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ADOPTION EMPÊCHEMENT DE MARIAGE

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de parenté, n apportent pas non plus une lumière suffisante pour élucider à fond col obscur problème.

On peul se demander d’ailleurs si l’adoption dont parlent les lois canoniques, est bien absolument la même que celle dont traitent les lois romaines, ou si elle n’en diffère pas, qu’il s’agisse de l’adoption simple ou bien de l’adrogation.

Examinons en effet la brève formule tirée d’une réponse de Nicolas I er aux Bulgares et insérée au IV e livre des Décrétales. Qu’y lisons-nous ? « Si une personne est devenue ma sœur par l’adoption, tant que dure l’adoption, il ne peut pas y avoir de mariage entre elle cl moi. Si qua per adoptionem mihi soror esse cœperii, quamdiu durât adoptio, inter me et ipsam nuptiœ consistere non possunt. » D’après ce texte, il nous semble que l’adoption requise par l’Eglise ne demande pas les formules solennelles prescrites pour l’adrogation, et qu’elle exige au contraire l’introduction de l’adopté dans la famille de l’adoptant, ce qui n’existait pas pour l’adoption simple, au moins depuis Juslinien. Sans s’inquiéter dis différences existantes, entre les deux sortes d’adoption, l’Église a pris simplement l’adoption en ce qu’elle a d’essentiel, c’est-à-dire : 1. l’introduction dans une famille étrangère ; 2. la constatation de ce fait par un acte légal.

Cette remarque faile, nous croyons devoir adhérer à l’opinion formulée par le vénérable Ma’Bosset, évêque de Maurienne, et croire comme lui que la loi portée par l’Église vise non seulement l’adrogation, mais bien aussi l’adoption simple, surtout si on la considère telle qu’elle était en pratique avant Justinien. L’argument qui agit sur notre pensée est celui-ci : La législation canonique a fait sienne la loi civile et l’a inscrite dans ses collections authentiques. Or, au moment où Nicolas I er, écrivant sa lettre aux Bulgares, affirmait l’existence de cet empêchement, lorsque Gratien insérait ce texte dans son Décret, lorsque plus tard saint Raymond rédigeait, dans le IV e livre de ses Décrétales, le titre De cognatione legali, lorsque enfin, au siècle dernier, Benoit XIV enseignait qu’il fallait sur ce point recourir aux lois civiles, l’adrogation n’existait plus telle qu’elle avait été en vigueur autrefois, et ces docteurs qui canonisaient ainsi la loi romaine, ou plutôt qui constataient sa canonisation opérée par l’autorité législative de l’Église, avaient en vue l’adoption simple, seule alors en usage, et non pas l’adrogation qui avait disparu avec l’organisation toute spéciale de la famille romaine.

2° Jusqu’à quel degré de parenté légale s’étend l’empêchement de l’adoption ? — On se demande ensuite jusqu’où devait s’étendre l’empêchement dirimant constitué par les saints canons. Cette cognalio legalis devait-elle être assimilée à la consanguinité, et interdire le mariage jusqu’au septième degré avant le concile de Latran, et jusqu’au quatrième, après la réforme opérée par celle sainte assemblée— ? Ici, il parait plus facile de donner une r jponse certaine. La législation ecclésiastique fait sienne la loi romaine, non seulement dans son principe, mais encore dans ses prescriptions accessoires. Le droil romain interdisait seulement le mariage — à perpétuité dans la ligne directe —toutes les fois que l’on touchait au premier degré, dans la ligne collatérale. C’est là que devra dune s’arrêter l’empêchement dirimant établi pur la législation ecclésiastique.

> L’adoption telle ijue. l’admettent les codes modernes, conslilue-t-elle l’empêchement canonique au mariage-’— La troisième question est d’une solution beaucoup plus difficile, et si le cas élait plus pratique, nous croirions urgent de solliciter une de ces réponses autorisées que peut seul donner le souverain pontife, par lui méme ou par l’organe d’une des Congrégations. En effet,

tout le monde est d’accord pour admellre que l’empêchement canonique de l’adoption existe selon les pivsrrip lions du droil civil. Mais de quel droit civil s’agit-il ici’.’Jusqu’à notre siècle, la question ne se serait même pas posée. Le droit civil c’était celui de Justinien, enseigné dans toutes les universités et appliqué dans tous les tribunaux. Il fallait sortir de l’Europe, et aller aux Indes ou dans la Chine, pour trouver un code de législation autre que le Corpus juris cirilis. Mais, aujourd’hui, il n’en est plus ainsi. Depuis l’initiative prise en France par Napoléon, de nouveaux codes ont été rédigés et promulgués presque partout. Sans doute, ils ont dû se conformer aux principes énoncés dans les Inslilutes, les Novelles et les Pandectes, mais ils ont apporté des modifications considérables aux prescriptions formulées jadis par Gaius, Papinien et leurs doctes collaborateurs.

Ainsi, d’après le Code Napoléon (art. 343 et suivants), peut seule adopter une personne âgée de plus de cinquante ans, n’ayant ni enfant ni descendant légitime, tandis que, chez les Romains, une femme ne pouvait adopter, mais bien un paterfamilias ayant déjà des enfants, ou susceptible d’en avoir. D’après le droit français, l’adoption est perpétuelle, par conséquent le mariage est à tout jamais interdit entre les enfants adoptifs, ou entre un enfant adoptif et un enfant naturel de l’adoptant ; tandis que dans le droit romain, les relations familiales créées par l’adoption pouvaient cesser par suite de l’émancipation, et par conséquent l’empêchement n’était que temporaire. Enfin, notons comme une des principales différences existant entre ces deux législations, que chez les Romains l’adoption se faisait ou avec l’intervention du peuple, ou par un rescrit du prince, ou bien encore imperio magistrat us, tandis que, d’après notre code, l’acte d’adoption doit être passé devant le juge de paix et homologué par le tribunal.

Cela posé, à quelle législation faut-il se rapporter maintenant pour déterminer si l’empêchement canonique de l’adoption existe et dans quelles limites il constitue un empêchement de mariage.

Les uns, comme le savant professeur Gasparri, Tractatus canonicusde matrimonio, Paris, 1891, t. i, p. 548, disent qu’il faut encore s’en tenir à l’antique droit romain. C’est celui-là, d’après leur opinion, que l’Église a canonisé, a introduit dans sa législation, ce sont ses lois qu’elle a faites siennes, et pour les abroger, il faudrait un acte positif émané de l’autorité législative suprême. En outre Benoit XIV, le canoniste incomparable, dit positivement : Recurrendum est ad leges civiles. Or, pour lui, évidemment, les lois civiles, c’est le droit romain.

D’autres cependant soutiennent l’opinion opposée, et leur doctrine paraît devoir être préférée. Si Benoit XIV avait vécu de notre temps, il semble assez probable qu’il eût adhéré à une opinion, qu’il ne pouvait pas même prévoir à son époque. Plusieurs documents, émanés de Borne, jettent d’ailleurs quelque lumière sur cette matière obscure.

Le premier de ces documents est une réponse donnée par le Saint-Office en 1 70 1 à un missionnaire en Bulgarie qui demandait si l’empêchement existait, lorsque les parents, suivant la coutume existante dans ce pays, adoptaient des enfants sans aucune solennité juridique, absque olla juris solemnitate. La réponse donnée fut absolument négative.

En 1826, la Pénitencerie fut consultée par un grandvicaire de Périgueux demandant si, en France, après la rédaction du code civil, l’empêchement de la parenté légale existait encore. La réponse fui : Affirmative, si res sil de adoptione légitime inita. Celte formule nous semble soulever encore une difficulté nouvelle. Quand est-ce en effet qu’il y a adoptio légitime initaf faut-il pour cela, pour la îegitPmitas de l’adoption, toutes les formalités du vieux droit romain’.’Evidemment non. Cela résulte de la manière même dont la question est posée. Mais, si dans notre législation actuelle, ou si dans un des codes promulgués naguère en d’autres pays, les dis-