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ADAM

porté à Jérusalem et enterré au lieu du Calvaire le corps ou la tête du premier homme. Tout ce récit se retrouve dans l’apocryphe intitulé le Livre d’Adam des chrétiens de l’Orient, ou la Contradiction d’Adam et d’Eve, composé, vraisemblablement en Egypte, au Ve ou vie siècle de notre ère. Voir A. Dillmann, Das christliche Adambuch des Morgent andes, Gœttingue, 1853.

Abstraction faite des divergences de détail, il y a donc en Orient une tradition ancienne et constante en faveur de la sépulture du premier homme au Calvaire ; elle explique la présence au Saint-Sépulcre de la chapelle dite d’Adam. Quaresmius, Terrée Sanctse elucidalio, t. ii, l. V, c. iv ; Ms r Mislin, Les Saints Lieux, t. il, c. XXIV.

En Occident.

En Occident, les témoignages anciens sont beaucoup plus rares, surtout les témoignages authentiques ; car les droits de la critique exigent qu’on élimine plusieurs des l’ères souvent cités. Ainsi le Sermo de resurrectione Christi n’est pas de saint Cyprien, mais d’un auteur beaucoup plus récent ; le Sermo, lxxi, de temyore, attribué à saint Augustin, n’est pas de ce Père, principalement dans le passage relatif au tombeau d’Adam. P. L., t. xxxix, col. 1751. Le Carmen adversus Marcionem n’est pas de Tertuliien ; il est cependant fort ancien, composé sûrement avant la fin du IVe siècle. C’est un premier document où la tradition en faveur de la sépulture du premier homme au Calvaire est nettement exprimée, P. L., t. il, col. 1067 :

Golgotka locus est, capitis calvaria quondam : Lingua palerna prior sic illum nomine dixit ; Hic médium terne, est, hic est Victoria signum : Os magnum hic veteres nostri docuere repertum. Hic hominem primum suscepimus esse sepultum, Hic patitur Christus, pio sanguine terra madescit, Pulvis Adx ut possit veteris cum sanguine Christi Commixtus, stitlanlis aqux virtute lavari.

Vient ensuite saint Ambroise, qui mentionne la tradition, ut Hebrsei disputant, et s’en sert lui-même. Exposit. Evang. sec. Lucam, l. X, n. 114, et Epist., lxxi, n. 10, P. L., t. xv, col. 1832 ; t. xvi, col. 1253. On l’a vii, saint Jérôme n’était pas favorable à cette opinion ; surtout il n’aimait pas qu’on vît, au moment où Jésus-Christ aurait été crucifié au-dessus du tombeau d’Adam, l’accomplissement de ces paroles prophétiques, rapportées par l’apôtre, Eph., v, 14 : Surge qui dormis, et exsurge a mortuis, In Epist. ad Eph., v, 14, P. L., t. xxvi, col. 526 et surtout In Evangel. S. Mattlt., xxvii. 33 : Favorabilis interpretalio et mideens aurem populi, nec tamen vera, ibid., col. 209. Il faut cependant remarquer qu’il a reconnu l’existence de la tradition, De situ et nomin., loc. cit., et que dans une lettre à Marcella, qu’il n’a certainement pas ignorée, si même il ne l’a inspirée, Paula et Eustoehium, ses filles spirituelles, en ont fait usage : In liac urbe, imo in hoc tune loco, et habitasse dicitur et mortuus esse Adam, etc. Epist., xlvi, P. L., t. xxii, col. 485.

On ne cite pas en Occident d’autres documents anciens, en faveur de la sépulture d’Adam au Calvaire. Mais, plus tard, aux xvf, XVIIe et XVIIIe siècles, cette opinion jouit d’une grande vogue auprès des exégètes, des théologiens et des historiens ecclésiastiques ; il suffit de nommer Tolet, In c. xix Joa., annot. 12 ; Suarez, In 7// am part. Summse, q. xi.vi, a. 10, n. 6-10 ; liaronius, Annales Eccles., ann. Cluisli 34, n. 108-111 ; Henschenius, Acta sanctorum, t. viii, p. 541-542 ; Benoit XIV, Comment. D. N. Jesu Christi Matrisque ejus festis, part. I, c. CCLXXi. Plusieurs distinguent nettement la question traditionnelle de la question étymologique por’uuil sur l’origine du mot Calvaire : In hoc, remarque Suarez, aliud est loqui de re ipsa, an scilicet, Adamus sepultus esset in luco Calvaria ; , aliud de denominalione Calvariæ, unde sumpta sit. Quod ergo ad rem attinet, imprimis non videtur contemnenda tantorum Patrum traditio. Neque enim verisimile est non fuisse ex aliquo probabili fundamenlo ortam.

IV. CONCLUSION. —

Que conclure de tout ceci ? La tradition qui place au Calvaire la sépulture du premier homme est assurément digne de respect ; les objections que lui a faites saint Jérôme ou qu’on lui a faites depuis, sont loin d’emporter pièce. Elle ne s’impose pourtant ni à la foi ni à la critique, car elle n’a pas de caractère dogmatique, ce qu’elle affirme est peu précis ou ne s’accorde pas pleinement, ses origines sont nuageuses. On voudrait surtout connaître la valeur de ces sources primitives, documents écrits ou traditions orales de provenance juive, sur lesquelles s’appuient finalement les plus anciens témoignages patristiques. Mais c’est là le côté le plus obscur du problème. Peut-être pourrait-on signaler un point de contact entre cette opinion et ce que dit de notre premier père le Livre des jubilés ou Petite Genèse, apocryphe juif qui daterait soit de l’époque même où Notre-Seigneur est né, opinion d’Ewald, soit du siècle qui a précédé cette naissance, opinion de Dillmann. Au chapitre m de ce livre, on indique comme séjour d’Adam après son expulsion de l’Éden, la terre d’Eldad, « où il avait é^é créé ; » au chapitre iv, on place aussi son tombeau dans la terre où il avait été créé, et cette terre, d’après le chapitre VIII, comprend le mont Sion, « centre de la terre. » Voir Rônsch, Das Buch der Jubilarn oder die Kleine Genesis, Leipzig, 1874, p. 261, 312. Ainsi, d’après cet apocryphe auquel les anciens Pères, et saint Épiphane en particulier, ont fait des emprunts avérés, la Judée, et plus spécialement Jérusalem, centre du monde pour les Juifs, se trouverait être le lieu de la sépulture du premier homme. De cette donnée générale à l’opinion plus caractérisée de la sépulture au Calvaire, la distance n’est pas grande.

Quoi qu’il en soit, il y a dans la tradition qui nous montre le sang de Jésus-Christ dégouttant sur le crâne desséché du vieil ancêtre, une haute idée qu’il faut retenir, l’idée du rapport intime qu’il y eut entre l’effusion du sang du second Adam au Calvaire et la rédemption du premier Adam. En ce sens élevé, celui-ci fut moralement au Golgotha, recevant à un titre spécial l’application du sang rédempteur. C’est la pensée que développe fort heureusement, sous une forme imaginative, la seconde partie de l’Evangile de Nicodème ou ia Descente du Christ aux enfers, quand il nous représente le second Adam s’adressant tout d’abord au premier, pour lui communiquer la bonne nouvelle de sa délivrance. Tischendorf, Evangelia apocrypha, Leipzig, 1853, p. 379-382. La tête de mort et les ossements placés au pied des crucifix pourront toujours nous rappeler cette grande idée.

VI. Adam figure de Jésus-Christ.

Aux considérations qui précèdent s’en joint naturellement une autre, très importante dans l’économie du dogme chrétien et le développement de la théologie catholique, celle du rapport typique d’Adam à Jésus-Christ, unique et universel rédempteur du genre humain. La doctrine est nettement formulée par saint Paul dansl’Épitre aux Romains, v, 14, où il appelle Adam forma futuri, c’est-à-dire la figure de l’Adam à venir, et dans la première Épitre aux Corinthiens, xv, 45, où il oppose au premier homme Adam, le nouvel ou dernier Adam : Primvs homo Adam… novissimus Adam. Dans ces deux passages, nous avons, d’un côté’, le chef moral du genre humain pécheur et déchu, de l’autre, le chef moral du genre humain racheté et relevé. Rom., v, 12, 18, 19 ; I Cor., xv, 21, 22. Adam est ainsi la figure de Jésus-Christ par antithèse, comme le remarque saint Augustin à propos de ces paroles de l’apôtre : Adiv qui est forma futuri : Cujus futuri, nisi Christi :’Et qualis forma, nisi a contrario ? De nupt. et concup., l. II, c. XXVII, P. L.,