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ADJURATION — ADONAI

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puissance, comme un moyen indirect de persuasion, dont l’effet reste d’ailleurs « conditionné », étant toujours subordonné aux dispositions subjectives de celui à qui l’on s’adresse.

L’adjuration peut être déprécative ou impérative. Celui qui adjure, en effet, tantôt « supplie » et tantôt « commande », suivant l’attitude que lui impose la condition, supérieure ou inférieure, de la personne adjurée.

L’homme ne peut donc employer la forme d’adjuration impérative à l’égard de Dieu (ou des bons anges), non plus que la forme déprécative à l’égard des démons, qu’il ne doit jamais « prier », n’ayant rien de bon à en attendre, auxquels même Dieu lui a donné pouvoir de commander. Marc, xvi, 17 ; Luc, x, 19. Cf. Perrone, loc. cit. infra, n. 339.

Des termes de sa définition, il résulte que l’adjuration ne peut s’adresser qu aux êtres raisonnables, seuls susceptibles de subir l’influence morale de l’invocation qu’elle exprime. S. Thomas, Sum. theol., II a II S, q. xc, a. 3. Adjurer des créatures dépourvues d’intelligence serait un non-sens, sauf le cas, cependant, où l’adjuration viserait indirectement les puissances d’ordre supérieur d’où peut dépendre leur action utile ou nuisible pour nous.

Rigoureusement parlant, Dieu ne peut être adjuré, puisqu’il est impossible de faire appel à aucune perfection d’être ou de puissance supérieure à la sienne. Une sorte d’analogie, très légitime, permet cependant de l’adjurer « par lui-même », par son essence et ses attributs, par son Fils, etc., d’où les formules d’adjuration déprécative qui terminent nos oraisons liturgiques : Per Dominum nostrum Jesum Christum…, et, dans les litanies, les invocations bien connues à Jésus-Christ : Per nativitatem tuant… Per crucem et passionem tuam, etc., libéra nos, Domine.

L’adjuration est privée ou solennelle, suivant qu’elle est faite, à titre individuel par un particulier, ou devant l’Église par un ministre spécialement investi du pouvoir de la formuler en son nom. Le cas le plus intéressant d’adjuration en forme solennelle est celui qui se rapporte à l’adjuration des démons dans les exorcismes.

Tout comme le serment, l’adjuration, pour être exempte de péché (grave ou léger, suivant les cas), doit réunir les trois conditions théologiques bien connues : veritas, justitia, jtulicium ; vérité, bonté morale, discrétion. D’où les moralistes concluent qu’il y a péché : 1° dans l’adjuration qui ne fait pas appel au vrai Dieu, ou qui est formulée à l’appui d’un mensonge, d’une fausseté ; 2° dans l’adjuration qui a pour but d’amener l’adjuré à une œuvre (action ou omission) moralement défendue ; 3° dans l’adjuration employée à la légère, sans cause ni raison véritablement sérieuse. Nous ne disons rien ici de tout ce qui concerne spécialement l’adjuration des démons ; on trouvera cette matière développée au mot Exorcisme.

S. Thomas, Sum. theol., II" II", q. xc ; Grégoire de Valentia, Commentai-, in //"" II", disp. VI, q. iivi Lyon, 1609, t. iii, col. 1407 ; Suarez, De virtute religionis, tract. IV, 1. IV, Mayence, 1609, t. ii p. 458 ; S. Alphonse de Liguori, Theol. moral., I. III, n. 193, Append., Turin, 1847, t. i, p. 345 ; Berardi, Examen confessarii et paroclti, Fænza, 1895, t. ii, p. 261 ; Ballerini, Opus theol. moral., tr. VI, sect. H, c. ii dub. iiv Prato, 1890, t. ii p. 442 ; Lehmkuhl, Theol. moral., n. 425, 8e édit., Fribourg, 1896, t. I, p. 262 ; iErtnys, Th"ol. moral., 1. III, n. 80, 4- édit., Tournai, 1896, t. I, p. 192 ; Haine, Theol. moi : etetn. ex S. Thom., De præcept. Decal., q. lxii, 3e édit., Louvain, 1894, t. i, p. 385. Pour les exemples d’adjuration contenus dans la Bible, voir au mol Adjurole Coticordantium thésaurus de Peultier, Paris, 1897, p. 93.

F. Deshayes. ADON (Saint). Adon naquit vers le commencement du IXe siècle dans le Gatinais, au diocèse de Sens. Offert tout jeune par ses parents à l’abbaye de Ferrières, il y lit profession de la vie monastique. Plus tard, l’abbé

Mercuare, de Priim, le demanda à Loup de Ferrières. De Priim, où il eut à subir quelques persécutions, Adon se rendit en Italie et resta cinq ans à Rome. A son retour en France après un séjour à Lyon, où l’archevêque saint Remy lui avait confié l’église de Saint-Romain, il devint archevêque de Vienne en Dauphiné, vers le mois de septembre 860. Il tint plusieurs conciles à Vienne pour le rétablissement de la discipline du clergé et le règlement de l’office divin. Mais des actes de ces divers conciles il ne nous reste qu’un fragment de celui tenu en 870. Il parut également avec éclat dans plusieurs autres, et se signala surtout dans l’affaire du divorce du roi débauché Lothaire avec Theutberge. Il s’éleva avec force contre ce divorce et fut en correspondance à ce sujet avec les papes Nicolas I or et Adrien II, qui tous deux, ainsi que les empereurs Charles le Chauve et Louis le Germanique, le tenaient en particulière estime. Il mourut le 16 décembre 875, et non 874, comme le marquent certains auteurs. Dans l’Église de Vienne, sa fête se célèbre au jour de sa mort.

Écrits. — Adon écrivit une chronique universelle en latin, depuis Adam : Chronicon sive Breviarium chrouicorum de sex mundi œtalibus ab Adamo usque ad a. 869, où il ne fait guère que compléter et modilirr l’ouvrage du vénérable Bède. Il s’y est appliqué à montrer comment les personnages de l’Ancien Testament ont été les types du Christ. Il retoucha la Passion de saint Desiderius, évoque de Vienne, mis à mort comme adversaire de Brunehaut, et composa la vie de saint Theudérius, qui avait fondé, au vie siècle, un monastère près de Vienne. Mais ce qui nous intéresse surtout, c’est son Martyrologe, qu’il termina vers 858, alors qu’il desservait encore l’église de Saint-Romain. Il est certain qu’il eut connaissance de l’œuvre analogue du vénérable Bède, développée par le diacre Florus, puisque Usuard, qui, quelques années après, devait abréger le martyrologe d’Adon, le connaissait comme « commentaire de Florus ». Mais Adon ignora le travail de Raban Maur. Son a’uvre fut entreprise pour développer celle de Florus. Elle fut modelée sur le Petit Martyrologe romain qu’il avait transcrit à Ravenne vers 850 et qu’il mit en tête de son ouvrage. Cf. cependant sur cette opinion de Rossi, Roma sot., t. ii, p. xxvii-xxxi ; de Smedt, Introduit, gén., p. 434-137 ; Bœumer, Geschichte des Breviar., p. 469, n. 6. Elle est plutôt une collection de courtes vies de saints qu’un martyrologe proprement dit. A vrai dire, elle se rapprocherait plus du Ménologe des Grecs. Voir dom Quentin, Les martyrologes historiques, Paris, 1908, p. 466-681. Les ouvrages d’Adon ont été insérés P. L., t. cxxiii, col. 9-449.

Mabillon, Elogium historicurn, dans Acta sanctorum ordinis S. Benedicti, Paiis, 1680, t. iv, p. 262-275 ; Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés, Paris, 1862, t. XII, p. 619-622 ; Ziegelbauer, Histor. rei literarise O. S. Benedicti, Augsbourg, 1754, t. iii, p. 86-88 ; Ebert, Histoire générale de la littérature du moyen âge, trad. Aymeric, Paris, 1884, t. ii, p. 420-423 ; Diction, d’archéologie chrétienne, t. i, col. 535-539.

R. BlRON.

ADONAI (hébreu :’aiiN Adônây ; Septante : Kûptoc ; Vulgate : Dominus et deux fois Adonaï), nom divin hébreu, forme dérivée du substantif hébreu âdôn, fn », maître, seigneur, par l’addition de la terminaison ây. Selon R. Kimchi et un bon nombre d’anciens grammairiens et lexicographes qui l’ont suivi, cette désinence serait simplement une forme primitive du pluriel de majesté ; selon les modernes elle est plus complexe : c’est la terminaison du pluriel masculin jointe au pronom suffixe possessif de la première personne singulier, avec changement de l’a bref en à long, pour distinguer ce nom appliqué à Dieu du même nom appliqué aux hommes, puisque même dans ce dernier cas on emploie souvent aussi le pluriel de majesté : mon Seigneur