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ABBES

traire les abbés de la deuxième catégorie quridiction intraterritoriale) ne sont pas, au sens canonique du mol. des abbés mtllius, et ne peuvent par conséquent être considérés comme ordinaires, ni revendiquer les droits ou privilèges que les canons stipulent génériquement pour les ordinaires, S. C. du Concile, in una Guastallen., 19 juillet 1766.

II. Autorité.

Les abbayes exemptes, quels que soient le degré et le titre canonique de cette exemption, sont sous la dépendance immédiate du pontife romain. Lorsque plusieurs abbayes ou monastères forment, par voie de filiation et parfois par conformité d’observances, ou même par convention spéciale, ou encore par simple groupement régional, une sorte d’obédience ou congrégation, le supérieur de l’abbaye mère prend le titre d’abbé des abbés : abbas abbalum, quelquefois d’archi-abbé.

Il serait superflu de suivre, à travers les vicissitudes séculaires du monacbisme, les variétés de juridiction de ces abbés des abbés dont la supériorité, en dehors de leur monastère respectif, était le plus souvent une supériorité de prééminence et d’honneur et non de juridiction proprement dite. Aussi bien, la pensée primitive de saint Benoît, le grand patriarche des moines en Occident, qui voulait faire de chaque monastère une famille distincte, de chaque moine un iils de cette famille à laquelle il se liait indissolublement, et du monacbisme une forme complètement épanouie de la vie chrétienne par les vœux, par la claustration et par Vopus divinum, le service divin, plus que par telles ou telles particularités d’observances et d’austérités, cette pensée, disons-nous, si élevée et si féconde, ne pouvait, sans quelque secousse, s’adapter à la centralisation corporative qui eut, dans la suite, les préférences des ordres mendiants et des clercs réguliers. Cf. le très remarquable travail de dom A. Gasquet, Essai historique sur la constitution monastique ; la traduction italienne a été imprimée à la Vaticane en 1896.

Il n’en est plus de même pour certaines familles monacales qui se rattachent au grand ordre bénédictin. Les cisterciens réformés de la Trappe sont, depuis le décret d’union du 8 mai 1892, sous le régime d’un abbé général qui a, avec son conseil ou dé/initoire, une juridiction pleine et entière sur les congrégations unifiées. Analecta ecclesiastica, t. i, p. 57.

A une date plus récente, les bénédictins noirs se sont confédérés, tout en conservant l’autonomie de leurs diverses congrégations, sous l’autorité d’un abbé-primat (Léon XIII, Summum semper, du 12 juillet 1893) dont les pouvoirs ont été spécifiquement déterminés par décret de la S. C.des Évoques et Réguliers (16 septembre 1893). Outre la préséance même sur l’archi-abbé, le primat, qui est toujours abbé de Saint-Anselme de Lomé, a le pouvoir de résoudre les doutes disciplinaires, de trancher les litiges entre les divers monastères, de faire, s’il y a lieu, la visite canonique des congrégations fédérées, de pourvoir à l’exacte observance de la discipline monacale, et, à cette fin, tous les abbés sont tenus d’envoyer au primat, chaque cinq ans, une relation canonique sur leur monastère respectif. Anal. ceci., t. i, p. 317, 395.

L’autorité de l’abbé sur son monastère est, comme celle de tous les prélats réguliers, directive, impérative, coërcitive et administrative, selon la teneur des règles ou constitutions de l’ordre. Les abbés nullius ont, de plus, l’autorité pastorale, comme les évéques, sur le territoire de leur abbaye.

III. Election.

Aux temps primitifs de l’institution bénédictine, l’abbé était, le plus souvent, élu par les moines de son abbaye. Le plus souvent, disons-nous, car le monachisme en Orient, et plus tard en Occident, fit, dans la vie administrative des monastères, une paît plus large à l’intervention épiscopale. L’érection d’un monastère n’était point canonique sans l’assentiment

préalable de l’évêque ; à l’évêque était réservé le droit d’élection, tout au moins de confirmation, de l’abbé et des principaux officiers du monastère. Thomassin, Vêtus et nova Eccl. discipl., Venise, 1773, part. I, l. III, c. xv, et passim.

L’élection, soit par le monastère, soit par l’évêque diocésain, soit aussi, en quelques abbayes, par nomination papale, avait la perpétuité canonique : semel abbas, semper abbas. L’élu n’était point seulement le supérieur, mais l’époux de son église abbatiale, comme l’évêque l’est de sa cathédrale ; et, à la mort de l’abbé, l’église tombait en viduité. C. Qui propter, De elect., et c. Ne pro defectu. Reiffenstuel, Jus canonicum universum, Paris, 1864, t. i, p. 335. Sans doute, même aujourd’hui pour les abbés nommés ad tempus, soit par le monastère, soit par le chapitre général, la dignité abbatiale persiste, au moins comme iln titre honorifique, après l’échéance de leur mandat temporaire ; toutefois, en raison même de l’instabilité de leur charge, le mariage mystique entre l’abbé et l’abbaye n’est plus qu’un souvenir des beautés de l’ordre monacal. Petra, Ùonment. ad constitua apostolicas, Venise, 1741, t. i, p. 308 sq.

Le mode d’élection, outre les prescriptions de droit commun (Co « c Trid., sess. XXIV, c. vi, De regul.) pour les électeurs et les éligibles, est fixé par les statuts particuliers de chaque congrégation.’C’est ainsi que présentement, dans la grande famille des cisterciens réformés, l’abbé de chaque monastère est élu, à la pluralité des suffrages, par les religieux profès in sacris de la communauté ; les abbés de l’abbaye mère, appelés aussi pères immédiats, sont élus conjointement par les religieux de leur monastère et par les supérieurs réunis des abbayes filles ; l’abbé général est élu par tous les abbés réunis.

IV. Bénédiction.

L’abbé, dûment élu ou nommé, doit être bénit. Cette bénédiction n’est point un sacrement — il est superflu de le dire — ni une consécration proprement dite, puisque le nouvel abbé ne reçoit pas l’onction du saint chrême, mais un sacramental dont le Pontifical romain donne les formules et fixe les cérémonies, De benedictione abbalis. Il n’est pas exact, comme l’affirment quelques canonistes (André, Dictionnaire de droit canonique, Paris, 1894, ^466* ?, §2, infine) qu’il n’y a point de temps fixé pour demander et recevoir cette bénédiction. Outre les anciens canons et les prescriptions réitérées du Saint-Siège, la bulle Coniinissi nobis du 9 mai 1725, préparée par de longs travaux d’une commission cardinalice et promulguée au célèbre concile romain, tenu sous Benoit XIII, Concil. rom. in basilica Lateran., anno jubilœi MDCCXXV, celebr., 2e édit. des Actes, p. 82, impose aux abbés, sous peine de suspense ab officio, de se faire bénir durant l’année qui suit leur élection, ou tout au moins de demander, à trois reprises, cette bénédiction à l’évêque du diocèse, Petra, Comment, ad constit. apostol., Venise, 1741, t. v, p. 162 ; De Angelis, Prælectiones juris canimici, l. I, tit. x, n. 3, Rome et Paris, 1877, t. i, p. 187 ; ou, si l’abbaye est nullius, à un évêque voisin. Toutefois, durant cette année de sursis, l’abbé non bénit peut, de plein droit, exercer tous les actes inhérents à la juridiction abbatiale.

La bénédiction, une fois reçue, ne peut plus être n’itérée soit pour les abbés qui ont la perpétuité de titre et sont toujours abbés du même monastère, soit pour ceux qui n’ont que la perpétuité de dignité et sont toujours abbés, mais tantôt d’un monastère et tantôt d’un autre.

Comme il arrivait assez fréquemment que l’évêque retardait indéfiniment la bénédiction demandée, ou ne s’y prêtait qu’à des conditions trop onéreuses, que parfois même il exigeait au préalable, de la part des abbés, des engagements contraires aux privilèges légitimes des abbayes, le Saint-Siège l’ut insensiblement amené tantôt