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ADAM

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tuelle dans ce fait que la Genèse, ii, 19-20, nous le représente, aussitôt après la création, donnant aux animaux et aux oiseaux des noms qui leur convenaient parfaitement. Eusèbe, Præparat. evang., l. XI, c. vi, P. G., t. xxi, col. 856 ; S. Jean Clirysost., In Gen., homil. xiv, n. 5, P. G., t. un, col. 110-117 ; Severianus de Gabala, Orat., vi, n. 2, P. G., t. lvi, col. 486 : S. Augustin, Opus imperf. contra Julian., l. LI, c. i, P. L., t. xlv, col. 1432 ; Serenns, dans Cassien, Collât., viii, c. xxi, P. L., t. xlix, col. 757-758. Aussi, saint Augustin ne craint-il pas de dire qu’auprès de celui d’Adam, nos esprits les plus subtils ne sont que lourdeur, plumbei judicantur. Opus imperf., l. IV, c. lxxv, P. L., t. xlv, col. 1381. Et saint Cyrille d’Alexandrie affirme expressément que le chef du genre humain n’acquit pas la science successivement, comme nous, mais qu’au moment même de sa création, le Verbe de Dieu projeta sur lui ses rayons lumineux et lui communiqua une intelligence parfaite. In Joann., l. I, c. IX, P. G., t. lxxiii, col. 127.

La raison intime de cet insigne privilège se tire de la mission qui incombait à Adam, comme père et éducateur du genre humain : « De même, dit saint Thomas, I a, q. xciv, a. 3, que le premier homme fut formé dans un état parfait quant au corps, pour être aussitôt en état de propager la nature humaine, de même il fut formé dans un état parfait quant à l’âme pour être en état d’instruire et de gouverner les autres. » En vertu de ce même principe, le docteur angélique donne pour objet à la science d’Adam tout ce que l’homme est naturellement susceptible d’apprendre, omnium scientiarum in quibus homo natus est instrui ; il lui refuse ce qui dépasse la portée naturelle de l’intelligence humaine, comme les pensées du cœur ou les futurs contingents, et ce qui n’est pas nécessaire pour la direction de la vie. De plus, comme il le remarque ailleurs, Qusest. disput., q. xviii, De veril., a. 4, il ne s’agit pas nécessairement ici d’une science réduite en acte, mais des principes subjectifs de la connaissance, de ce qui dans l’Ecole s’appelle Yhabitus : Quidquid unquam homo aliquis de cognitionc eorum naturali ingenio assequi potuit, hoc totum Adam naturali cognilione habitualiter scivit. Ce qui n’exclut pas l’ignorance expérimentale des choses qui ne s’apprennent que par l’usage et la réllexion. Ces considérations permettent de réduire la science du premier homme au degré de perfection relative qui lui convenait pour qu’il pût instruire et gouverner les autres d’une manière conforme à son état et à sa mission. Aller plus loin en attribuant à cette science une perfection absolue, ce serait, semble-t-il, trop conclure du principe posé. Des théologiens récents ont fait à ce propos de justes remarques. Voir Christ. Pesch, Prselectiones dogmaticæ, t. iii, n. 211-212. En particulier, la perfection intellectuelle d’Adam allait-elle jusqu’à exclure la possibilité de toute erreur positive ? C’est là une question secondaire où l’accord n’est pas complet. L’opinion courante tient pour l’affirmative insinuée par saint Augustin, De lib. arbilr., l. III, c. xviii, n. 52, P. L., t. xxxii, col. 1296, et soutenue par saint Thomas, I a, q. xciv, a. 4 ; d’autres suivent cependant l’avis contraire, regardé comme suffisamment probable par saint Bonaventure, In IV Sent., l. II, dist. XXIII, a. 2, q. II.

Volonté.

A la perfection de l’intelligence répondait, chez noire premier père, une perfection proportionnée de la volonté, que l’Écriture et les saints Pères expriment d’ordinaire par l’idée de rectitude. D’une façon [dus précise elle emporte en Adam l’existence de toutes les vertus morales, sinon quant à l’exercice, du moins quant au principe, Vhabitus. Aussi, saint Jean Damascène nous le montre-t-il muni virtutum génère decoratum. De fide orthod., I. II, c. xii, P. G., t. xciv, col. 922. L’École n’a fait que développer cette idée. S. Thomas, III a, q. xcv, a. 3 ; Suarez, l. III, c. XI.

Langage.

Enfin ce fut une opinion assez commune parmi les théologiens des diverses confessions, que le premier homme reçut, avec la science infuse, la révélation d’une langue toute formée, la langue hébraïque. Mais cette opinion n’a de fondement ni dans la sainte Écriture ni dans la tradition. Ceux des Pères qui ont traité la question, attribuent à l’homme l’invention du langage. S. Augustin, De ordine, l. II, c. XII, n. 35, P. L., t. xxxii, col. 10Il sq. ; S. Grégoire de Nysse, Contra Eunom., l. XII, P. G., t. xlv, col. 975, 991 sq., 1006. Et c’est bien là ce qui paraît plus vraisemblable. Pesch, p. 214-216. Au reste, l’étude générale de la relation, plus ou moins nécessaire, qu’il peut y avoir entre la connaissance humaine et le langage, appartient aux articles Langage (Origine du), Traditionalisme, Fidéisme.

II. Élévation d’Adam a l’état surnaturel.

Dieu ne se contenta pas de prodiguer au chef-d’œuvre sorti de ses mains les dons de la nature ; il y joignit ceux de la grâce par l’élévation du premier homme à l’état surnaturel.

Élévation à l’état de grâce.

Cette élévation comprend tout d’abord ce qui forme comme l’essence même de cet état, c’est-à-dire la grâce sanctifiante avec tout ce qui l’accompagne inséparablement. C’est là une vérité de foi, intimement liée à deux dogmes fondamentaux, le péché originel et la rédemption du genre humain par Jésus-Christ. Le second concile d’Orange, tenu en 529 contre les semipélagiens, l’avait déjà suffisamment indiqué dans son 19e canon, Denzinger, Enchiridion, n. 162, mais le concile de Trente l’exprime plus nettement en deux endroits. Ainsi, nous lisons dans le décret concernant le péché originel, sess. V, can. 1 et 2, « qu’Adam, le premier homme, ayant transgressé le commandement de Dieu dans le paradis, est déchu de l’état de sainteté et de justice dans lequel il avait été établi… qu’il a perdu ainsi, pour nous comme pour lui même, la justice et la sainteté qu’il avait reçue. » Puis, nous apprenons par le c. 7 de la VIe session, que cette justice et cette sainteté consistent essentiellement dans la réception de la grâce sanctifiante et des dons qui l’accompagnent ; ceux qui sont régénérés par le baptême, nous sont dépeints « recevant cette justice chrétienne, qui est la vraie justice, comme te robe première qui leur est donnée par Jésus-Christ, à la place de celle qu’Adam a perdue pour lui et pour nous, par sa désobéissance ».

Toute cette doctrine, si nettement formulée par l’Église, repose surtout sur cette grande idée, scripturaire et patristique : Jésus-Christ est le second ou le nouvel Adam, parce qu’il nous a renouvelés dans cet état de justice et de sainteté intérieure, que le premier ou l’ancien Adam avait reçu, puis perdu par son péché, pour lui et pour toute sa race. Rom., v, 9-21 ; II Cor., v, 15-21 ; Eph., i, 4-12 ; Col., i, 12-22 ; et plus spécialement Eph., iv, 22-24 ; Col., iii, 9-10. Cet état de justice et de sainteté intérieure consistant essentiellement dans la grâce sanctifiante, il s’ensuit que celle-ci l’ut donnée au premier homme avant sa chute. Saint Jean Damascène résume l’enseignement des Pères, quand il dit, De fide orth., l. II, c. xxx, P. G., t. xciv, col. 975 : « Le souverain artisan qui forma l’homme, lui infusa sa grâce divine, et par elle se communiqua lui-même à sa créature, » divinam ci gratiam suam impertiens seque per eam ipsi commun ira us. Ce sciait évidemment aller contre cet enseignement si clair de notre foi, que de faire consister la sainteté primitive de l’homme dans une justice purement naturelle ou purement extrinsèque, mais l’étude de ces erreurs, baianistes, jansénistes, hermésiennes ci gunthériennes, se rapportent plus directement à la question de la justice originelle. Cf. Katschthaler, Theologia dogmatica calholica specialis, Ratisbonne, 1877, l. l, p. 2, n. 260.