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ABSTRAITS (TERMES)

tribution (prædicatio, d’après saint Thomas), c’est le fait d’affirmer, clans une proposition, un terme d’un autre terme, d’appliquer à celui-ci la réalité exprimée par celui-là.

II. Usage de ces termes dans les questions relatives a la Trinité. — 1° Les termes abstraits ou concrets employés dans les questions relatives à la Trinité, sont essentiels ou relatifs : essentiels, quand ils signifient la nature divine ou quelqu’un de ses attributs, comme essence, Dieu, divinité, éternité, toute-puissance, etc. ; relatifs, quand ils signifient les personnes et les relations spéciales qui les constituent, comme Père, filiation, etc. — On peut affirmer de ces termes essentiels ou relatifs des actes essentiels ou notionels. Les actes essentiels sont ceux que produit la nature divine : créer, gouverner ; les actes notionels sont ceux qui constituent les personnes, comme engendrer, procéder, et cet acte commun au Père et au Fils que les théologiens appellent la spiratio activa.

2° Quel est le contenu (suppositio) des termes essentiels abstraits ou concrets et des termes relatifs abstraits ou concrets ? — 1. Les termes essentiels concrets enveloppent la nature ou quelque attribut et la personne. « Dieu » désigne la nature divine et en même temps il peut désigner toute personne divine ; de même l’Éternel, le Tout-Puissant, l’Infini, etc. — Cependant les termes essentiels concrets ne jouent pas le même rôle dans les choses divines que dans les choses créées et finies. Dans le créé, ces termes désignent directement la personne et, du même coup, mais subsidiairement, la nature unie à cette personne : le mot « homme » désigne une personne humaine et sa nature d’homme, et il faudrait ajouter une indication spéciale si l’on voulait, parce mot, signifier la nature humaine commune à plusieurs hommes, par exemple il faudrait dire : « L’homme est une espèce. » Au contraire, dans le divin, ces termes, par exemple le mot « Dieu », portent directement sur la nature commune aux trois personnes et ne peuvent signifier immédiatement les personnes qu’au moyen d’une mention particulière. « Dieu » désigne la nature ; pour lui faire signifier une personne, le Père, par exemple, il faudrait dire : « Dieu engendre un Fils ; » ici le contexte montre qu’il s’agit de la première personne. Homo… per se supponit pro persona… non supponit pro natura communi, nisi propter exigentiam alicujus additi… Deus… per se supponit pro natura communi, sed ex adjuncto determinatur ejus suppositio ad personam. S. Thomas, Sum. theol., Ia, q. xxxix, a. 4, ad 3um. — 2. Les termes essentiels abstraits désignent l’essence ou l’une de ses qualités indépendamment de tout substratum ou personne : divinité, toute-puissance, éternité. — 3. Les termes relatifs concrets désignent les personnes avec leurs relations : Père, Fils, Saint-Esprit. — 4. Les termes relatifs abstraits désignent les relations qui constituent les personnes : paternité, libation.

3° De qui peut-on affirmer (prædicare) les ter s abstraits ou concrets essentiels ou relatifs, ainsi que les actes essentiels ou notionels, et que peut-on affirmer de ces termes ou de ces actes ? — 1. Les termes essentiels concrets peuvent s’affirmer d’autres termes essentiels concrets ou abstraits : « le Tout-Puissant est éternel, la toute-puissance est éternelle ; » ils peuvent aussi se dire des tenues relatifs abstraits ou concrets : « la paternité est éternelle, le Père est éternel. » — Dans ce dernier cas, les termes essentiels concrets s’affirment des termes relatifs concrets, au pluriel, s’il sont pris adjectivement : « le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont éternels, tout-puissants », etc. ; ils s’affirment au singulier, s’ils sont pris substantivement : « le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont l’Éternel, le Tout-Puissant, l’Infini, » etc. Cf. le Symbole de saint Athanase. — 2. Les termes essentiels abstraits peuvent s’affirmer des termes essentiels ou relatifs concrets : « Dieu est la toute-puissance, le Père est la toute-puissance. » Ils ne peuvent s’affirmer des termes essentiels ou relatifs abstraits, si ceux-ci sont pris formellement ; on ne peut pas dire que la justice est la miséricorde, que l’intelligence est la volonté, ni que la paternité est la toute-puissance, car les concepts formels répondant à ces termes sont différents. Mais si l’on considère la réalité et si l’on suppose l’identité qui existe entre tous les attributs divins ou entre la nature et les personnes, on peut affirmer que la justice est la miséricorde et que la paternité est la toute-puissance. Dans cette hypothèse, les lois de l’appropriation (voir ce mot) indiquent parmi les attributs essentiels ceux qui doivent s’appliquer de préférence au Père (toute-puissance, etc.), au Fils (sagesse, etc.) ou au Saint-Esprit (bonté, etc.). Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ia, q. xxxix, a. 8. — 3. Les tenues relatifs concrets peuvent s’affirmer des termes essentiels concrets : « le Tout-Puissant est le Père ; » mais ils ne peuvent pas se nier de ces mêmes termes et je ne puis dire : « le Tout-Puissant n’est pas le Fils. » — Ils peuvent encore, et conformément aux lois de l’appropriation, s’affirmer des termes essentiels abstraits : « la toute-puissance est le Père, la sagesse est le Fils, la bonté est l’Esprit-Saint. « Mais ils ne peuvent se dire ni des autres termes relatifs concrets, ni des termes relatifs abstraits. Je ne puis dire : « le Père est le Fils, la paternité est le Fils. » — 4. Les termes relatifs abstraits ne peuvent s’affirmer des termes essentiels abstraits ou concrets : « la toute-puissance est la paternité, le Tout-Puissant est la paternité, » que si l’on suppose l’identité réelle qui confond toutes choses divines en l’infinie simplicité. — Ils ne peuvent s’affirmer ni des termes relatifs concrets ni des autres termes relatifs abstraits : « le Père est la filiation, la paternité est la filiation. » — 5. Les actes essentiels peuvent s’attribuer aux noms essentiels concrets : « Dieu connaît, l’Éternel connaît. » Ils s’attribuent aux noms essentiels abstraits dans les mêmes conditions que les termes abstraits, c’est-à-dire que je puis affirmer que la volonté connaît, si j’envisage l’identité réelle entre la volonté, et ce qui connaît ; mais je ne le puis, si je considère seulement le contenu logique et formel des concepts, car ce n’est pas la volonté, mais l’intelligence qui connaît. — Les actes essentiels s’attribuent aux noms relatifs concrets suivant les lois de l’appropriation et à la manière des termes essentiels abstraits. Je puis dire : « l’Esprit-Saint sanctifie. » Enfin les actes essentiels ne peuvent s’attribuer aux noms relatifs abstraits. Je ne puis dire : « la paternité connaît, veut, ou crée. » — 6. Les actes notionels peuvent s’affirmer des termes essentiels concrets : « Dieu engendre, Dieu procède, » et ne peuvent se nier d’eux. Je ne puis dire : « Dieu ne procède pas. Dieu n’engendre pas. » Ils ne peuvent s’attribuer aux termes essentiels abstraits qu’à la condition de supposer la simplicité divine et l’identité de toutes qualités et de toutes activités en Dieu : « la divinité engendre, la divinité procède, la sagesse engendre la sagesse. » Les actes notionels s’attribuent aux seuls noms relatifs abstraits ou concrets qui leur correspondent. On doit dire : « le Père engendre, la paternité engendre, » mais on ne saurait dire : « le Fils ou la filiation engendre. »

4° Avant de juger et surtout de proscrire une formule il est indispensable de consulter l’usage ou le contexte. Très souvent, le contexte explique et justifie une formule qui, prise en elle-même, est condamnable et même condamnée. En outre, l’usage seul fait qu’en latin on peut dire : Deus esl trinus, et que l’on ne peut pas dire : Deus est triplex.

S. Thomas, Sum. theol., Ia, g. xxxix, et ses commentateurs ; Salmanticenses, De SS. Trinitatis mysterio, disp. XVII ; Denzinger, Enchiridion, n. 222 sq., n. 355 sq., Wurzbourg, 1874 ; C. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, t. ii, n. 614, 648 sq., Fribourg, 1896 ; Hurter, Theologiæ dogmaticæ compendium, t. ii, n. 227 sq., 9e édit, Inspruck, 1896.