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ACTES DES APOTRES

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sont en tête des deux écrits, la dédicace de l’un et de l’autre à Théophile, la parfaite ressemblance du style et des idées, fournissent à cet égard d’abondantes démonstrations. » Étant donné en effet que l’unité de style dans tout l’ouvrage suppose l’unité d’auteur ; que l’emploi du pluriel, nous, à partir du chapitre XX, révèle clairement un compagnon de saint Paul, de même que les détails du récit montrent un témoin souvent oculaire ; qu’entre les Actes et le troisième Évangile, il y a une visible parenté de style, de procédé et de doctrine générale ; que le livre tout entier dénote une science historique approfondie du monde grec et romain ; qu’enfin tous ces caractères réunis conviennent parfaitement à la personne de saint Luc, sans qu’aucun autre écrivain puisse se prévaloir des mêmes titres : on doit conclure logiquement qu’il est l’auteur véritable des Actes des apôtres. Voir Revue biblique, juillet 1895, p. 322-326. — Aussi bien toutes les tentatives faites par les rationalistes pour expliquer autrement l’origine de ce livre sont des hypothèses gratuites et souvent invraisemblables. Voir Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 155. On commence d’ailleurs, dans le monde rationaliste, à revenir sur ce point au sentiment traditionnel de l’Église catholique. Voir M. Blass, Acla apostolorum sive Lucie ad Theophilum liber aller, Gœttingue, 1895 ; A. Harnack, Lukas der Arzt, etc., Leipzig, 1906 ; Die Apostelgeschichte, 1908.

IL Date. —

La tradition est muette sur la date précise et le lieu de la composition des Actes. On admet généralement, parmi les catholiques, qu’ils ont été rédigés ou du moins terminés à Rome, l’an 64, à la fin de la seconde année de la captivité de saint Paul. Cette période de la vie de l’apôtre, étant relativement calme, fournissait à saint Luc, qui vivait encore avec lui, une occasion favorable pour écrire son livre. Cette conclusion est suggérée par la brusque interruption du récit, précisément à ce moment, sans nous faire connaître l’issue d’un procès dont les péripéties antérieures ont été soigneusement racontées. — La plupart des critiques protestants et rationalistes assignent une autre date aux Actes. Les uns, comme M. Harnack, Die Chronologie der altchristlichen Literatur, il, 1, Leipzig, 1897, les placent sous le règne de Domitien, vers l’an 93. Les autres, comme Baur ( + 1860) et son école, en reculent la date jusqu’au IIe siècle. Cette dernière opinion est d’ailleurs généralement abandonnée aujourd’hui, et avec infiniment de raison. Quant à la date assignée par M. Harnack, elle est rejetée par des critiques tels que M. Blass, qui préfère, en somme, la date traditionnelle.

III. But. —

Les Actes ont pour but de raconter, pour les générations futures, les origines et la diffusion de l’Église, d’abord parmi les Juifs, i-ix, ensuite parmi les païens, x-xxviii. En d’autres termes, ils montrent la marche du christianisme dans le monde, pendant trente ans environ, en suivant le chemin indiqué par Jésus-Christ lui-même. Act., I, 8. Le rôle de saint Pierre est prépondérant dans la première partie, I-ix, et celui de saint Paul dans la seconde, x-xxviii. — Outre ce but premier des Actes, faut-il en admettre un autre, qui serait l’apologie de saint Paul, et l’intention arrêtée chez l’auteur de montrer, dans l’histoire du développement de l’Église, l’accord complet qui existait entre saint Pierre et l’apôtre des gentils, leur entente absolue au point de vue dogmatique et disciplinaire ? Certains catholiques, comme le P. Semeriai, Revue biblique, juillet 1895, p. 320, croient devoir donner à cette question une réponse affirmative, en maintenant, bien entendu, contre l’école rationaliste de Tubingue, qui soutient une opinion analogue, l’historicité’et la véracité absolue des Actes. Là où Baur ne voit qu’une préoccupation apologétique, inspirant l’œuvre de saint Luc et la transformant en une sorte de roman historique où les faits seraient altérés de parti pris, pour concilier les partis opposés de saint Pierre et de saint Paul, le P. Semeria proclame l’existence de faits rigoureusement historiques, mis au service d’une thèse de conciliation, par un emploi judicieux des documents que l’auteur avait à sa disposition. Cette théorie est ingénieuse ; mais plusieurs la trouvent contestable.

IV. Texte et versions. —

I. texte. —

Saint Luc écrivit les Actes en grec, un grec régulièrement pur, mêlé pourtant de nombreux araméismes, surtout dans la première partie de son travail. Les principaux manuscrits du texte sont de deux sortes : les onciaux, ou à écriture majuscule, et qui sont les plus anciens ; les cursifs, ou à écriture courante et minuscule, qui vont du xe au xve siècle. Parmi les onciaux, les principaux sont : le Vaticanus (B), IVe siècle ; le Sinaïticus (n), IVe s. ; VAlexandrinus (A), V s. ; le codex Eplirsemi (C), V s. ; le codex Bezse ou Canlabrigiensis (D), grec et latin, vi" s. ; le Laudianus (E), grec et latin, VI s. On peut y ajouter, quoique moins importants, le Mutinensis (H), IX" s. ; VAngelicus (L), IX" s. ; le Porfirianus (P), palimpseste, IX" s. — Les cursifs représentent en général un texte bien inférieur aux onciaux ; pourtant les manuscrits 13, 31, 61, 137, 180 oll’rent çà et là des leçons très anciennes et dignes d’attention.

D’après les critiques les plus récents et les plus autorisés, Westcott et Hort, The New Testament in the greek original, Londres, 1881 (2e édit., 1896), c’est le Vaticanus qu’il faut suivre de préférence pour reconstituer le plus possible le texte primitif original, tel qu’il sortit de la plume de saint Luc. — Parmi les autres manuscrits onciaux, le codex Bezse a une importance spéciale, parce que, selon Westcott et Hort, loc. cit., t. il, p. 149, « il donne, mieux qu’aucun autre manuscrit grec, une fidèle image de l’état où les Actes étaient généralement lus au un et probablement une bonne partie du ile siècle. » En outre, il sert de base à une théorie récente sur l’origine des Actes. S’il faut en croire en effet M. Blass, qui a formulé le premier cette théorie, loc. cit., Introd., saint Luc aurait donné successivement deux éditions de son livre : la première compterait pour témoins principaux le codex Bezse, le palimpseste latin de Fleury et la version syriaque philoxénienne ; la seconde serait celle que représente l’immense majorité des manuscrits et des versions. Cette théorie a eu pour résultat d’attirer l’attention des critiques sur la recension occidentale du texte et de lui faire reconnaître une plus grande valeur qu’on ne croyait auparavant. — Parmi les manuscrits cursifs, le 2 et le 4, d’origine byzantine et tardive, méritent d’être signalés, parce qu’Érasmes’estservi d’euxseulspourconstituer le premiertexlo imprimé des Actes, qu’il publia en 1516, et qui est devenu ensuite, avec de légères modifications, le célèbre textus receptus, dont les protestants ont beaucoup exagéré la valeur. La plupart le reconnaissent d’ailleurs aujourd’hui.

II. VEftsioxs. —

Les anciennes versions ont une importance critique considérable, et souvent égale, parfois même supérieure à celle des manuscrits, quand leur antiquité est bien constatée, parce qu’elles représentent alors. un texte plus ancien. Les principales sont : les latines, les syriaques et les égyptiennes. — La plus ancienne version latine des Actes est appelée communément italique, depuis saint Augustin, qui la préfère aux autres versions ou recensions existant à son époque. De doctr. christ., Il, 15, P. L., t.xxxiv, col. W. Elle date peut-être du milieu du IIe siècle. Vers la fin du ive siècle, saint Jérôme en donna une revision, qui fait partie de la Vulgate actuelle. Les principaux manuscrits des Actes ainsi revisés sont VAmiatimis et le Fuldensis, ive siècle. Voir Wordsworth et White, Novum Testamentum D. N. J. C. latine, Oxford, 1905, t. ii, fasc. 1 er. L’édition oflicielle dans l’Église est celle de Sixte-Quint, revue et corrigée par ordre de Clément VIII. Les lois ecclésiastiques défendent de rien changer à la troisième