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ACTA MARTYRUM, ACTA SANCTORUM


par des témoins oculaires ou des historiens dignes de foi. On rapporte que le pape saint Clément avait établi, dans les quatorze quartiers de Rome, sept notaires chargés de recueillir les actes des martyrs de chaque communauté. A cette seconde catégorie appartiennent, par exemple, les actes de saint Ignace, de saint Polycarpe, des martyrs de Lyon. Ce sont les pièces qualifiées par Ruinart à’Acta sincera, bien qu’il ait peut-être trop étendu cette qualification.

3° Actes des martyrs des trois premiers siècles qui paraissent les plus authentiques. — On a, à diverses reprises, tenté de dresser la liste des actes des martyrs qui semblaient offrir le plus de garantie d’authenticité. Les meilleurs essais de ce genre sont dus à MM. K. J. Neumann, Der rômisclie Staat und die allgemeine Kirche bis auf Dioclelian, t. i, p. 283-331 ; E. Preuschen dans la Geschichte der altchristlichen Lileratur bis Eusebius de Harnack, t. i, p. 807-834 ; G. Krùger, Geschichte der altchristlichen Lileratur in den ersten drei Jahrhunderlen, p. 237-245 ; Batiflbl, Anciennes littératures chrétiennes. La littérature grecque, p. 52-54, 228-231. Nous allons reproduire ici cette liste, en nous bornant toutefois aux actes des martyrs des trois premiers siècles : 1. Passio Poli/carpi (23 février 155) ; 2. Passio Carpi, Papyli et Agathonicse (sous Marc Aurèle) ; 3. Acla

5. Justini (vers 165) ; 4. Les martyrs de Lyon, Epistula ecclesiarum Viennensis et Lugdunensis (177) ; 5. Acta proconsularia martyr uni Scillitanorum (17 juillet 180 ;  ;

6. Martyre d’Apollonios le sénateur (vers 183) ; 7. Passio SS. Perpetuæ et Felicitatis (7 mars 203) ; 8. Passio Pionii (12 mars 250) ; 9. Acta dispulationis S. Achatii (sous Dèce) ; 10. Acla S. Maxinii (sous Dèce) ; 11. Acta SS. Luciani et Marciani (26 octobre, sous Dèce) ; 12. Acla S. Cypriani (14 septembre 258) ; 13. Acta SS. Fructuosi, Eulogii et Augurii (21 janvier 259) ; 14. Passio SS. Jacobi, Mariani et soc. (sous Valérien) ; 15. Passio SS. Monlani, Lucii et soc. (vers 259) ; 16. Martyrium S.Nicephori (vers 260) ; 17. Acta Maximiliani (12 novembre 295) ; 18. Acta Marcelli (30 octobre 298) ; 19. Passio Cassiani (298) ; Acta SS. Claudii, Asterii et soc. (303) ; 20. Passio Genesii mimi (303) ; 21. Passio Rogatiani et Donaliani (sous Dioclétien et Maximien) ; 22. Passio S. Procopii (7 juillet 303) ; 23. Acta S. Felicis Tubzacensis (30 août 303) ; 2’t. Passio S. Savini (sous Maximien) ; 25. Passio S. Dasii (20 novembre 303) ;

26. Acla SS. Saturnini, Dalivi et soc. (11 février 301) ;

27. Acta SS. Agapes, Chionise, Irenes (301) ; 28. Acta SS. Didymi et Theodorse (303 ?) ; 29. Passio S. Irenœi, ep. Sirni. (25 mars 301) ; 30. Passio S. Pollionis et soc. (28 avril 304) ; 31. Acta S. Eupli (304) ; 32. Passio S. Philippi, ep. Heracl. (304) ; 33. Acta SS. Tarachi, Probi et Andronici (304) ; 31. Acta S. Crispinae (5 décembre304) ; 35. Acta SS. Phileæ et Philoromi (306) ; 36. Passio S. Sereni (307 ?) ; 37. Passio S. Quirini (310) ; 38. Passio SS. Sergii et Bacchi (310) ; 39. Passio S. Pétri Balsami (311) ; 40. Passio SS. Quirionis, Candidi, Domni (Quadraginta marlyrcs Sebasteni, 320). Pour les détails bibliographiques relatifs à ces actes, il faut consulter les ouvrages indiqués ci-dessus et aussi les deux récents répertoires des bollandistes, Bibliotheca hagiographica græca, Bruxelles, 1895, et Bibliotheca hagiograplûcalatinamediae etinfimae aelalis, Bruxelles, 1898.

/L actes interpolés. — Mais sur ces pièces généralement d’allure sobre et où les prodiges ont une part assez restreinte, se greffèrent fréquemment d’autres, interpolées de discours, de descriptions, de miracles plus extraordinaires les uns que les autres. Ce fut le cas par exemple pour la passion des martyrs scillitains, pour les actes des saintes Félicité et Perpétue, pour ceux de saint Cyprien et des saints Sergius et Bacchus. Et, chose étrange, ce sont presque toujours les pièces interpolées qui jouissent de la plus grande vogue. Alors qu on ne connaît plus que cinq manuscrits fournissant

DICT. DE THÉOL. CATIIOI.

le texte primitif de la passion des saintes Félicité et Perpétue, on rencontre le texte altéré dans la plupart des autres. Le plus souvent même, les rédactions premières ont disparu, car, du temps de Dioclétien, on fit la chasse, pour les anéantir, aux livres et aux écrits religieux des chrétiens. « L’Église, après la tourmente, dit E. Le Blant, Les Actes des martyrs, Paris, 1882, p. 25, sut pourvoir à la réfection de ses archives dévastées. Ce fut souvent à l’aide de souvenirs, de traditions orales, que l’on dut reconstituer alors nombre à’Acta, de Passiones, et souvent, sans en excepter les pièces dites « sincères », ces rédactions nouvelles furent accommodées, pour le détail, à la mode du temps où elles étaient faites. »

m. actes inventés. — Enfin il est une troisième catégorie d’actes de saints et de martyrs, ce sont ceux inventés de toutes pièces, pures légendes qui ne reposent sur aucune donnée historique et qui font même douter de l’existence du personnage dont elles rapportent les hauts faits. Les actes de sainte Barbe, de sainte Catherine d’Alexandrie, de saint Georges fournissent le type de cette sorte de documents. Ce genre d’exercice littéraire a toujours fleuri, surtout dans les monastères, et a eu parfois d’étranges conséquences, comme celle de faire passer dans les livres liturgiques des saints apocryphes, comme Barlaam et Joasaph et un certain Alban, dérivé l’un de la légende indienne de Bouddha, l’autre du mythe grec d’Œdipe. Voir sur Barlaam et Joasaph, l’ouvrage récent de M. E. Kuhn, Barlaam und Joasaph, Munich, 1893, et sur Alban. l’ouvrage des bollandistes, Catalogus codicum hagiographicorum bibliothecse regisB Bruxellensis, t. ii, p. 444-455 ; Bibliotheca hagiographica latina, p. 34.

IV. RÈGLES POUR APPRÉCIER LA VALEUR HISTORIQUE

des actes des MARTYRS— — Le B. P. De Smedt, Jntroductio ad historiam ecclesiasticam, p. 118-120, donne les règles suivantes pour juger du caractère de crédibilité des actes des martyrs. Il y en a qu’un témoignage extrinsèque formel d’autorité ou de tradition atteste avoir été rédigés au temps même des persécutions. En dehors de ce cas, il faut recourir à des indices internes, et le résultat de cette enquête aboutit à trois sortes de documents de valeur différente. Certaines pièces, par leur absolue exactitude, surtout dans les menus détails de personnes, de topographie, de chronologie, de mœurs, où un faussaire se fut aisément trahi, et par leur entière concordance avec d’autres documents authentiques, prouvent la contemporanéité du rédacteur avec l’époque où se passent les faits qu’il rapporte. D’autres récits, sans permettre un si complet contrôle de détail, se présentent dans l’appareil de simplicité et avec les autres caractères généraux qui distinguent les rédactions primitives. Il est enfin une troisième catégorie d’actes, ou certaines inexactitudes créent à bon droit un préjugé, mais où il y a d’autre part assez de traits d’authenticité pour faire conclure seulement à une corruption de texte plus ou moins étendue, mais non pas à la création de toutes pièces d’un récit purement légendaire. De ces règles de critique, on peut rapprocher celles tracées jadis par Binterim, Denkwùrdigkeilen der christlichekatholische Kirche, t. v, part. I, p. 84. 1° Plus les actes des martyrs sont courts et simples, plus ils méritent d’inspirer créance. 2° Les actes proconsulaires déterminent dès le début le nom et la durée d’entrée en charge des consuls. 3° Ces mêmes pièces ne renferment guère de prodiges, bien que les persécuteurs attribuent les miracles des martyrs à un pouvoir magique. 4° L’abondance des ornements du style, la recherche de l’élégance, l’abus des citations bibliques rendent un récit suspect. 5° Les noms des empereurs, des consuls et des gouverneurs de province doivent être examinés de près et soigneusement contrôlés avec l’époque et le lieu du martyre. Plus récemment, M. E. Le Blant a repris ce

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