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ADOPTIANISME AU VIIIe SIÈCLE


et une erreur philosophique. Constamment, dans ce débat subtil, les Espagnols ont prétendu rattacher la filiation à la nature, et non à la personnalité, et ce fut la cause de toutes leurs aberrations si bizarres.

En effet, dans ce rapport de filiation naturelle ou adoptive, il faut bien discerner le fondement ou la raison du rapport, et son sujet. La filiation est une propriété réelle de la personne, et non de la nature : Filiatio proprie convenil hypostasi vel personæ, non naturæ, unde et in prima parte dictum est quod filiatio est proprie tas personalis, S. Thomas, Sum. theoL, III a, q. xxiii, a. 4 ; et c’est pourquoi le nom de fils est un nom de personne, et pas un nom de nature. Une personne seule, et non pas une nature, peut soutenir et soutient toujours en fait ce rapport de filiation, peut être appelée fils et l’est en réalité. — La nature, la nature transmise de père à fils, est bien la raison, le fondement du rapport de filiation vraie, naturelle, mais elle n’est rien de plus ici ; et la collation volontaire des droits filiaux est la raison, le fondement de l’adoption, et rien de plus.

En observant soigneusement ces différences dans l’idée et dans le langage, quand il s’agit de NotreSeigneur, l’on évite, d’une part, toutes les propositions confuses dans lesquelles, sous une forme ou l’autre, se rencontre cette erreur : que le Christ, précisément parce qu’il est homme, à cause de son humanité même, est le propre Fils de Dieu. Et si les adoptiens, comme d’aucuns l’ont prétendu, n’avaient rien voulu qu’inculquer cette doctrine, loin de les condamner, l’Eglise ne leur eût ménagé ni les encouragements, ni les louanges. — D’autre part, si, comme l’enseigne la révélation, l’humanité du Christ n’a constitué aucune personnalité propre, si le moi personnel du Christ est tout entier dans le Verbe, il faut bien convenir qu’on ne peut donner le nom de fils à cette nature humaine, pas' même le nom de fils adoptif. Il faut convenir encore que, si l’on retient, dans le Christ, une seule personnalité, celle du Verbe de Dieu, il est nécessaire, pour être conséquent, de ne parler que d’un seul fils. Après l’incarnation, cette personne demeure dans sa chair ce qu’elle est de toute éternité, le Verbe et le Fils éternel de Dieu. Le Fils unique de Dieu et le premier-né de Marie sont donc, puisqu’ils n’ont qu’une seule et même personnalité, un seul et même Fils de Dieu, le Fils véritable et naturel. La Synodica de Francfort le déclare formellement. Après l’incarnation mansit persona Filii in Trinitate, cui personæ humana accessit natura, ut essct et una persona Deus et homo, non homo deificus et humanatus Deus, sed Deus homo et homo Deus ; PROPTER unitatem PERSONNE, unus Dei FM us et idem hominis filins, perfectus Deus, perfeclus homo. P. L., t. Ci, col. 1337.

La raison dernière et très profonde de cette doctrine est que le Verbe, à l’heure même où il prend et conserve la nature humaine dans l’unité de sa personne, où il commence et continue ensuite de subsister dans la nature humaine, commençant et continuant d'être cet homme qui s’appelle Jésus ; à cette heure même, dis-je, le Verbe est toujours présentement engendré par le Père qui lui communique, non certes la nature humaine, mais la nature divine. Cette éternelle et actuelle génération fait que le Verbe, qu’on le regarde comme subsistant dans sa divine nature, comme Dieu, ou qu’on le considère comme subsistant dans son humanité, comme cet homme qu’ont vu les apôtres et que nous appelons Jésus, le Verbe est et demeurera éternellement le propre Fils de Dieu, même selon d’autres natures qu’il pourrait lui plaire de revêtir et de s’approprier dans l’unité de sa personne.

C’est sur ce point précis qu’a porté le grand effort de la controverse spéculative. La Synodica, faisant sienne la doctrine de saint Augustin, n’hésite pas à proclamer

fils unique de Dieu celui qui est aussi fils de l’homme : Nempe ex quo homo esse cœpit, non aliud cœpit homo esse quam Dei Filius, et hoc unicus, et propter Verbum, quod Mo suscepto caro factum est, utique Deus : ut… sit Christus una persona Verbum et homo. Igitur si unicus, quomodo adoptivus, dum multi sunt adoplivi filii ?… Item unitas personæ, quæ est in Dei Filio et filio Virginis, adoptionis tollit injuriant. P. L., t. ci, col. 1340.

2° Aussi, d’une manière générale, les saintes Écritures déclarent-elles que le Verbe, non point seulement selon son éternelle et divine nature, mais aussi selon son humanité prise dans le temps, est le propre Fils de Dieu ; en un mot cet homme que les saintes Lettres désignent sous le nom de Jésus, est appelé en même temps le vrai Fils, le Fils naturel de Dieu. Le Christ lui-même, et comme tel, parle sans cesse de son Père céleste, avec lequel il ne fait qu’un, se dit et se répète le Fils du Père qui est aux cieux. Cf. la seconde lettre d’Adrien I"dans Hardouin, Acta concil., t. IV, col. 866. Saint Paul remarque que Dieu n’a pas épargné son propre Fils et l’a livré pour nous, Rom., viii, 31, 32, comme ailleurs il nous parle d’un même Fils de Dieu qui est venu dans la chair, nous apporter la révélation et qui est de toute éternité la splendeur de la gloire paternelle. Heb., i, 3. Saint Jean nous parle du Verbe fait chair, de l’homme Jésus-Christ, comme du Fils unique du Père, unigenitï a Pâtre. Joa., I, 14. Il est bien vrai que l'Écriture distingue ces termes, Fils de Dieu et Fils de l’homme, mais par fils de l’homme, elle entend simplement le Fils de Dieu fait homme, et elle est bien loin d’attribuer à l’humanité de Jésus-Christ une personnalité ou une filiation particulière. Dans ce sens traditionnel tous les symboles professent la croyance des catholiques à Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, Notre-Seigneur, qui est né de la Vierge Marie et a souffert sous PoncePilate. En ce sens toujours saint Hilaire avait dit dès longtemps que le Christ, dans sa chair, est le propre et vrai Fils, par origine et non par adoption, en vérité et pas nominalement : Multi nos filii Dei, sed non talis hic Filius. Hic et verus et proprius est Filius, origine non adoplione, veritale non nuncupatione, nativitate non creatione. De Trinit., l. III, n. 11, P. L., t. x, col. 82.

La Synodica le constate et le démontre : la théorie de l’adoption n’est celle ni de l'Écriture ni de la tradition : Tu vero, quisquis es, qui Christum prædicas adoptivum, unde tibi isle sensus venisset, voluissem scire ; ubi hoc nomen didicisses, ostende. Palriarchæ nescierunt, prophetæ non dixerunt, apostoli non prædicaverunt, sancti traclatores hoc nomen tacuerunt, doclores fidei nostræ non docuerunt. Forte in tertium cœlum raptus fuisti, et ibi audisti arcana verba, quæ hucusque sanctæ Dei Ecclesiæ ignota essent. P. L., t. ci, col. 1342. De même la seconde lettre du pape Adrien I er prouve à l'évidence et avec autorité que l’adoptianisme est une nouveauté et une perfidie doctrinale dans l'Église de Dieu : Maleria causalis perfidiæ inter oeelera rejicienda de adoptione Jesu Cliristi Filii Dei secundum carnem falsis argumentationibus digesta, perfidorum verborum ibi slramina incomposito calanw legebautur. Hoc catholica Ecclesia nunquam crcdidit, nunquam docuit, nunquam maie credentibus assensum præbuit. Hardouin, Acla concil.. t. iv, col. 866.

Aussi, dans sa première lettre, mettant en garde les Espagnols contre le serpentinumvenenum des adoptiens, le pape ajoutait cette déclaration positive : Sanctorum. principum apostolorum Pétri ac Pauli divinam tenenles confessionem alque eorum sanctæ calliolicæ et aposlolicæ Romanæ Ecclesiæ sequentes tradicionem pariterque precipuorum ac catholicorum probabilium paIrum docmata amplectenles, firmi et stabiles alque immobiles et inconcussi una nobiscum in eorum lucu-