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AD0PTIAN18ME — ADOPTION EMPÊCHEMENT DE MARIAGE

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qu’il faut consulter S. Thomas (Cf. Summa, IIP, q. xxiii, a. 4, et q. xxxii, a. 3) ; S. Bonaventure, t’ilit. Quaracchi, t. iii, p. 233 ; Scot, édit. Paris, 18M, t. xiv, p. 403, et t. xxiii, p. 318. Voir aussi Alexandre de Halès, Summa, part. III, q. VIII, a. 4. — Parmi les théologiens plus récents Suarez, De incarn., disp. XLIX ; Salmanticenses, De incarn., disp. XXXIII ; de Lugo, De incarn., disp. XXXI ; Petau, De incarn., l. VII, c. v ; Thomassin, De incarn., l. VIII, c. i-xiii ; Franzelin, De Verbo incarnate-, th. xxxvin ; Stentrup, Christologia, th. xxxix-xi.i.

E. PortaliÉ.



1. ADOPTION, empêchement de mariage.


I. Nature de l’adoption,
II. L’adoption et ses degrés dans le droit romain.
III. L’adoption, empêchement de mariage dans le droit romain.
IV. Cet empêchement entre dans le droit canon,
V. Questions que son application soulève.

I. Nature de l’adoption.

On appelle adoption l’acte légal par lequel quelqu’un fait entrer un étranger dans sa propre famille, en le recevant à titre de fils, de petit-fils ou autre semblable. C’est la définition que donne saint Thomas : Extranese personse in filium vel nepotem vel deinceps, légitima assumptio. IV Sent., l. IV, dist. XL11, q. il, a. 1 ; Sum. theol., III a, q. lvii. Deux choses paraissent donc essentielles pour qu’il y ait adoption. Il faut : 1° l’introduction dans une famille d’une personne étrangère, qui y prend une place analogue à celle que donne la génération naturelle, selon l’axiome : Adoplio imilatur naturam ; et il faut : 2° l’intervention authentique de l’autorité sociale pour rendre légitime cette introduction. L’agrégation de fait d’un étranger à une famille ne suffit pas à constituer la véritable adoption, au sens strict du mot.

Cette pratique qui constitue un étranger membre d’une famille qui n’est pas naturellement la sienne, semble procéder du droit naturel lui-même. Il appartient en effet à la puissance paternelle de créer un lien analogue à celui qui provient de la naissance, surtout lorsque la filiation naturelle n’a pu se réaliser. Aussi cette institution se retrouve sous diverses formes chez la plupart des peuples et dans tous les temps.

II. L’adoption et ses degrés dans le droit romain.

A Rome, où l’autorité du paterfam Mas était si considérable et si absolue, il en fut de même. La législation, lorsqu’elle fut codifiée, s’occupa de cet usage déjà introduit dans les mœurs, et en précisa les conséquences légales, soit au point de vue de la succession héréditaire, soit en ce qui concerne les prescriptions matrimoniales.

Tout d’abord, on détermina qu’il y aurait deux sortes d’adoption. L’une appelée adrogatio, et l’autre, nommée souvent imparfaite, qui conserva simplement le nom d’adoptio, et dont le caractère est d’ailleurs assez différent dans la législation qui précède et dans celle qui suit Justinien. — La première, Vadrogatio, était l’œuvre d’une personne sui juris qui se plaçait elle-même dans la famille de l’adoptant, et cela ne pouvait se faire qu’avec des formes solennelles, par un rescrit du prince, et même primitivement avec l’intervention des pontifes suivie d’une demande (rogalio) adressée au peuple romain, dans une assemblée des comices curiates. Elle avait pour effet d’assimiler l’adopté aux enfants naturels et légitimes de l’adoptant, et de faire de lui un des héritiers nécessaires de l’adoptant.

L’adoption simple était l’œuvre du paterfamilias naturel de l’adopté, qui introduisait celui-ci dans la famille de l’adoptant, mais sans abandonner pour cela, dans la législation qui a suivi Justinien, toute sa propre puissance paternelle. L’adopté devenait par là héritier ab intestat de l’adoptant, tout en conservant ses droits à la succession de son père naturel.

Chez les Romains d’ailleurs, l’une et l’autre adoption n’étaient pas nécessairement perpétuelles ; elles cessaient par l’émancipation de l’adopté, et par là tous les liens qu’elles avaient créés, disparaissaient.

III. L’adoption, empêchement de mariage dans le droit romain.

Au point de vue du mariage, l’adoption produisait une parenté civile qui interdisait l’union entre certaines personnes. L’adopté, l’adoptant et les parents de celui-ci étaient considérés comme unis par le lien de Vagnatiu, et le mariage entre eux n’était pas permis. Cette parenté civile avait aussi sa ligne directe et sa ligne transversale. Dans la première, l’empêchement était absolu et subsistait toujours, même après l’émancipation. Dans la ligne collatérale, l’empêchement existait comme dans la parenté naturelle, et il disparaissait par suite de l’émancipation.

IV. Cet empêchement entre dans le droit canon.

L’Église s’est servie beaucoup de la législation romaine, pour établir la sienne, en modifiant sans doute les prescriptions césariennes selon l’esprit de l’Évangile, notamment en diminuant ce que l’autorité paternelle avait de trop absolu et de trop despotique. Elle fit sienne cette disposition de la loi antique et inscrivit, parmi les empêchements dirimants du droit canonique, celui de la parenté légale (cognalio legalis) ou de l’adoption. Le Décret de Gratien, IIe partie, cause XXX, q. iii, et les Décrétâtes de Grégoire IX, livre IV, tit. xii, rapportent chacun un passage de la réponse donnée par le pape Nicolas I er aux Bulgares, au milieu du ixe siècle. Nicolas I er parle de l’empêchement de l’adoption admis par le droit romain, comme d’une loi à laquelle tous les chrétiens doivent se conformer. On peut lire le texte entier dans Mansi, Conciliorum collectif), Venise, 1770, t. v, col. 402.

V. Questions que son application soulève.

Mais immédiatement se posèrent des questions que la jurisprudence des Pandectes n’avait pas complètement résolues.

La prohibition matrimoniale résultait-elle aussi bien de l’adoption parfaite que de l’adoption imparfaite, de Vadrogatio que de la simplex adoptio ?

Cet empêchement devait-il être limité aux degrés prévus par la loi civile, ou bien s’étendre jusqu’au degré inscrit dans les canons, jusqu’au septième degré d’abord, jusqu’au quatrième, après le concile de Latran, d’après notre méthode de computation ?

Enfin, à notre siècle, une autre question se pose, plus difficile encore à résoudre pour le moment. Quelle est véritablement l’adoption considérée par les lois canoniques ? Pour en déterminer l’essence, faut-il se reporter aux textes romains, tombés aujourd’hui en désuétude, ou bien faut-il résoudre la qusstion d’après les textes de nos codes modernes et de nos législations récentes ?

L’empêchement résulte-t-il de l’adoption imparfaite aussi bien que de l’adoption parfaite ?

S’il fallait, pour répondre à la première de ces trois questions, s’appuyer uniquement sur le témoignage des auteurs qui l’ont étudiée, on serait fort embarrassé. Un grand nombre d’entre eux, et de ceux dont l’autorité est notable, ont soutenu une des alternatives, tandis que l’opinion contraire est enseignée par une pléiade non moins nombreuse de théologiens et de savants canonistes. Au nombre de ceux qui soutiennent la nécessité de Vadrogatio, se trouvent : Ledesma, Sanchez, Sylvius, Coninck, les Salmanticenses, Schmalzgrueber, etc., parmi les anciens, saint Alphonse, Gury, Ballerini, d’Annibale, Grandclaude, Lehmkuhl, Gaspari, parmi les modernes. Ceux qui affirment que l’adoption simple suffit pour constituer l’empêchement canonique n’ont pas moins d’autorité. On peut citer : Hostiensis, S. Antonin, Earbosa, Gonzalez, Reiffenstuel, Giraldi, Ferrari, parmi les anciens ; Martinet, Scavini, de Angelis, Santi, M « r Rosset, parmi les modernes. Voir Traclatus de malrimonio par Mo’Rosset, Saint-Jean-de-Maurienne, 1895, t. iii, a. 90, p. 464, 466.

La rareté des cas qui se sont présentés ne permet pas d’invoquer en faveur de l’une ou de l’autre opinion l’autorité de la jurisprudence, et les motifs rationnels sur lesquels on base la constitution de l’empêchement