Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
264
ABSTINENCE CHEZ LES GRECS

ment qu’une seule fois dans la même journée. La première de ces prohibitions, la seule dont il sera question dans le présent article, porte, dans l'Église grecque, le non canonique de xérophagie, analogue de celui d’abstinence dans l'Église latine ; la seconde, canoniquement désignée sous le nom de monophagie, répond à notre jeûne (voir ce mot).

I. Nature et époque des diverses abstinences. — La xérophagie ou abstinence, comme le nom grec lui-même l’indique, entendue dans son sens rigoureux, ne comporte que l’usage d’aliments secs, c’est-à-dire qui ont la propriété de dessécher ; de sorte que, d’aprés saint Épiphane, Expositio fidei, c. xxii, 'P. G., t. xlii, col. 828, elle n’admettrait que l’usage du pain, du sel et de l’eau. Les Constitutions apostoliques, I. V, c. xviii, 'P. G., t. i., col. 889, autorisent en outre aux jours de stricte xérophagie l’usage des légumes et des fruits. Les aliments rigoureusement prohibés en ces jours sont donc la viande, le poisson, les œufs, le lait, le beurre, le fromage, l’huile et le vin. Nicolas le grammairien, patriarche de Constantinople de 1084 à 1111, détermine de cette manière les règles de la xérophagie d’après les saints Pères, dans une lettre à un évêque du nom de Théophile. Pitra, Spicilegium Solesmense, Paris, 1858, t. iv, p. 482. C’est donc bien là, malzré des divergences pratiques en certains lieux, la notion traditionnelle de l’abstinence rigoureuse dans l'Éslise grecque, telle qu’elle reste encore canoniquement prescrite pour les fidèles de cette Église, aux jours de pénitence plus stricte, c’est-à-dire : a) les mercredi et vendredi de chaque semaine ; b) tous les jours du grand carême, y compris les samedis et les dimanches, à l’exception du dimanche des Rameaux où l’huile et le vin étaient permis autrefois et où maintenant le poisson lui-même est autorisé ; c) les vigiles de Noël et de l'Épiphanie. La xérophagie stricte paraît n’avoir été obligatoire que les jours de jeûne proprement dit qui sont ceux énumérés ci-dessus.

Une seconde sorte d’abstinence moins rigoureuse que celle-là a été et est encore en usage dans l'Église grecque, à certains autres jours de pénitence moins stricte. Elle consiste à s’interdire l’usage seulement de la viande, des œufs et du laitage, et quelquefois aussi, mais non partout ni toujours, du poisson. Cette abstinence de second degré doit être gardée, d’après la discipline de l'Église grecque encore en vigueur : a) tous les jours du carême des saints apôtres, c’est-à-dire canoniquement, depuis le lundi qui suit la fête de tous les saints, fixée au premier dimanche après la Pentecôte, jusqu'à la fête des saints Pierre et Paul, 29 juin ; b) pendant tout le carême de la sainte Vierge lequel dure depuis le 1er août jusqu’au 14 du même mois inclusivement ; c) tous les jours de l’Avent ou carême de Noël, dit aussi carême de saint Philippe, et qui devait durer réguliérement du 15 novembre au 24 décembre inclusivement ; d) le jour de la Décollation de saint Jean-Baptiste, 29 août ; e) le jour de l’Exaltation de la Sainte-Croix, 14 septembre.

Avant d’aller plus loin dans l'étude de l’abstinence il est nécessaire de placer ici quelques remarques importantes. D’abord, les règles canoniques fixant les abstinences obligatoires pour les fidèles et dont il à été question jusqu’ici, sont encore aujourd’hui les mêmes qu’il y a plusieurs siècles. Les modifications qui y ont été introduites proviennent, soit de coutumes locales, soit de dispenses plus ou moins étendues, mais sans que la législation elle-même ait été changée. Celle législation, dans ses lignes générales, est la même pour les grecs unis et pour les grecs non-unis ; les premiers n’y peuvent rien changer sans l’intervention expresse du souverain pontife. Benoit XIV, Decretum Demandatam, § 6, Benedicti XIV Bullarium, Venise, 1778, t. i., p. 128. L’usage du vin et de l’huile, autrefois interdit les jours de stricte xérophagie, est aujourd’hui toléré par la coutume, et même en plusieurs lieux celui du poisson, excepté la première et la dernière semaine du grand carême, où ce dernier aliment reste prohibé partout ailleurs que chez les italo-grecs à qui Benoit XIV a concédé la faculté d’en user toujours. Bulle Et si pastoralis, § 9, n. 12, ibid., t. i. p. 81. Cependant une coutume déjà assez ancienne, puisque Goar la mentionne comme répandue partout chez les grecs de son temps, permet d’user d'œufs de poissons, d’escargots, de poulpes et autres animaux de même nature qu’on réputait exsangues. Euchologium, Venise, 1730, p. 175.

Il faut remarquer aussi, relativement à la durée des divers temps de l’abstinence, que quelques réductions ont été opérées par la coutume. C’est ainsi que le grand carême dans lequel la xérophagie est obligatoire, et qui commence le lundi de notre Quinquagésime pour ne finir que le dimanche de Pâques, était autrefois précédé d’une semaine d’abstinence mitigée, sorte de préparation à celle plus rigoureuse de ce carême, et comportant seulement la défense de manger de la viande, tout en laissant la faculté de se nourrir d'œufs, de laitage et de poisson. Cette pratique qu’un certain nombre d’auteurs et même le Triodion, livre ecclésiastique en usage chez les grecs, font remonter à l’empereur Héraclius, et qu’ils présentent comme la conséquence d’un vœu fait par ce prince au moment de ses longues guerres contre les Perses, est présentée par d’autres comme une transition sagement ménagée entre les jours où toute nourriture est permise et les rigueurs du grand carême. Nilles, Kalendarium, Inspruck, 1885, t. ii., p. 36 sq. Elle parait d’ailleurs antérieure à Héraclius puisqu’au ive siècle, le carême comptait déjà huit semaines à Jérusalem. S. Sylviæ peregrinatio, Biblioth. dell’Accadem. stor., Rome, 1887, t. iv. Quoi qu’il en soit de l’origine de cette abstinence supplémentaire précédant le carême proprement dit, elle était encore observée au xviie siècle, mais elle est depuis tombée en désuétude, en un grand nombre de lieux au moins, sinon partout ; le synode de Zamosce (1720), tit. xvi, Collectio Lacensis, Fribourg-en- Brisgau, 1869, t. ii, la montre encore pratiquée chez les ruthènes. Quant au carême des saints apôtres dont la durée est nécessairement variable, subordonnée qu’elle est au temps inobile où se célébre la fête de Pâques, il ne compte plus réguliérement et uniformément que douze jours, depuis le 16 jusqu’au 28 juin inclusivement, pour les grecs unis ou melchites catholiques de l’Orient. Cette modification a été introduite pour eux en 1857, époque où ils ont adopté le calendrier grégorien. Ces mêmes grecs unis d’Orient ont réduit aussi à quinze jours l’abstinence qui précède la fête de Noël, et ne l’observent plus que du 10 au 24 décembre inclusivement. D’autres réductions ont été faites à ces deux temps d’abstinence à diverses époques et en divers lieux. C’est ainsi que Balsanon, 'P. G., t. cxxxviii, col. 1001, constate déjà des observances différentes dans ses réponses à la 53e question de Marc d’Alexandrie, relativement à l’abstinence des saints apôtres ; Siméon de Thessalonique, 'P. G., t. clv, col. 900, ne parle que d’une semaine dans ses Réponses à Gabriel, question 54e, pour la durée de cette même abstinence ; Goar dit de même, à l’endroit déjà cité de son Euchologium, que les grecs n’observaient plus que sept jours d’abslinence avant la fête de Noël ; enfin chez les ruthènes, on trouve aussi des réductions de même nature. Synode de Zamosc, tit. xvi. 'loc. cit.

II. JOURS OÙ IL Y A DISPENSE PLUS OU MOINS COMPLÈTE DE L’ABSTINENCE. — D’après la discipline de l'Église grecque unie où non-unie, la stricte xérophagie et l’abstinence de second degré cessent d'être obligatoires en tout ou en partie, à certains jours de fêtes indiqués dans les rubriques des livres liturgiques, lorsque ces fêtes viennent à tomber un mercredi ou un vendredi ordinaire, ou un autre jour compris dans la durée des diverses carémes. Il y a exemption totale de l’abstinence :