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ADOPTION SURNATURELLE DE L’HOMME PAR DIEU
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donnée à la venue du Christ, les justes de l’Ancien Testament se trouvaient dans une situation bien inférieure à ceux du Nouveau, sous le rapport des privilèges de l’adoption surnaturelle. Mais il ne faudrait pas conclure de là que cette adoption n’existait à aucun degré axant Jésus-Christ. Le P. Petau, qui a soutenu cette opinion (voir plus haut), s’appuie surtout sur le témoignage de certains Pères ; mais ces passages peuvent très bien s’entendre, du moins pour la plupart, dans le sens de l’adoption imparfaite que nous venons d’exposer. Rien n’exige une interprétation différente ; et, au contraire, l’économie générale de la grâce semble l’interdire. Plusieurs théologiens rejettent en outre l’opinion de Petau, en se basant sur le texte où saint Paul nous montre « les Israélites, à qui appartiennent l’adoption des enfants, et sa gloire [de DieuJ, et son alliance », etc. lioiu., ix, 4. Mais c’est là un argument peu solide. L’apôtre ne parle pas de l’adoption individuelle des Juifs par la grâce sanctifiante, mais de leur adoption collective et sociale, comme peuple de Dieu. C’est dans le même sens que le peuple juif est appelé « fils de Dieu », Ose., I, 1, et même « fils aîné de Dieu ». Exod., iv, 22-23.
2. Parmi les écrivains du Nouveau Testament,
saint Paul est le premier et le seul qui emploie la formule « adoption », uloOsffîa, au sens que nous étudions. « Vous avez reçu l’esprit d’adoption des entants, 7rvE0|Aa
jio0£<7 : a : , par lequel nous crions : Abba, Père. » Rom.,
vin, 15 ; cf. viii, 23. « [Dieu] qui nous a prédestinés
pour nous rendre ses enfants adoptifs. » Eph., i, 5. « Pour nous faire recevoir l’adoption des enfants. »
Gal., iv, 5. L’adoption dont parle saint Paul établit entre
Dieu et l’homme des relations beaucoup plus intimes
que l’adoption humaine entre les créatures. En effet,
ces relations sont caractérisées par cinq espèces de formules
diil Tentes, mais d’ailleurs connexes, qui placent
clairement l’adoption divine dans une catégorie intermédiaire
entre l’adoption pure et simple et la filiation
naturelle proprement dite. —
a. L’Écriture appelle les
justes, /Us de Dieu, enfants de Dieu. Nombreux sont
les passages qui affirment cette filiation divine. Sans
doute quelques-uns, comme Matth., v, 9, 45, doivent
s’entendre dans le sens large d’une ressemblance générale
avec Dieu ; mais la plupart exigent une interprétation
plus stricte, à cause de leur solennité et de leur
énergie. « Voyez, dit saint Jean, quel amour le Père
nous a montré, de vouloir que nous ayons le titre et la
réalité d enfants de Dieu. » I Joa., iii, 1. Cf. Rom., viii,
14-17, 21 ; v, 2 ; Gal., iii, 26 ; iv, 4-6 ; Joa., i, 12.
b.
Cette filiation est d’autant plus réelle, qu’elle repose
sur une naissance, génération, ou régénération divine. « Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,
à ceux qui croient en son nom, et qui ne sont pas nés
du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté
de l’homme, mais de Dieu. » Joa., I, 12-13. « Par un
effet de sa bonté, dit saint Jacques, Dieu nous a engendrés
par la parole de la vérité. » Jac, 1, 18. Cf.
Joa., iii, 5 ; I Joa., iii, 9 ; v, 9 ; Tit., iii, 5 ; I Pet., I, 3,
23. —
c. A notre qualité de lils adoptifs correspond en
Dieu la qualité de Père. Ce mot est répété plus de
quinze fois dans le Nouveau Testament, avec le sens
pri cis de paternité surnaturelle en Dieu, qui nous considère
alors, non plus « comme des hôtes et des étrangers,
mais coi : . me faisant partie de sa famille », laui/iiiiiu domestici
Dei. Eph., ii, 19. Cette relation avec Dieu le
l’ère en détermine une autre avec Jésus-Christ, dont
nous devenons les frères au même titre que nous sommes
|i*s enfants de Dieu. Rom., viii, 29. —
d. Non seulement
notre filiation de grâce est obtenue par voie de régénération
et de renaissance, mais elle suppose ou entraîne
une certaine participation de la nature divine, suivant la
r/lebie expression de saint Pierre. « Dieu, par Jésus-Christ,
c jus a communiqué les sublimes et précieuses
grâces qu’il nous avait promises, pour nous rendre par
ces mêmes grâces participants de la nature divine. »
II Pet., i, 4. Voir Grâce sanctifianti ; et Surnaturel.—
e. Enfin, nous dit saint Paul, « si nous sommes enfants,
nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers
de Jésus-Christ. » Rom., viii, 17. Cf. Gal., ni, 29 ;
iv, 7 ; Tit., iii, 7 ; I Pet., ni, 22 ; Jac, il, 5. Ce n’est pas
seulementsous la forme d’une récompensequel’Écriture
nous présente le ciel, mais c’est aussi sous la forme
d’un héritage : « Réni soit Dieu, Père de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, qui, dans sa grande miséricorde, nous a
régénérés par la résurrection de Jésus-Christ, pour nous
donner la vivante espérance de cet héritage où rien ne
peut ni se détruire, ni se corrompre. » I Pet., I, 3-4.
Cf. Eph., i, 18 ; v, 5 ; Col., iii, 24 ; Heb., i, 14 ; ix, 15.
De l’ensemble de ces textes il résulte clairement que
les justes acquièrent, par leur naissance et filiation surnaturelle,
un droit initial sur les biens célestes que
Dieu leur réserve dans la vie future, et sont ainsi constitués
ses héritiers. Le rapport qui unit l’adoption divine
et l’héritage éternel est tellement étroit que l’échéance
de celui-ci sera précisément la perfection finale de cellelà. « Nous gémissons en nous-mêmes, attendant l’adoption
[définitive] des enfants de Dieu, la délivrance de
nos corps. » Rom., VIII, 23. Tobac, Le problème de la
justification dans saint Paul, Louvain, 1908, p. 202-206.
2° Témoignage de la tradition.
Il se présente sous
trois formes :
les affirmations des Pères,
les documents
liturgiques, et
les coutumes ou pratiques de l’antiquité
chrétienne. —
1. Pères grecs. —
Si le Verbe s’est fait chair, dit saint Irénée, et si le Fils du Dieu vivant est devenu le fils de l’homme, c’est afin que l’homme, entrant en société avec le Verbe et recevant le privilège de l’adoption, devint enfant de Dieu. » Cont. hær., III, xix, 1, P. G., t. vii, col. 939. « C’est par le Christ, dit saint Cyrille d’Alexandrie, que nous montons à la dignité surnaturelle et que nous devenons les enfants de Dieu, non sans doute de la même manière que lui, mais par voie de ressemblance, par la grâce qui nous façonne à son image. » In Joa., I, 12, l. I, P. G., t. lxxiii, col. 152. Voir aussi un très beau passage de saint Jean Chrysostome, dans son commentaire sur saint Mathieu. Homil. ii, 2, P. G., t. lvii, col. 26. —
2. Pères latins. « Par une condescendance admirable, écrit saint Augustin, le Fils de Dieu, son Unique selon la nature, est devenu fils de l’homme, afin que nous, qui sommes fils de l’homme par nature, nous devenions fils de Dieu par grâce. » De civil. Dei, xxi, 15, P. L., t. xli, col. 729. Saint Pierre Chrysologue, méditant la première parole de l’Oraison dominicale, Notre Père, ne peut s’empêcher de pousser des cris d’admiration, quand il voit, dit-il, « Dieu et l’homme unis par un commerce si étroit, que Dieu devient homme et l’homme devient Dieu, le Seigneur devient esclave et l’esclave devient fils. » Serm., lxxii, P.L., t. lii, col. 404. —
3. Liturgie. —
Parmi les formules liturgiques qui mentionnent ou célèbrent le dogme de l’adoption divine, la suivante mérite d’être citée spécialement, parce que, dès le VIe siècle au moins, elle servait, dans l’Église romaine, pour le baptême des néophytes la veille de l’àques, et qu’elle est encore en usage à l’office du samedi saint : « Dieu, Père suprèjne des fidèles. qui multipliez dans l’univers entier les lils de votre promesse en répandant sur eux la grâce de l’adoption… jetez un regard favorable sur votre Église, et multiplie/, en elle les renaissances… afin que, conçue dans la Sainteté, une race céleste sorte (lu sein virginal de la source divine, comme une créature régénérée et nouvelle. » Offic. sabb. sitmi. Voir Duchesne, Origines tlu culte chrétien, Paris, 1889, p. 299-3(11). Cf. Præfat. Dominic. Pentecost. ; Collect. Fest. Transfigurât., et Fest. S. Hieronym. Aimil. —
4. Coutumes et pratiques. —
Il y avait dans l’antiquité chrétienne plusieurs coutumes et pratiques qui mettent bien en relief le dogme de