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ABSTINENCE. MOTIFS DE LA LOI. — ABSTINENCE DU SANG.

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exiger une nourriture plus substantielle, l’abstinence générale du carême est fort mitigée ; celle du samedi, encore pratiquée dans certains diocèses, ne l’est presque plus dans certains autres, et des induits pontificaux rendent légitimes ces entailles au droit commun. Enfin, même pour l’abstinence du vendredi à laquelle cependant elle tient davantage, l’Église admet bien des tempéraments et accorde des dispenses presque définitives, soit aux personnes de constitution faible et maladive, soit aux ouvriers voués à des travaux pénibles.

D’ailleurs, une expérience d’une vingtaine de siècles l’a suffisamment démontré : on ne voit pas que les violateurs de la règle du maigre se portent mieux et vivent plus longtemps. Nous irons même plus loin dans nos conclusions, car la vérité en est évidente : dans les ordres religieux où le maigre est perpétuel, on trouve, proportion gardée et toutes choses égales, plus de vieillards que parmi les gens du monde. Dira-t-on que chez les moines la régularité de vie supplée, en quelque sorte, à l’insuffisance de l’alimentation ? En un certain sens, c’est vrai, peut-être : la régularité est prescrite par la bonne hygiène ; mais on aurait tort de lui attribuer une influence prépondérante au point de compenser, à elle seule, la privation de la nourriture d’origine animale, si celle-ci était ordinairement et pour tous aussi nécessaire que plusieurs auteurs l’ont prétendu.

T. Ortolan.

VIII. ABSTINENCE du sang etdes viandes suffoquées. Pour bien étudier cette question, nous la suivrons dans l’Ancien et le Nouveau Testament et dans l’histoire des diverses Églises. C’est par là qu’on pourra surtout apprécier la signification que les différentes chrétientés ont attachée à cette prescription.

I. Ecriti re sainte.

1° Ancien Testament. — La première défense de manger des viandes avec du sang se trouve dans ce qu’on appelle, parmi les exégètes, la législation ou mieux 1 alliance noac/tiaue. Après le déluge, lisons-nous dans la Genèse, IX, Dieu bénit Noé et ses enfants et leur imposa diverses prescriptions. Auꝟ. 4, Dieu défend de manger de la viande avec du sang. — Les trois textes hébreu, grec et latin ont, il est vrai, de légères variantes ; mais le fond est le même. La substance du précepte est de ne pas manger de la viande avec du sang. — Le Lévitique revient à deux reprises sur cette défense. Au c. iiv 26, nous lisons : « Vous ne cboisirez comme nourriture le sang d’aucun animal, aussi bien des oiseaux que des animaux terrestres. » Le verset suivant énonce la sanction contre les violateurs de ce précepte : « Toute âme qui aura mangé du sang périra du milieu de ses peuples. » — La même défense est renouvelée au c. xvii, 14 : « L’âme de toute chair est dans le sang ; c’est pourquoi j’ai dit aux enfants d’Israël : "Vous ne mangerez le sang d’aucune chair, parce que l’âme de la chair est dans le sang, et quiconque aura mangé du sang périra. » — Enfin le Deutéronome promulgue le même précepte. Dieu permet, xii, 15, de manger de la viande de toute espèce d’animaux ; cependant il fait (f. 16) une exception pour le sang : « Excepté la nourriture du sang, que lu répandras par terre comme de l’eau. » — Ce sont là tous les renseignements que nous trouvons dans l’Ancien Testament.

Nouveau Testament.

Le Nouveau Testament ne nous offre que trois documents relatifs à l’abstinence du sang et des viandes suffoquées. Tous les trois sont contenus dans les Actes des apôtres. — Le c. xv nous raconte que les apôtres se trouvaient à Jérusalem, lorsque certains pharisiens enseignaient qu’il fallait observer les rites mosaïques. Saint.Jacques prend la parole après saint Pierre et dit que, pour les gentils qui se convertissent au christianisme, il faut se contenter (^. 21)) « de leur écrire de s’abstenir des souillures des viandes immolées, de la fornication, des viandes suffoquées et du

sang ». — Ce même chapitre nous rapporte un autre fait. Des discussions s’étaient élevées dans l’Église d’Antioche à propos de l’observance de la circoncision mosaïque. La cause fut soumise au jugement des apôtres ; ceux-ci envoyèrent à Antioche Paul, Barnabe et Silas, porteurs d’une lettre pour faire part aux chrétiens de leur décision. Ils ne veulent, avec l’assentiment du Saint-Esprit, que leur imposer les obligations nécessaires (v. 28) ; c’est « qu’ils s’abstiennent des viandes immolées aux idoles, du sang, des viandes suffoquées et de la fornication » (f. 29). — Saint Paul arrive à Jérusalem et loge dans la maison de Jacques. Les fidèles, qui viennent le voir et s’entretenir avec lui, lui déclarent, xxi, 25, « que pour les gentils qui ont embrassé la foi, ils leur ont écrit pour leur enjoindre de s’abstenir des viandes immolées aux idoles, du sang, des viandes suffoquées et de la fornication. »

IL Conciles. — L’Église, soit dans des constitutions d’une certaine portée, soit dans ses conciles, s’occupa à plusieurs reprises de cette question. Les premiers documents de ce genre nous sont fournis par les canons apostoliques. Le canon 63 (alias 62) est ainsi formulé : « Eî’tiç ÈTteffxoTioç vî 71p£<r(}ÛTepo ; r ( Stâxovo ; r, 5Xu> ; toû Lxroù.àyov toO îspaTtxov cpâyr) xpsa èv ai’u.ocTi’^’JL’ô ; ajTO-j : r] 6ï)piâ).ti)Tov v) 6vï)di|j : aîov, xaQatpei<T6a>’toOto yàp ô vô|xo ; àiteÏTtev. El oh).aixô ; s ïr, , àçoptsÉ<>9<>>-" : Si quelque évêque, ou prêtre, ou diacre, ou un autre membre de l’ordre des clercs, a mangé de la viande dans le sang de son âme, ou de la viande d’un animal pris par une bète ou mortifié, qu’il soit déposé parce que cela est défendu par la loi. Si c’est un laïque, qu’il soit séparé [de la société des fidèles]. » — Le synode de Gangres, métropole de la Paphlagonie, en Asie Mineure, tenu très probablement entre 313 et 381, renouvelle la même défense dans son canon 2 : « El’ttç ladio-j-m vioict. (xiopç atixaTo ; xal eïâtoXoÔÙTO’J xai 7tvixtou) (j.îT’eO).sfJEia ; , xa 7rt’<TTEa> ; xaroxpcvoi, â>ç av Sià xb [xsTaÀajj.Sàvsiv â), 7ttSa [xy) à’-/ov-a, àvâÔEfx.a ïgtw : Si quelqu’un condamne celui qui mange de la viande (mais qui s’abstient de manger du sang ou bien des mets immolés aux idoles, ou bien des animaux étouffés), et qui est chrétien et pieux, et s’il croit qu’il n’y a plus pour lui d’espoir de salut, qu’il soit anathème. » — Le IIe synode d’Orléans (533) insiste sur le même point dans son canon 20 : « Les catholiques qui reviennent aux idoles, ou qui mangent des mets offerts aux idoles, doivent être exclus de tout rapport avec l’Église : il en sera de même de ceux qui mangent des animaux étouffés ou bien des animaux tués par d’autres bêtes. » — Enfin le concile Quinisexte (602) promulgue de nouveau cette prescription dans son canon 67 : « La sainte Écriture avait déjà défendu de manger le sang des animaux ; par conséquent le clerc qui se nourrira du sang des animaux sera déposé, et si c’est un laïque, il sera excommunié. »

III. Disparition de cette pratique dans l’Église latine. — Cette abstinence n’existe plus dans l’Église latine. Il convient d’en suivre les vicissitudes historiques à travers les siècles.

L’Église latine observait encore vers l’an 400 l’abstinence du sang et des viandes suffoquées, comme l’atteste le témoignage de saint Augustin. Contra Faustum, xxxii, 13, P. L., t. xlii, col. 503. C’est là une indication chronologique claire et précise.— Au VIIIe siècle, nous constatons que cette pratique est encore en vigueur. Le pape Grégoire III défendit, sous peine de quarante jours de pénitence, de manger du sang et des animaux étouffés. ttarilouln, Acta concUiorum, Paris, 1714, t. iii, col. 1876. Gralien a inséré dans sa collection ce canon du pape Grégoire III (dist. XXX, c. 13). — Nous ne pouvons pas savoir au juste en quelle année et pour quelle cause

cette pratique disparut dans l’Eglise latine. Nous avons pourtant un document historique qui nous atteste que, au IX 1’siècle, cette pratique fut abolie par l’autorité du