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ADOPTIANISME AU VIIIe SIÈCLE


un grand nombre d’évêques de la Germanie et de l’Italie. et Félix d’Urgel dut lui-même y comparaître. Les actes du synode sont perdus, mais la plupart des documents sur l’adoptianisme attestent que Félix put s’y expliquer, qu’il fut convaincu d’erreur et qu’il abjura solennellement et par écrit ses prétentions hérétiques.

A la suite de cette sentence, Félix fut envoyé par Charlemagne au pape Adrien I er, tant pour voir confirmer les décrets du concile que pour être relevé des censures et peines que lui avait attirées sa conduite antérieure. Le pape Léon III, dans son synode romain de 799, laisse penser que l’évêque hérétique fut sans doute retenu prisonnier à Rome jusqu’à nouvelle rétractation et absolution officielle. Il dit, en effet, que Félix « a émis en prison, in vinculis, une profession de foi orthodoxe, dans laquelle il anathématise la doctrine du fils adoptif et professe que Notre-Seigneur Jésus-Christ est le propre et vrai Fils de Dieu, proprium et vcrum Filium Dci… ; et il a promis par serment de ciuue ei d’enseigner désormais de cette manière ». Hardouin, Acta conciliorum, t. iv, col. 928. Il n’y a point ici trace d’un concile tenu à Rome par Adrien, dont parle Denzinger, Enchiridion, n. 253. Ayant ainsi donné satisfaction aux Pères de Ratisbonne et au pape, F élix revint à son siège d’Urgel. Mais là, sollicité sans doute par Élipand, il ne tarda point à retomber dans son erreur. Aussi ne se trouvant plus en sûreté dans le royaume des Francs, il s’enfuit chez les Sarrasins, et probablement à Tolède, chez l’archevêque.

3° C’est vers cette époque qu’Alcuin, revenu au pays franc, commença, sur le désir de Charlemagne, sa campagne épistolaire et critique contre l’adoptianisme. Sa première lettre, inspirée par la plus noble charité, très élevée de fond et de forme, est adressée à Félix pour l’exhorter à éviter le schisme et à se réconcilier avec l’Église catholique. P. L., t. ci, col. 119 ; Monum. Germ. hwt. : Epistolse I arolini sévi, t. H, p. 60.

Cette lettre est de 793 ; et c’est, semble-t-il, avant son arrivée à destination, que les évêques espagnols, excités par Elipand et certainement réunis en synode, écrivirent, de leur côté, deux lettres à retenir. L’une, plus courte, est adressée à Charlemagne pour le prémunir contre Beatus, demander la faveur royale pour les adoptiens et son intervention pour replacer Félix sur son siège d’Urgel. P. L., t. xcvi, col. 867. L’autre, plus longue, est envoyée aux évêques des Gaules, d’Aquitaine et d’Austrasie. Aussi calomnieuse et violente que la première à l’endroit de Beatus et d’Éthérius, elle contient, touchant l’adoptianisme, tout un système de preuves, habilement exposées et tirées de la Bible et des saints Pères. On demande aux évêques francs de communiquer cette défense au glorieux prince Charles, de ne pas porter un jugement précipité et, s’ils savent des choses plus justes, de les faire connaître dans une réponse écrite. P. L., t. ci, col. 1321.

4° Au reçu de ces pièces, Charlemagne s’empressa de les communiquer au pape pour en obtenir conseil. Presque en même temps, au commencement de l’été de cette année 794, il convoqua le célèbre concile de Francfort, dont parlent presque tous les chroniqueurs et qu’ils appellent souvent un concile général, stjnodus universalis. En fait, le concile fut certainement tenu d’autorité apostolique. Car, si Éginhard nous rapporte que « le roi réunit, au sujet de l’hérésie de Félix, un concile des évêques de toutes les provinces de son empire », il dit aussi « qu’à ce synode assistèrent les légats de la sainte Église romaine, c’est-à-dire les évêques Théophylacte et Etienne, comme représentants du pape Adrien ». Pertz, Monum. Germ., t. I, col. 181. Félix avait été certainement convoqué avec les autres évêques de l’Espagne franque, mais il ne comparut pas.

Après avoir fait lire la lettre d’Élipand, le roi demanda l’avis des évêques qui se réunirent en deux groupes

pour le donner. Les uns, les Italiens, à qui ne s’adressait pas la lettre des Espagnols, consignèrent leur réponse dans un traité, rédigé par saint Paulin, patriarche d’Aquilée, et intitulé Libellus sacrosyllabus : c’est un exposé digne et vigoureux des preuves fournies par la Bible contre les théories adopliennes. P. L., t. xcix, col. 152. Les autres, les évêques de Germanie, îles Gaules et d’Aquitaine, donnèrent leur avis sous forme d’une lettre synodale, Epislola synodica, aux évêques et aux catholiques d’Espagne. P. L., t. ci, col. 1331. Ils y font une critique sévère et sagace des autorités, invoquées par les novateurs avec une loyauté souvent douteuse, et présentent à leur tour les preuves patristiques contraires à l’hérésie félicienne. Ils terminent par une simple exhortation, sans menace d’anathème. Le concile ayant approuvé ces documents et leur communication aux intéressés, prononça de plus une condamnation spéciale du chef d’hérésie, dans une brève proposition placée en tête de ces canons. Hardouin, Acta conc, t. iv, col. 904.

Charlemagne était encore à Francfort, quand il reçut du pape Adrien I er les explications demandées. Aucune raison suffisante ne permet d’aflirmer que cette lettre pontificale soit la confirmation officielle du concile de Francfort, ni qu’elle soit le résultat d’un concile tenu à Rome en cette même année 794, comme l’insinue Denzinger, Enchiridion, n. 257. Quoi qu’il en soit, que la réponse du pape soit en relation directe ou non avec l’assemblée de Francfort, elle n’en est pas moins un document authentique et doctrinal de premier ordre, adressé aux évêques de Galice et d’Espagne, c’est-à-dire aux sujets du roi Alphonse comme aux prélats sous la domination des Arabes. Hardouin, Acta conc ; t. IV, col. 865. Le chef suprême de l’Église y répond à Élipand et en réfute les erreurs par de nombreuses autorités de l’Écriture et des Pères, tant grecs que latins. Il conclut en exhortant les évêques en cause à se réunir à la croyance de l’Église ; sinon, il les en déclare séparés et anathématisés par l’autorité de saint Pierre. Le roi envoya en Espagne la lettre pontificale, la Synodica et le Sacrosyllabus de Francfort. Il y joignit lui-même une lettre à Élipand et aux autres évêques, où, après leur avoir rendu compte des derniers événements et proposé une fort belle profession de foi, il les exhorte à ne pas mettre leurs observations particulières au-dessus de la doctrine universelle. P. L., t. xcvni, col. 899.

5° Deux ans plus tard, en 796, saint Paulin tenait un synode à Forumjulii ou Frioul, qui était alors le siège des patriarches d’Aquilée. Là encore, l’erreur adoptienne fut rejetée, dans une magistrale profession de foi. P. L. } t. xcix, col. 283.

Entre temps, Alcuin avait, dès le concile de Francfort terminé, envoyé aux abbés et aux moines du Languedoc un mémoire contre l’hérésie de Félix. Adversus Felicis hæresin libellus, P. L., t. Ci, col. 85. Piqué de cette nouvelle attaque, Félix entreprit de répondre à la lettre qu’Alcuin lui avait écrite depuis de longs mois ; il le fit en s’adressant directement à Charlemagne, et en des termes qui scandalisèrent toute l’Église. Nous n’avons cette riposte tardive que dans les fragments rapportés par Alcuin ou Élipand, mais elle prouvait trop clairement la rechute de son auteur. Aussi le roi fit-il passer ce document au pape Léon III, successeur d’Adrien I", aux évêques Paulin d’Aquilée, Richobod de Trêves et Théodulf d’Orléans, avec prière de lui communiquer leur sentiment à ce sujet.

Alors Alcuin écrit ses sept livres célèbres contre Félix, Contra Felicem Urgellitanum episcopum libri VII, P. L., t. ci, col. 119 ; saint Paulin compose lui aussi trois livres contre Félix, Contra Felicem Urgellitanum episcopum libri 111, P. L., t. xcix, col. 343, et Léon III réunit à Rome le synode de 799, dont nous connaissons quelque peu trois "sessions. Dans la première, le pape