Glossarium mediseet infimsegrxcitatis, col. 1252 ; Goar, Euchologiuni, p. 29. Dans la liturgie de saint Jean Chrysostome, dont se servent encore aujourd’hui les grecs, la Trpoux’jvr^tç est plusieurs fois indiquée. Cf. F. E. Brightman, Liturgies eastem and western, in-8°, Oxford, 1896, t. I, Easlern Liturgies, p. 301, 302, etc. Dans cette même liturgie le mot itpoffxûvr^iï est aussi employé dans le sens strict d’adoration due à Dieu. « A toi appartiennent toute gloire et toute adoration, au Père et au Fils et au Saint-Esprit, etc. » F. E. Brightman, ibid., p. 317. Il en est de même dans la liturgie jacobite. Ibid., p. 75.

Les grecs désignent sous le nom de irpodxijv » i(jid ! l’image du saint dont ils célèbrent la fête, image qu’ils placent sur une petite estrade au milieu du chœur, le jour de la solennité et pendant tout l’octave. D’une manière générale on appelle ainsi toute image ou tout objet à qui l’on rend les honneurs de la upoo-xûvrjo-iç. Goar, Euchologiuni, p. 29, 35, note 72 ; Ducange, Glossarium, col. 1252 ; F. E. Brightman, p. 356.

E. Beurlier.

2. ADORATION PERPÉTUELLE.
I. Origine.
II. Diverses formes.

L’adoration perpétuelle de Jésus-Christ dans l’eucharistie est fondée sur la croyance des catholiques à la présence réelle. Voir Eucharistie. Cette dévotion est une manifestation de cette croyance en même temps qu’une preuve vivante de la piété que ce dogme inspire aux fidèles. Elle montre donc comment la présence réelle est en harmonie avec les aspirations du cœur de l’homme et quelle action elle exerce sur les masses populaires.

I. Origine.

La pratique de l’adoration perpétuelle se lie intimement à celle des quarante heures, dont elle n’est, au fond, que le développement.

C’est en 1534, à l’époque où les protestants multipliaient leurs sacrilèges attaques contre l’auguste sacrement de nos autels, que le père Joseph, capucin, connut le projet de répondre à ce surcroit d’outrages par un redoublement d’amour. Dans sa pensée, les chrétiens devaient rendre à Notre-Seigneur un tribut particulier d’hommages pendant quarante heures consécutives, en souvenir des quarante heures qui s’écoulèrent depuis le moment où son divin corps fut élevé sur la croix, jusqu’à celui de sa résurrection glorieuse. L’eucharistie n’est-elle pas, suivant l’expression même de notre Sauveur, le mémorial de sa passion ? Le Saint-Sacrement serait donc exposé solennellement pendant ce laps de temps ; des prédications spéciales et tout un ensemble d’exercices pieux disposeraient les fidèles à s’acquitter, aussi dignement que possible, d’un double devoir à l’égard de leur divin Maître : l’adorer avec plus de ferveur dans le sacrement de son amour ; et, en réparant les injures faites à sa majesté, apaiser la colère de Dieu irrité par les crimes des hommes.

Ces prières et ces touchantes cérémonies furent fixées d’abord (comme c’est encore l’usage à notre époque), aux trois jours qui précèdent immédiatement le carême.

L’expiation et l’adoration convenaient, de préférence, à ces jours que les gens du monde emploient trop souvent en divertissements coupables, au milieu des folies du carnaval. Par ce coté, cette pratique si louable se rattache à celles de l’antique Église qui, dès le Ve siècle, avait établi des supplications solennelles pour réparer les excès commis à l’occasion des saturnales et de quelques autres fêtes profanes, derniers restes du paganisme.

La pensée du père Joseph fut accueillie avec un véritable enthousiasme. A Milan, où elle fut d’abord exprimée, les fidèles accoururent en foule, apportant à l’envi, en grande quantité, des cierges ou de l’huile pour le luminaire, et des étoffes précieuses pour l’ornementation des autels.

De Milan, cette dévotion se répandit en Italie, où elle devint rapidement populaire. L’apotre de Home, saint Philippe de Néri, l’introduisit dans la capitale du monde chrétien, et elle fut successivement enrichie d’indulgences nombreuses par les papes Pie IV, Clément VIII et Paul V, qui s’efforcèrent de la propager dans l’Église entière.

IL Diverses formes. — La piété des fidèles ne se | contenta plus, bientôt, de faire une seule fois par an,