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ACTION EN TERME DE BOURSE, SOCIÉTÉ PAR ACTIONS

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dation de personnes que d’une manière indirecte et dérivée. L’actionnaire, en effet, n’a d’autres droits que ceux qui appartiennent à ses actions, et la part d’influence qu’il détient dans l’œuvre sociale est proportionnelle au nombre de ses actions.

II. Origine et historique.

Il règne une assez grande incertitude sur l’origine des sociétés par actions. On peut les faire remonter aux sociétés créées dans l’ancienne Rome pour affermer l’impôt (societales vectigalium). Elles différaient des autres en ce qu’elles formaient une personne juridique et que la part sociale était transmise aux héritiers, sans que cependant il leur fût permis, à moins d’une clause spéciale, de participer à l’administration. En outre, on peut conjecturer d’après certains passages de Cicéron que le droit des associés était cessible.

Une autre origine a été proposée. Le besoin de capitaux naissant des expéditions et des nécessités économiques des villes italiennes au moyen âge, avait donné lieu à des emprunts. Les créances contre l’État, inscrites au livre de la dette publique, étaient, pour faciliter la comptabilité, divisées en parts égales ; elles constituaient des biens meubles, mais, dans certaines circonstances, elles avaient un gage immobilier. Les parts étaient cessibles et transmissibles héréditairement, privilégiées de certaines manières, particulièrement insaisissables et souvent exemptes d’impôts. Telle fut, par exemple, la banque de Gènes (Banca di San Giorgio ) fondée à la fin du xive siècle ou au commencement du xve siècle. Plusieurs associations de ce genre furent créées dans un intérêt de colonisation. La première en date est la Compagnie hollandaise des Indes fondée en 1602. En France celle qui la première obtint quelques succès fut la Compagnie de Saint-Christophe fondée en 1626 et approuvée par le cardinal de Richelieu, oui en fut un des principaux actionnaires. En 1635, prend naissance la Compagnie des îles d’Amérique ; en 1628, la Compagnie des Cent Associés de la Nouvelle-France ou du Canada.

C’est surtout à l’époque de Colbert que l’on voit ces sociétés par actions se multiplier et obtenir un succès plus durable. Nous citerons principalement la Compagnie des Indes-Orientales et celle des Indes-Occidentales, approuvées toutes deux par édit royal en 1664. Ce qu’il importe de constater c’est le caractère de ces sociétés nouvelles. Créées à un capital déterminé, les actions sont de 1 000 ou 2 000 livres et les parts égales. Les créanciers n’ont pas d’autre garantie que le fonds social ; les directeurs ne peuvent obliger les compagnies au delà ; l’administration est confiée à des directeurs et déjà nous voyons naître les assemblées, où les décisions sont prises à la majorité. Toutefois elles différaient à beaucoup d’égards de nos sociétés anonymes modernes. Au XVIIIe siècle, l’agiotage qui s’était produit sur les actions de la banque de Law avait porté préjudice aux compagnies qui s’étaient fondées dans l’intérêt du commerce de la France. Lorsque, à la suite du décret du 2 mars 1791, l’industrie fut déclarée libre, la spéculation déprécia de nouveau les actions des sociétés fondées depuis cette époque. Les dangers et les abus qui en étaient résultés provoquèrent la réaction ; la Convention, par un décret du 21 avril 1793, supprima toutes les sociétés dont le capital était divisé en actions et défendit d’en établir, à l’avenir, sans l’autorisation du corps législatif. Ce décret fut aboli sous le Directoire par la loi du 30 brumaire an IV. De nouveau la liberté se trouve rendue aux sociétés par actions et la spéculation se donne encore une fois libre carrière aux dépens du public. C’est sous l’influence de ces faits que fut publié le Code de commerce.

III. Régime légal des sociétés par actions.

Le projet revisé de 1803 admet deux sortes de sociétés par actions : la commandite par actions et la société ano nyme. La première comprend deux sortes d’associés. Les uns sont de véritables associés en nom, on les appelle les commandités : ce sont eux qui gèrent les affaires sociales sous leur responsabilité et ils sont tenus solidairement de toutes les dettes de la société, de telle sorte que leur intérêt personnel est en jeu. Les autres, qu’on appelle les commanditaires ou bailleurs de fonds, ne sont obligés qu’à concurrence des apports qu’ils ont effectués.

Dans la société anonyme, les capitaux sont fournis par un grand nombre de personnes qui ne s’obligent que dans la mesure de la part du capital souscrit par elles. Le fonds social est divisé en actions qui sont offertes au public et les souscripteurs sont d’autant plus empressés qu’ils savent que, tout en limitant leurs chances de perte, ils s’assurent des droits éventuels à des bénéfices souvent considérables.

IV. Organisation.

Dans une société anonyme la direction, l’autorité suprême, la responsabilité appartiennent à l’assemblée générale des actionnaires. Elle nomme un conseil d’administration chargé d’assurer la direction et l’exécution de l’entreprise, sans toutefois faire accepter aux administrateurs les dettes sociales au delà du montant de leurs propres actions. Enfin l’assemblée générale nomme, s’il y a lieu, un directeur salarié.

V. Avantages et inconvénients.

La société anonyme présente le grand avantage de grouper facilement les nombreux capitaux nécessaires à de vastes entreprises. A côté de cet avantage les sociétés anonymes offrent des inconvénients sérieux. Ce qui leur fait surtout défaut, c’est l’intérêt personnel. Les gros traitements accordés aux administrateurs, la promesse de parts dans les bénéfices, la menace de pénalités rigoureuses ne remplacent qu’imparfaitement cet intérêt. Tout cela ne fera jamais d’un administrateur ou un directeur salarié, l’égal d’un patron directement intéressé au succès de l’œuvre qu’il a fondée et qui constitue sa propriété. En outre, dans le régime de l’anonymat les rapports directs entre le patron et les ouvriers n’existent plus, l’influence religieuse s’exerce difficilement, la paix sociale est précaire, les droits de l’ouvrier ont plus de peine à être sauvegardés.

VI. Devoirs de l’actionnaire. — Reaucoup de personnes sont persuadées que, pour un actionnaire, il n’existe pas d’autres obligations que de toucher ses coupons, échanger ses valeurs au moment opportun et, suivant l’expression consacrée, administrer son portefeuille. C’est là une grave erreur, car l’actionnaire, par le fait même qu’il fait partie intégrante d’une société, se trouve, en toute vérité, quoique dans une mesure variable, responsable des actes de cette société. Sociétaire, il est nécessairement coopérateur des actes sociaux et par suite responsable en conscience. Par conséquent : — 1° L’actionnaire doit se rendre compte de la moralité des opérations de la société et ne peut être indifférent à son résultat moral ou religieux. Il est évident que si l’entreprise est immorale, la coopération qui y est donnée ne saurait être innocente. C’est ainsi, par exemple, qu’il n’est pas permis de prendre ou de conserver des actions d’un journal pornographique ou antireligieux. — 2° L’actionnaire ne saurait se croire délié du devoir de considérer par quels moyens s’obtiennent les bénéfices auxquels il participe. Or certaines manières de réaliser des gains sur de l’argent qui n’a pas été versé ; certaines spéculations véreuses ou opérations de bourses constituent de véritables indélicatesses, sinon des injustices formelles. — 3° L’assemblée générale nomme les administrateurs de qui vont dépendre la direction générale de toutes les affaires, la nomination (les chefs de service, la haute surveillance du personnel. Aux actionnaires de n’accorder et de ne maintenir leur confiance qu’à des