Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/206

Cette page n’a pas encore été corrigée

377

ADAM

378

faute d’Adam ressort de la nature même de son péché et des circonstances qui l’accompagnèrent : « Il y eut mépris du commandement de Dieu, qui avait créé l’homme, qui l’avait fait à son image, qui lui avait donné l’empire sur les autres animaux, qui l’avait placé dans le paradis, qui l’avait comblé de toute sorte de biens, qui ne l’avait point charge’de préceptes nombreux, graves ou difficiles, mais ne lui en avait imposé qu’un seul, de courte durée et très facile. » S. Augustin, De civit. Dei, l. XIV, c. xv, P. L., t. xli, col. 422. La responsabilité fut énorme par les conséquences qu’elle entraîna pour le genre humain, dont Adam était le chef moral et juridique ; sous ce rapport le péché de celui-ci, moindre à d’autres titres, l’emporte en gravité sur celui d’Eve. S. Thomas, a. 4 ; Suarez, c. v.

Conséquences du péché d’Adam.

Ces conséquences sont tout ce qu’emporte le péché originel considéré dans les descendants du premier homme, peccatum originale originatum ; mais elles s’appliquèrent tout d’abord à la personne même d’Adam. Gen., iii, 7-24. Il sentit le feu de la concupiscence s’allumer dans ses membres désormais insoumis ; il apprit l’état d’inimitié que sa faute avait créé entre Dieu et lui, et la puissance que le démon avait acquise sur sa race déchue ; il entendit prononcer sur lui et les siens l’arrêt solennel qui les condamnait aux souffrances de toute sorte, et finalement à la mort ; puis il dut quitter l’heureux et facile séjour du paradis terrestre, pour aller habiter et travailler à la sueur de son front dans une terre privée désormais de la bénédiction primitive. Le Concile de Trente a résumé toutes ces conséquences dans le 1 er canon de sa V" session, dont l’objet est le péché originel ; il définit « qu’Adam, le premier homme, ayant transgressé le commandement de Dieu, dans le paradis, est déchu de l’état de sainteté et de justice, dans lequel il avait été établi ; que, par ce péché de désobéissance et cette prévarication, il a encouru la colère et l’indignation de Dieu, et en conséquence la mort, dont Dieu l’avait auparavant menacé, et avec la mort, la captivité sous la puissance du diable, qui depuis a possédé l’empire de la mort ; et que par cette offense et cette prévarication, Adam a subi un état de déchéance quant au corps et à l’âme ». Denzinger, Enchiridion, n. 670.

Pour bien comprendre le sens de ces dernières paroles, il faut remarquer que toutes les conséquences j énumérées par la Genèse et par le concile, atteignirent Adam, non dans sa nature humaine prise en elle-même ou dans ce qui la constitue foncièrement, mais dans cette nature, telle qu’elle existait avant la chute, c’est-à-dire surélevée et enrichie de tous les dons propres à la justice et à l’intégrité originelle ; c’est cet Adam historique, cet homme primitif, surélevé et intègre, dont il faut dire qu’il a subi un état de déchéance quant au corps et à l’âme. Car il perdit les dons préternaturels attachés à la nature même comme apanage de la justice originelle, l’intégrité, l’immortalité, l’impassibilité. Perdit-il aussi les dons préternaturels attachés à sa personne, comme ces sciences infuses de l’ordre naturel qu’il avait reçues en sa qualité de chef et d’éducateur du genre humain ? Les documents révélés se taisent sur ce point. Adam déchu gardait cette mission primitive, mais la condition du genre humain n’était plus la même qu’au paradis terrestre ; tout autre aussi, par conséquent, devenait le rôle d’Adam chef et éducateur. Que dut-il garder de sa science primitive et, s’il la garda tout entière, quel usage en put-il faire désormais ? Saint Jean Chrysostome dit en passant, In Joa., homil. vii, n. 1, P. G., t. lix, col. 63, que, loin d’acquérir une science plus grande en mangeant du fruit défendu, Adam ne perdit pas peu de celle qu’il possédait auparavant. La question reste obscure et incertaine, et par le fait même on ne saurait apprécier sûrement le degré de science que le premier homme possédait avant sa chute, par l’idée que les documents postérieurs pourraient nous donner de son état intellectuel ou de celui de ses descendants immédiats.

Dans l’ordre strictement surnaturel, Adam perdit la grâce sanctifiante et tout ce qui ne va pas sans elle, la charité, les vertus morales infuses et les dons du Saint-Esprit. Y eut-il aussi perte de la foi et de l’espérance ? Un certain nombre de Pères anciens l’affirment, dans la persuasion qu’Adam, comme Eve, mais après elle, crut aux paroles du serpent et douta de la véracité divine. Mais d’autres trouvent que rien dans la sainte Écriture n’autorise vraiment cette manière de voir ; saint Paul, entendu sans ambages, semble bien affirmer le contraire, quand il dit que la femme fut séduite, mais non pas Adam, I Tim., il, 14 : Adam non est seductus, mulier autem seducta in prsevaricatione fuit. C’est surtout l’opinion de saint Augustin, De Gen. ad lit., l. XI, c. xlii, P. L., t. xxxiv, col. 452 ; De civit. Dei, l. XIV, c. ii, P. L., t. xli, col. 419 ; et les grands théologiens de l’Ecole l’ont en général suivi. S. Thomas, IIa-IIæ, q. clxiii, a. 3-4 ; Cajetan, Comment, in h. loc. ; Suarez, l. IV, c. iv ; Salmant., Z)e incarnat., dist. XXVIII, n. 101. Du reste on pourrait admettre chez Adam une certaine séduction, sans que le péché d’infidélité s’ensuivit, comme l’explique saint Thomas dans son commentaire sur la première Épitre à Timothée, c. il, lect. m. Ce qui est certain, c’est qu’aussitôt après la chute, Dieu s’adresse à la foi et à l’espérance du premier Adam, en faisant luire à ses yeux, dans le lointain de l’avenir, l’image obscure sans doute, mais déjà reconnaissable, du second Adam, Celui qui écrasera la tête du serpent. Gen., iii, 15. Aussi, remarque Tertullien, Dieu qui destinait nos premiers parents à la réhabilitation, qui les voyait déjà se relever par l’aveu de leur faute, Dieu ne prononça pas contre eux de sentence de malédiction : Ideoque nec maledixit ipsum Adam, nec Evam, ut restitulionis candidatos, ut confessione relevatos. Adv. Marcion., l. II, c. xxv, P. L., t. ii, col. 315.

IV. Repentir et salut d’Adam.

Vie d’Adam après sa chute.

La sainte Écriture nous donne fort peu de détails sur la vie du premier homme après sa déchéance. Il eut pour fils Caïn, puis Abel. Gen., iv, 1-2. Quand celui-ci tomba, victime innocente d’une haine fratricide, le père du genre humain dut comprendre toute la portée de l’arrêt de mort qui pesait désormais sur sa race. Seth remplace Abel, iv, 25 ; mais à côté de ces trois fils, nommément désignés, à cause du rapport spécial qu’ils ont eu avec l’histoire de la révélation, l’auteur de la Genèse signale d’une façon indéterminée d’autres fils et des filles, v, 4 : gentilque filios et fdias. Saint Épiphane donne, d’après le livre apocryphe des Jubilés ou Petite Genèse, le chiffre total de douze fils et de deux filles, Hicrcs., 39, P. G., t. xli, col. 672 ; Cedrenus, celui de trente-trois fils et vingt-sept filles, Compend. histor., P. G., t. cxxi, col. 41 ; Honorius d’Autun, celui de trente-trois fils et trente-trois filles, De imagine mundi, l. III, P. L., t. clxxii, col. 165. Aucun de ces renseignements n’offre de garantie suffisante, pour ne rien dire de plus.

Chassé de l’Éden, Adam dut travailler la terre, et lui demander, à la sueur de son front, ses moyens de subsistance, Gen., iii, 17 ; ce qui en fit le premier agriculteur, sans parler des autres métiers que la nécessité le força sans doute à exercer. Cf. Ugolino, Thésaurus antiquitatum sacrarum, t. xxix, Comment, de re rustica veterum Hebrseorum, c. v, p. 255-257 ; Gœtzius, Dissert, de molis et pistrinis veterum, c. il, n. 7-10, ibid., p. 125129 ; Byna3us, Z)e calceis Hebrseorum, c. i, n. 2-3, ibid., p. 675. On ne saurait non plus douter de son influence sur le développement naissant des métiers et des arts qui se manifeste au chapitre iv de la Genèse. Par