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ADIAPHORITES — AD INTRA, AD EXTRA

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sait que les stoïciens étendirent fort loin le champ des àSidiçopa et déclarèrent indifférents des actes qui, disaient-ils, laissaient l’âme intacte en ne souillant que le corps. Ce terme d’àoiôçopa fut repris au xvie siècle puis au xviie et au xviii e, par les protestants, dans deux circonstances bien différentes, et servit par deux fois à désigner un parti ou une école.

I. Au xvie siècle. — En 1518, Charles-Quint, à la suite de dissentiments avec le pape Paul III au sujet du concile, s’était déterminé à publier l’Intérim d’Augsbourg, par lequel il prétendait établir une organisation ecclésiastique provisoire. Les protestants, auquels l’Intérim faisait d’assez larges concessions, devaient s’en tenir à ce que réglait l’Intérim jusqu’à ce que le concile eût rendu ses décisions. Ce compromis fut accepté sans trop de difficultés en Westphalie, dans les pays rhénans, et dans quelques régions de l’Allemagne du sud ; mais partout ailleurs il déchaîna de nouvelles discordes, principalement dans l’Allemagne du nord. Parmi les dissidents, il se forma pourtant un parti modéré qui eut à sa tête Mélanchthon. A la prière de Maurice de Saxe, Mélanchthon et quelques théologiens saxons rédigèrent un nouvel intérim dit Intérim de Leipzig qui fut adopté par Maurice et les États de l’Électorat. On y admettait comme choses indifférentes ou àèiiyopa. certaines coutumes que l’on pouvait observer sans transgresser les lois de l’Écriture sainte, jeûnes, fêtes, chants en latin, usage du surplis, des cierges, etc. ; on acceptait même la confirmation et l’extrême-onction ; quant à l’autorité de l’Église, on s’en tirait par une distinction pleine de réticences, puisqu’on déclarait reconnaître l’autorité des évêques et du pape, à condition que cette autorité fût employée à construire, non à détruire l’édifice de l’Eglise. A Leipzig même, Antoine Lauterbach dit à Mélanchthon au sujet de l’Intérim : Est collusio cum Satana. Et Mélanchthon répondit : « Il est vrai, mais que pouvons-nous y faire ? » Aussitôt commença contre les adiaphorites une campagne acharnée qui fut menée avec une rare vigueur par Flacius Illyricus. De Magdebourg où Flacius s’exila, partirent d’innombrables pamphlets. Sous de grossières injures, se trouvait cette thèse sérieuse qu’en matière de foi il ne saurait y avoir de chose indifférente, que les àficâcpopa supposent toujours la liberté, et que la chose la moins importante cesse d’être indifférente quand elle est imposée. La majorité des protestants suivit Flacius ; la controverse continua entre les luthériens rigides et les disciples de Mélanchthon jusqu’à la Formule de concorde de 1580. Le formulaire reconnut des àSiâcpopa mais en petit nombre et d’une certaine nature seulement : autrement dit, certaines cérémonies, certains usages ecclésiastiques, furent laissés à la discrétion, non des particuliers, mais des Églises. Cette solution qui ne donnait pleine satisfaction à personne fut généralement acceptée parce que les préoccupations étaient à d’autres discussions.

IL Au xviie et au xviiie siècle. — Environ cent ans plus tard, on vit renaître la controverse adiaphorite, mais cette fois dans la plénitude de sa portée et de son sens moral. L’initiateur du mouvement piétiste, Spener (1635-1705), que choquaient la légèreté des mœurs de son temps et la vie peu chrétienne de beaucoup de croyants, soutint que nombre de divertissements tels que la danse, le jeu, les spectacles, ne sont pas compatibles avec le sérieux, la dignité de la vie chrétienne et doivent être condamnés. Les orthodoxes répondirent aux piétistes que c’étaient là des choses indifférentes et que, par conséquent, on n’avait pas le droit de les condamner. La controverse continua et dure encore, mais elle s’est, somme toute, passablement restreinte. Les auteurs, en effet, sont à peu près d’accord sur ce point qu’il n’y a pas dans la vie chrétienne d’acte à proprement parler indifférent. Tout acte a un caractère moral puisqu’il a, ou peut avoir quelque rapport « avec la volonté de Dieu

et la vocation du croyant ». Cela admis, est-il des actions simplement permises, c’est-à-dire dont on peut s’abstenir ou que l’on peut faire, pourvu qu’on agisse sous le regard de Dieu ? Oui, disent Chalibœus, Rothe. Pal mer, Martensen, Wutke ; sans cela l’homme tomberait dans le scrupule et perdrait toute spontanéité. Non, disent Ficlite, Schleiermacher et plusieurs théologiens ; toute action de l’homme est voulue ou non par Dieu ; donc c’est un devoir pour l’homme de la faire ou de ne pas la faire ; il n’y a pas de choses simplement permises. Réduite à ces termes, si la discussion garde son intérêt spéculatif, elle perd beaucoup de sa valeur pratique. En effet, les partisans de la seconde opinion ne prohibent pas les actions que les autres qualifient de simplement permises ; ils disent qu’il faut les rattacher à un devoir. les faire par devoir ; et les partisans de la première opinion, tout en déclarant qu’il y a des actes simplement permis, ajoutent qu’il faut les faire sous le regard de Dieu ; une telle distinction n’entraînera pas de grandes divergences dans la conduite journalière des chrétiens de l’une ou de l’autre école. A. Baudrillart.

ADIMANTUS.’ASefjjiavToç, l’un des douze disciples de Manès (me siècle), et non le moindre. Chargé par son maître d’une mission apostolique, c’est en Afrique qu’il paraît l’avoir remplie, car son souvenir y était encore vivant et son autorité invoquée, au commencement du Ve siècle. Faustus, son coreligionnaire, écrivait alors de lui : A doctissimo et solo nobis post patrem noslrum Manichseum studendo Adimanlio. S. Augustin, Contra Faust., 1, 2, P. L., t. xlii, col. 207. Pour faire échec à l’Ancien Testament il avait relevé dans le Pentateuque, les Proverbes, les Prophètes, les Psaumes, certains passages, qu’il prétendait contredits par le Nouveau Testament, et il en avait composé un ouvrage, actuellement perdu, qui n’était pas sans danger pour des chrétiens peu éclairés. Saint Augustin crut devoir le réfuter dans un traité spécial. P. L., t. xlii, col. 130-172. Il fut empêché de le compléter et se promettait bien de ne rien laisser sans réponse. Ibid. Contra advers. Legis, col. 666. La mort ne le lui permit pas. Mais Photius, Contra Manich., 1, 14, P. G., t. en, col. 41, et Petrus Siculus, P. G., t. civ, col. 1266, sans entrer dans le détail, accusent sa doctrine d’absurdité, d’impiété, de blasphème, et remarquent que la plupart des partisans d’Adimantus et de ses compagnons durent désavouer leurs excès pour ne retenir que les points principaux.

S. Augustin, P. L., t. xlii : Contra Faustum ; Contra adversarium Legis ; Contra Adimantum ; Photius, P. G., t. cil, Contra Manich. ; Petrus Siculus, P. G., t. civ.

G. Bareille.

AD INTRA, AD EXTRA. — I. Agents finis. IL Dieu.

Les locutions ad intra, ad extra, ont été adoptées par la théologie moderne pour distinguer les opérations divines. Elles correspondent à l’actio immanens et à l’actio transiens des anciens, entendues avec les correctifs qu’appelle nécessairement la condition toute spéciale de l’acte divin.

I. Agents finis.

Dans l’ordre des agents finis, l’on doit déjà distinguer l’opération interne ou ad intra, et l’opération externe ou ad extra. — 1° La première se rencontre toutes les fois que l’activité finie ne se répand hors du sujet agissant, ni par son acte même, ni par un effet direct quelconque. L’action ou l’opération évolue alors et s’exerce tout entière dans le sujet agissant ; elle demeure en lui, ad intra, immanens, sans se continuer ou se prolonger aucunement hors de lui. Elle est propre aux seuls êtres vivants, et saint Thomas, De potentia, q. x, a. 1, distingue l’opération ad intra corporelle, comme la sensation, et l’opération ad intra spirituelle, à laquelle se ramènent les actes d’intelligence ou de volonté. — 2° L’opération ad extra ou externe est