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AD INTRA, AD EXTRA — ADJURATION


celle qui, du sujet agissant où elle commence, se prolonge vers un terme extérieur à ce sujet, réellement distinct de lui, où elle s’achève. Telle la chaleur rayonne, passe du foyer en mes membres engourdis et s’y trouve bientôt recueillie. De fait, ce qu’il y a dans l’agent, ce qui constitue son acte même, se retrouve dans le terme récepteur et constitue l’effet produit. Les anciens l’avaient constaté dans cette formule : quod est actio in agenle, id est passio in recipienle : ce qui est action, activité dans l’agent, cela même est passion, passivité dans l’être récepteur. Et pour cela, ces opérations externes étaient dites formellement passantes, formaliter Iranseuntes. On les appelait proprement actions, à la ditléxence des opérations intrinsèques auxquelles on réservait spécialement le nom d’opérations. S. Thomas, De verilate, q. iivi a. 6.

II. Dieu.

La théologie a aussi appliqué à Dieu la distinction philosophique des opérations ad intra et ad extra, mais avec les réserves que comporte nécessairement le mode d’action propre à l’être infini. — 1° A ne considérer dans l’opération interne que l’exercice intérieur d’une activité, commençant et finissant dans l’intimité même de l’agent, toutes les opérations divines sont exactement des opérations internes ou ad intra. Les activités que notre science humaine distingue en Dieu, sont dans la réalité un seul acte infiniment pur, l’essence divine elle-même ; et toutes les opérations de Dieu, n’étant rien autre que son être, sont toutes également internes ou ad intra. — 2° Mais si elle en vient à observer les opérations divines, non plus en ellesmêmes comme actes, mais dans leurs effets ou résultats, l’analyse théologique constate que les unes ne produisent aucun terme en dehors de Dieu, aucun effet distinct de lui ; tandis que d’autres ont évidemment la vertu de poser, en dehors de l’être divin, un terme quelconque, substance ou accident. Seules, les premières opérations gardent le nom propre d’opérations internes, intrinsèques ou ad intra, et elles sont de deux catégories : les unes sont communes aux trois personnes de la sainte Trinité : ce sont tous les actes d’intelligence ou de science divine, ce sont encore les actes de volonté ou d’amour divin qui n’ont pas de terme en dehors de Dieu ; les autres sont propres à certaines personnes : ce sont les opérations dites notionnelles, comme la génération du Verbe qui est propre au Père, comme la spiration qui est l’acte commun du Père et du Fils duquel procède le Saint-Esprit. Voir Science divine. Volonté divine, Génération, Spiration. — 3° Les operations divines qui ont la vertu de produire un terme quelconque, substantiel ou accidentel, infiniment distinct de Dieu, portent le nom d’opérations extérieures ; externes, extrinsèques ou ad extra. A la différence de ce qui se passe dans l’agent fini, les actions divines ne sortent pas de Dieu, elles ne s’écoulent pas hors de la divine nature qui les émet. Elles ne sont donc jamais réellement, formellement passantes, formaliter Iranseuntes. Identiques à l’essence divine, elles demeurent et s’absorbent tout entières, comme actes, dans cette essence infiniment simple. S’il pouvait en être autrement, le panthéisme serait le dernier mot de la théologie de l’action en Dieu. Nous savons cependant, et la foi aussi nous enseigne, que la puissance infinie, sans sortir d’elle-même, peut, à son gré, appeler à l’existence des substances ou des accidents sans nombre, soit dans l’ordre de la nature, soit dans les ordres prélernaturel et surnaturel. Ces substances ou accidents sont absolument distincts de Dieu, et, en ce sens, ils sont posés en dehors de Dieu et de son essence, extra Détint, comme les actes d’où ils procèdent sont vraiment, dans leur terme, des opérations extérieures à Dieu, ad extra, extra Deuni. Ce sont donc des actions qui, pour ne pas sortir de Dieu, n’en produisent pas moins des résultats analogues aux opérations qui s’écoulent de l’agent lini

dans un terme produit ; elles ont une vertu analogue de production, et on peut les appeler équivalemment ou virtuellement passantes, œquivalenler, virtualiter transeuntes.

Mais si les êtres finis ne sont pas, ne contiennent pas identiquement continuée jusqu’à eux et en eux, l’action divine qui les a faits, ils n’en sont pas moins essentiellement et totalement sous la dépendance constante de cette même action divine qui les produit, les conserve et les dirige à leur fin. Sous ces rapports multiples, les êtres finis ne sont certes pas en dehors de Dieu, ni en dehors de sa providence tulélaire ou de sa présence inévitable.

Suivant la nature même de leur terme, les opérations extérieures de Dieu peuvent facilement se classer. Nous avons ainsi les opérations proprement productrices ; s’il s’agit de toute une substance, c’est la création ; s’il s’agit seulement de la forme substantielle, c’est l’information, comme l’union de l’âme et du corps, comme l’œuvre des six jours où Dieu donnait des formes diverses à une matière précédemment créée ; s’il s’agit d’un accident quelconque, c’est l’altération avec tous sesdegrés. Voir Création, Forme. Quand les êtres sont une fois produits, l’activité divine ne les abandonne pas totalement à eux-mêmes. Elle les conserve, les gouverne, les soutient intimement dans l’action ; c’est la conservation, la providence et le gouvernement de Dieu, le concours divin. Voir ces mots. Enfin, dans l’ordre surnaturel, en dehors des altérations qui produisent, conservent ou augmentent la grâce, il faut mentionner spécialement l’incarnation qui a uni la nature humaine du Christ à la personne du Verbe, et la transsubstantiation qui change le pain et le vin au corps et au sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voir Incarnation, Transsubstantiation, Grâce. H. Quilliet.

ADJURATION. Dans un sens vulgaire et trèslarge, ce mot s’entend de tout appel que l’on fait à une autorité morale supérieure (Dieu, les saints, la patrie, etc.), pour émouvoir, par sentiment de crainte ou de révérence, celui à qui l’on parle, et l’amener plusefficacement à la détermination qu’on en souhaite. Adjurer, c’est donc, en d’autres termes, ajouter au poids de sa propre parole l’influence morale, plus puissante, d’une invocation à laquelle on a recours comme à une suprême ressource, et que l’on suppose apte à produire l’impression désirée sur l’intelligence et la volonté hésitantes de l’auditeur.

Ainsi définie dans son acception la plus étendue, l’adjuration n’est pas toujours un acte proprement dit de la vertu de « religion », puisqu’elle peut faire intervenir des considérations dont Dieu n’est formellement l’objet en aucune manière : l’amour paternel, le patriotisme, l’honneur, etc.

Aussi les moralistes, dans leurs commentaires sur le second précepte du décalogue, ne considèrent-ils l’adjuration comme «. acte de religion », que dans le sens, plus restreint, d’une invocation où Dieu se trouve, soit directement, soit indirectement, mis en cause : directement, quand il est personnellement invoqué ; indirectement, si l’adjuration fait appel aux créatures (personnes ou choses saintes) en tant précisément qu’elles ont une relation spéciale avec Dieu, et servent ainsi à faire remonter, en réalité, l’autorité de l’adjuration jusqu’à lui.

Il y a entre « l’adjuration » et le « serment » une étroite affinité, qui ne les empêche point, cependant, d’être choses assez différentes, Le serment est un acte de culte plus caractérisé et, si l’on peut dire, plus intense, en ce qu’il met plus immédiatement Dieu en cause, et d’une façon plus absolue, comme témoin de la vérité, alors que l’adjuration ne fait que proposer, par mode de suggestion morale, l’évocation de son infinie dignité ou