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ADOPTION SURNATURELLE DE L’HOMME PAR DIEU

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Pères grecs ne diffère pas, au total, de celle des Pères latins. Voir l’opuscule du D r Oberdœrffer, De inhabitatione Spiritus Sancti in animabus juslorum, in-12 de 131 p., Tournai, 1890, où l’auteur discute les assertions de Scheeben, et donne un résumé très sommaire du travail du P. Granderath.

2° Du VI* au XIIIe siècle. —

Entre la période patristique proprement dite et le XIIIe siècle, c’est-à-dire depuis saint Grégoire le Grand et saint Jean Damascène jusqu’à Alexandre de Halès et Albert le Grand, il n’y a rien de saillant à noter sur la doctrine de l’adoption divine. Voir Mignon, Les origines de la scolaslique et Hugues de Saint-Victor, 2 in-8°, Paris, 1895, t. i, c. vi ; t. il, c. x. Même P. Lombard, le maître des Sentences, aborde à peine ce sujet, en traitant la question de savoir si le Christ est fils adoptil’de Dieu. Sent., l. III, dist. X, P. L., t. cxcii, col. 777-778. Le seul mérite de P. Lombard est d’avoir attiré sur ce point l’attention des grands théologiens du XIIIe siècle qui ont commenté son livre des Sentences, surtout d’Albert le Grand, de saint Thomas et de saint Bonaventure. Le premier donne déjà comme la synthèse et la formule scolastique du dogme en question, / V Sent., l. III, dist. X, a. 9-18, Opéra, Lyon, 1651, t. xv, p. 113-118. Voir aussi saint Bonaventure, 1 V Sent., l. III, dist. X, a. 2, q. i-m, Opéra, Lyon, 1658, t. v, p. 115-119. Mais il appartient à saint Thomas d’Aquin d’avoir fixé ces formules avec plus de précision et de netteté, dans son commentaire sur le troisième livre des Sentences, dist. X, q. ii, a. 1-2, et surtout dans sa Somme théologique, III a, q. xxiii, où il montre ce qu’il faut entendre par l’adoption surnaturelle, en étudiant tour à tour ses convenances de la part de Dieu et son éminente supériorité sur les adoptions humaines (a. 1) ; ses rapports avec les trois personnes divines (a. 2) ; enfin la ressemblance céleste qui caractérise spécialement cette adoption, et qui est le propre de la grâce et de la charité (a. 3). Ces trois articles n’épuisent d’ailleurs pas la question ; ils mentionnent à peine, par exemple, les rapports de l’adoption divine avec la grâce sanctifiante. Mais ils contiennent du moins les principaux éléments de solution de toutes les questions qui seront désormais soulevées par les théologiens sur ce point de doctrine. Cf. Ia-IIæ, q. cxiv, a. 3.

3° Au xiv et au xv siècle,

)’écolenominaliste(Occam, Gabriel Biel, Pierre d’Ailly, IV Sent., l. I, dist. XVII) s’écarta notablement de la doctrine des théologiens antérieurs, en enseignant que l’adoption divine, ainsi que le droit à l’héritage éternel qu’elle entraîne, ne sont pas l’effet propre et intrinsèque de la grâce sanctifiante, mais le résultat d’une loi positive par laquelle Dieu aurait décidé de nous accepter pour enfants et pour héritiers. Voir cette opinion citée par Suarez, De gratia, l. VII, c. i, n. 6 ; c. ii, n. 1, Opéra, Paris, 1892, t. ix, p. 94, 106. D’après cette théorie, il n’y aurait donc entre l’adoption et la grâce proprement dite qu’un simple lien de juxtaposition, et non un lien de dépendance intrinsèque. Cette manière de voir fut rejetée par les autres théologiens de l’époque, et même par certains représentants de l’école franciscaine, comme Pierre Auriol, qui montra une assez, grande indépendance aussi bien vis-à-vis de Duns Scot, que vis-à-vis de saint Thomas. Auriol, IV Sent., l. I, dist. XVII, q. i, a. 2, tomba d’ailleurs dans un excès différent, en soutenant que l’adoption divine était l’effet intrinsèque et exclusif de la vertu de charité. Suarez, loc. cit., c. II, n. 2, p. 100.

4° Au XVIe siècle,

les importantes définitions du concile île Trente sur la justification et la grâce contribuèrent, dune façon notable, au développement théologtque du dogme connexe de l’adoption. En effet, au point de vue polémique, elles tranchaient par voie indirecte, en faveur des thomistes, la controverse qui séparait ces derniers des nominalistes sur le caractère de L’adoption divine. Après les déclarations de la s<^>i<>n T> du concile, on ne pouvait guère enseigner, et, de fait, on n’enseignera plus que l’adoption est quelque chose de purement extrinsèque à l’âme. Au point de vue ontologique, les définitions conciliaires fournissaient aux théologiens des données nouvelles, pour formuler avec plus d’autorité les rapports intimes qui unissent l’adoption et la grâce proprement dite. Enfin, au point de vue logique, elles attiraient davantage l’attention des théologiens sur ce point de doctrine, et sur la vraie place qu’il doit occuper dans un exposé scientifique du dogme. Aussi désormais la plupart d’entre eux l’étudieront-ils dans le traité de la Grâce habituelle ou sanctifiante, en considérant avec raison l’adoption surnaturelle comme un des effets formels de cette grâce. Voir Suarez, loc. cit. D’autre part, les travaux préparatoires du concile et les projets de définitions qui y furent discutés font connaître avec plus de détails l’opinion des Pères et des théologiens contemporains sur les rapports de la grâce et de l’adoption surnaturelle. Voir Acla genuina concilîi Tridenlini, ab Angelo Massarello, ejusdem concilii secretario, conscripta, édit. A.Theiner, Agram (1874), t. I, p. 205. Cf. Pallavicini, Histoire du concile de Trente, l. VIII, c. iv, édit. Migne, Paris, 1844, t. ii, p. 217.

5° Les théologiens postérieurs au concile de Trente


invoquent souvent ses décisions doctrinales pour enseigner avec plus de force et d’unanimité que la grâce sanctifiante rend l’homme enfant de Dieu par elle-même, et non en vertu d’un décret divin lui conférant ce privilège. La grâce et l’adoption, disent-ils, sont unies par un lien organique, et non par un lien mécanique. Plusieurs vont même jusqu’à affirmer que ce lien est tellement étroit, tellement fondé sur l’essence des choses, que Dieu lui-même ne pourrait pas le briser. D’autres, cependant, admettent la possibilité absolue d’une séparation entre les deux. Voir Suarez, loc. cit., c. iii, p. 109 sq.

Lessius.


Au commencement du xviie siècle, le jésuite Lessius émit une opinion nouvelle sur le principe constitutif, autrement dit la cause formelle de l’adoption divine. Voir le P. Granderath, Zeitschrift fur kathol. Théologie, 1881, p. 284-286, qui montre bien la nouveauté de cette opinion. Au lieu de placer la cause formelle de notre filiation surnaturelle dans la grâce sanctifiante, il crut devoir l’attribuer à la présence du Saint-Esprit dans l’âme juste. De perfectionibus moribusque divinis, l. XII, c. xi, n. 75, Paris, 1881, p. 255257. Cf. un autre opuscule de Lessius, où il soutient la même opinion, De summo bono et œterna bealitudine, l. II, c. I, n. 4 et passim, Paris, 1881. Cette doctrine souleva, comme de juste, de vives réclamations, surtout parce qu’elle semblait peu conforme aux décisions du concile de Trente sur la cause formelle de la justification, et, par suite, de l’adoption surnaturelle. Lessius se crut obligé d’expliquer et de rectifier quelque peu sa doctrine. Il le lit dans un appendice qui fut ajouté à son livre De perfectionibus moribusque divinis, mais qui ne parut qu’après sa mort arrivée en 1623, dans l’édition d’Anvers, 1626. D’après cette explication, le principe constitutif de notre filiation surnaturelle comprendrait encore le Saint-Esprit, mais d’une manière indirecte, in obliqua, en ce sens que, pour être enfant de Dieu, il faudrait posséder l’Esprit divin, non sans doute comme (’binent constitutif et intrinsèque de l’adoption, mais comme séjournant dans l’âme et simplement uni par la grâce sanctifiante. Voici d’ailleurs ses paroles : Ut quis sit filius Dei, non débet esse Spiritus divinus, oui illo tanquam forma informari ; sed débet habereillum inhabitantem, et per grattant habituaient quodammodo unitunt ; ita ni ratio formalis in recto constituens rationem /ilii mliipliri sil haltère seu pnssidere tali iiindn, nempe per gratiam habituaient, Spiriium Dei inhabitantem, seu habere gratiam habituaient tanquam formant inirinsecam unientem nobis Spiritual divinum. Itaque non suiii duseforntæ intrinsecse, et m recto, sed una tantum.