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ACEMETES

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ainsi dire, au rôle considérable qu’ils devaient remplir ensuite au milieu des querelles religieuses de l’Eglise grecque, les acémètes avaient vigoureusement pris position contre le patriarche de Constantinople Nestorius, malgré la faveur que sa doctrine avait tout d’abord rencontrée auprès de l’empereur Ihéodose II et de l’impératrice Eudoxie. Au témoignage du moine Callinique, qui écrivait entre 417 et 450 la vie de saint Hypatius, non seulement le genre de vie d’Alexandre et de ses disciples avait attiré sur eux l’attention Callinique, De vita S. Hypatii liber, p. 82, mais le zèle du vaillant abbé ne connaissait pas de limites et les empereurs eux-mêmes n’étaient pas à l’abri de ses remontrances. Aussi, par ordre des souverains, Alexandre et ses moines furent-ils bannis de la capitale. Nestorius fut chargé de l’exécution de la sentence impériale et les acémètes dont il s’était montré, déjà auparavant dans leur tentative d’établissement à Antioche, l’adversaire acharné, furent chassés de leur monastère de Saint-Ménas et de la ville impériale, non sans avoir été fort maltraités. Ils se retirèrent de l’autre côté du Bosphore et reçurent, quelque temps, l’hospitalité dans le monastère de Rufiniane, en Bithynie, dont saint Hypatius était alors archimandrite. Quand l’orage se fut un peu calmé, les acémètes construisirent, à une distance d’environ quinze milles de Rufiniane,  ; ànb c-pi.do>v ôsxansv-re, un vaste couvent que l’on trouve souvent mentionné dans les Actes, sous le nom de « grand monastère des acémètes ». Acta SS., ibid., c. iivi n. 51, p. 310 ; Callinique, De vita S. Hypalii, p. 84. Il s’élevait au lieu a^Delé Irenaion, sur la rive orientale du Bosphore, vis-à-vis de la petite baie actuelle d’Isténia, le Sosténion des Byzantins, à l’emplacement du village turc de Tchiboukly où l’on peut voir encore des ruines imposantes des anciennes constructions. C’est de ce monastère que l’on parle, chaque fois qu’il est question, sans autre désignation expresse, du monastère des acémètes ; il fut le centre, et, comme nous dirions aujourd’hui, la maison mère où les fondateurs de maisons religieuses vinrent souvent demander des colonies pour leurs nouveaux couvents. Parmi les plus célèbres de ces colonies acémètes, il faut citer, dans la capitale même, les monastères de Saint-Dius et de Bassien, et surtout le fameux couvent de Studius, le Stoudion, qui, à partir de l’higouménat de saint Théodore (759-826), devait porter à son apogée le renom des acémètes, mais qui devait aussi, à cause de l’éclat même du rôle de ses moines, faire tomber peu à peu dans l’oubli jusqu’au nom même d’acémètes, s’effaçant, pour ainsi dire, et disparaissant devant celui de studites.

Au couvent que saint Alexandre avait d’abord habité près de l’Euphrate, les moines, qui s’y trouvèrent réunis jusqu’au nombre de quatre cents, Acla SS., ibid., c. iv, n. 26, 27, p. 306, étaient partagés en quatre groupes, selon leur langue : les latins, les grecs, les syriens, les égyptiens. De ces quatre groupes, Alexandre avait composé huit chœurs qui, se succédant l’un à l’autre, chantaient sans interruption la divine doxologie. A Constantinople, et dans le grand couvent de Bithynie, où se trouvaient réunis trois cents religieux, Acta SS., ibid., c. VIII, n. 43, p. 309 ; Vita S. Hypalii, p. 84, ils étaient divisés en trois groupes, latins, grecs, syriens, et en six chœurs, chantant, de même, sans jamais s’interrompre, les louanges de Dieu : xptaxôdicit a^a àaxr^ai, toù ©cci-j SolâîJovTî ; àxaxaua’jaTtoç. Chaque série de dix chanteurs était sous la direction d’un décurion ou 8éxap-/oç, chaque série de cinquante sous la direction du u£VTEx6vTap-/o ; . Acta SS., ibid., c. iiv n. 43, p. 309. En 463, quand le consul Studius eut demandé à saint Marcel, abbé des acémètes, des moines pour le couvent de sa fondation, leur nombre étant moins considérable, on les distribua seulement en trois chœurs. Mais, quels que fussent d’ailleurs le nombre des moines

et le nombre des chœurs, c’était une psalmodie perpétuelle, une liturgie incessante, une hyinnologie sans fin : aTiauuTo ; XstTO’jpYt’a, aXr, XTo ; vy.vo’koyia. Et, d’après le P. Daniel Papebroch, premier éditeur de la Vila S. Hypatii (Acta sanct., édit. de Paris, junii t. iv, p. 275, en note), ce serait à l’imitation des acémètes que les moines d’Agaune, de Saint-ûenys et autres auraient introduit en Occident le laus perennis. Il n’est pas téméraire de penser que cette institution de la psalmodie perpétuelle contribua à fixer les heures et offices canoniques, et le biographe de saint Alexandre lui attribue l’institution de sept heures canoniques, Acla sanct., 15 janvier, c. iv, n. 28, p. 306, sans indiquer cependant d’autre nom que ceux de tierce, sexte, none et le « nocturne ». Il faut sans doute entendre par ce mot de « nocturne » toute la série des heures du soir et de la nuit que l’on trouve indiquées dans le document comtemporain, la Vita S. Hypatii, p. 54, sous les noms de lychnikon ou vêpres, protliypnion ou complies, mesonyktion ou matines, et orthros ou laudes matinales. On permettra de citer ici ce texte important ; il y est dit de saint Hypatius mort en 446, que chaque jour du grand carême à sept heures différentes, selon la parole du psalmiste : sept fois le jour j’ai chanté vos louanges, Ps. cxviii, p. 164, il psalmodiait l’office divin : <j>â).).h>v xoi eO-/ôu.£voç ôpôptvi, tp : Tï]v, Ixtyjv, evc(tï ; v,).uyviv.â, Trpto9-J7cvta, (j.s<jovûxTia. L’édification de cette vie consacrée à la prière liturgique amenait aux acémètes de nombreux disciples. L’un des plus célèbres fut le fils du sénateur Eutrope, saint Jean le Calybite, qui, attiré par la renommée de ces moines, s’enfuit de la maison paternelle et revêtit l’habit monacal au grand couvent des acémètes. Plus tard, sous l’habit de mendiant, il fut recueilli par ses parents sans se faire reconnaître d’eux, et finit ses jours dans une cabane à la porte de la maison paternelle : l’histoire de sa vie offre les plus nombreux traits de ressemblance avec celle d’un autre pauvre volontaire : saint Alexis romain.

Il n’est peut-être pas inutile d’observer que les moines acémètes ne formaient point un ordre à part, une congrégation spéciale au milieu des autres moines d’Orient. L’Église grecque n’a pas eu, comme l’Église latine, une multitude de communautés religieuses ayant chacune un but déterminé et exclusif, la contemplation, le soin des malades, la prédication, l’enseignement ou l’étude des lettres divines et humaines ; aucune de ces destinations n’est imposée ni interdite aux moines grecs ; leur règle, la même pour tous, celle de saint Basile, laisse à tous la liberté de suivre leurs dispositions ou leur attrait sous la direction et avec le consentement de l’abbé. Comme tous les autres, les moines acémètes n’ont d’autre règle que celle de saint Basile ; l’obligation qu’ils y ont jointe de la psalmodie perpétuelle ne les sépare point de leurs frères ; c’est un effort de plus vers la perfection et comme le quatrième vœu auquel sont admis, chez les latins, certains religieux plus avancés en vertu.

II. RÔLE DES ACÉMÈTES DANS L’HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTÉRAIRE DE L’ÉGLISE GRECQUE. — Les moines

acémètes tiennent une place considérable dans l’histoire théologique de l’Église grecque. On a vu déjà leur fondateur saint Alexandre et ses premiers disciples empêchés de s’établir à Antioche, puis expulsés de Constantinople par Nestorius dont ils combattaient les erreurs. Le second successeur d’Alexandre, saint Marcel, qui avait défendu l’orthodoxie mise en péril par l’hérésie nestorienne, prit encore avec ses moines une part active à la lutte contre Eutychès en 451 ; il assiste au concile de Chalcédoine et souscrit à la condamnation de l’hérétique, Mansi, Conc.collect., t.vi, col. 749 ; après le conciliabule d Éphèse (449) où la doctrine monophysite avait été, grâce à la violence, proclamée doctrine orthodoxe, l’archimandrite des acémètes recevait de Théodoret, évêque