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ABSTÈME — ABSTINENCE CHEZ LES GRECS

Histoire dogmatique, liturgique et archéologique du sacrement de l’eucharistie, Paris, 1885, t. I., p. 627.

L. Jérome.

ABSTINENCE. On fera l’histoire de la loi de l’abstinence et des mitigations qui y ont été apportées en ces derniers temps, dans les divers pays de l’Église lutine, aux mots Jeûne et Carême. Nous nous bornerons ici à faire connaitre la pratique de l’abstinence dans l’ensemble de l’Église latine, aussi bien que chez les grecs, les russes, les syriens, les arméniens et les coptes. Nous ajouterons un article sur les motifs de la loi de l’abstinence et un autre sur l’abstinence du sang et des viandes suffoquées.

I. ABSTINENCE dans l’Église latine. L’abstinence est une pratique de pénitence extérieure qui consiste à se priver de l’usage des aliments gras ou apprêtés au gras. On dit faire maigre, faire gras, pour dire qu’on garde l’abstinence ou qu’on ne la garde pas. On appelle jours maigres ceux où l’abstinence est de rigueur.

Les aliments gras sont la chair, le sang, la graisse et la moelle des animaux qui naissent et vivent sur la terre et des oiseaux. Les végétaux, les poissons et les animaux terrestres qui ont le sang froid, comme les mollusques, les écrevisses, les tortues, les grenouilles, constituent les aliments maigres permis les jours d’abstinence. Les animaux amphibies sont rangés dans la catégorie des animaux avec lesquels ils ont le plus de ressemblance. Pour résoudre les cas douteux il faut consulter l’autorité ecclésiastique, tenir compte des appréciations des savants, se conformer aux coutumes locales et suivre la conduite des chrétiens instruits et consciencieux. Lorsque le doute est invincible, il est à propos de se souvenir que les lois en général et en particulier les lois prohibitives ne peuvent restreindre la liberté, si leurs prescriptions et leurs défenses ne sont pas connues avec une pleine certitude.

L’abstinence n’est obligatoire qu’en vertu de l’autorité de l’Église qui use du pouvoir législatif et disciplinaire qu’elle a reçu de son fondateur pour imposer aux chrétiens cet acte de mortification. Tous les catéchismes parlent de l’abstinence au chapitre des commandements de l’Église. La loi naturelle qui oblige les pécheurs à faire pénitence ne détermine aucun moyen particulier de satisfaire à cette obligation. La loi divine mosaïque, qui interdisait aux Juifs l’usage de certains aliments, est abrogée Voir Abrogation de la loi mosaïque. L’Évangile n’entre dans aucun détail à ce sujet. Donc, c’est dans le code ecclésiastique qu’il faut chercher les lois qui règlent la pratique de l’abstinence. Il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet.

Le précepte de l’abstinence, même lorsqu’elle est séparée du jeûne, oblige sous peine de péché mortel. Les théologiens sont unanimes sur ce point, bien qu’ils adinettent la légèreté de matière dans sa violation. Leur unanimité cesse des qu’il s’agit de déterminer les limites où finit cette légéreté de matière et où commence la matière suffisante pour le péché grave. Les plus rigides ne regardent comme légère que la quantité plus ou moins inférieure à une once de nourriture, les moins sévères regardent comme matière grave deux onces de nourriture. Les uns et les autres adinettent qu’il y a lieu d’être plus large, s’il s’agit de jus de viande et des condiments extraits de la chair, que s’il s’agit de la chair elle-même.

En dehors des jours de jeûne, le vendredi est le seul jour de la semaine où l’abstinence soit prescrite dans tout l’univers chrétien. L’abstinence du samedi est obligatoire, mais seulement dans certains pays. Beaucoup de diocèses ont obtenu d’en être dispensés. Les souverains pontifes ont toujours refusé d’accorder la dispense universelle et perpétuelle. Il faut s’en tenir sur ce point aux coutumes locales pour imposer l’obligation ou user de la dispense. Ce n’est qu’en vertu de coutumes particulières que l’abstinence est imposée aux fidèles, dans certains diocèses de France, les trois jours des Rogations et la vigile de saint Marc.

La loi de l’abstinence n’est obligatoire que pour les chrétiens jouissant de l’usage de la raison et ayant atteint l’âge de sept ans accomplis. L’obligation n’existe plus dans les cas où la loi ne peut être observée sans un grave inconvénient. Ainsi les chrétiens qui sont dans l’impuissance physique ou morale de faire abstinence n’ont pas besoin de dispense.

Lorsqu’il y a doute sur la gravité des difficultés qui s’opposent à l’observation de la loi, il convient de recourir à l’autorité pour obtenir la permission de prendre des aliments gras.

En général, on regarde comme légitimement dispensés de la loi de l’abstinence les personnes malades et infirmes qui ne pourraient la garder sans danger. Il en est de même des pauvres qui mendient leur pain et de ceux qui ne peuvent se procurer des aliments maigres en quantité suffisante. Les ouvriers qui se livrent à des travaux fatigants sont dispensés pour cause d’impossibilité. Les voyageurs sont tenus de faire des instances sérieuses pour être servis au maigre dans les hôtelleries. Les domestiques doivent, en gardant les lois de la prudence, faire connaitre leur désir de garder l’abstinence et se placer chez des maîtres respectueux des lois de l’Église, autant que cela leur est possible sans de graves diflicultés. Les membres d’une même famille peuvent se conformer à la conduite du chef et profiter de la dispense obtenue par un des membres, s’il n’est pas facile d’agir autrement. Les soldats en campagne ou en garnison sont dispensés de l’abstinence durant toute l’année. Les chefs qui prennent leur nourriture chez eux ne sont pas dispensés de droit, mais de fait, l’usage contraire semble se généraliser et le cardinal Gousset, Théologie morale, Paris, 1874, t. I., p. 121, exhorte les confesseurs à le tolérer.

Lorsque la fête de Noël tombe le vendredi ou le samedi, l’abstinence est supprimée, ces jours-là, dans tout l’univers, pour les fidèles qui n’y sont pas obligés par des vœux ou des règles particulières.

D’autres articles étant consacrés ailleurs à l’histoire de l’abstinence et aux motifs de son institution, ce que nous en disons ici peut suffire pour rappeler au lecteur les enseignements de la théologie sur sa nature et son application à l’époque où nous vivons.

Gury-Ballerini, Compendium theologiæ moralis, Rome, 1888, n. 485-487, t. I., p. 451, 452 ; Marc, Institutiones morales, Lyon, 1887, n. 1223, 1224, 1244-1248, t. I., p. 788, 802 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, Fribourg-en-Brisgau, 1898, n. 1207-1209, t. I., p-770-772.

L. Boussac.

II. ABSTINENCE chez les grecs unis et non unis.

— I. Nature et époque des diverses abstinences. II. Jours où il y a dispense plus ou moins complète de l’abstinence. III. Abstinence monastique. IV. Histoire des temps d’abstinence.

Comme toutes les Églises chrétiennes constituées avant l’invasion du protestantisme, l’Église grecque a de tout temps imposé à ses fidèles, à certains jours déterminés et en esprit de pénitence, la privation de tels ou tels aliments. Cette privation canonique d’aliments comporte, dans cette Église aussi bien que dans l’Église latine, deux sortes d’obligations bien distinctes, quoique les auteurs grecs les désignent ordinairement l’une et l’autre sous le nom générique de jeûne : la première concerne exclusivement la nature des aliments prohibés dont elle interdit l’usage en certains temps, tout en laissant la faculté d’user de ceux qui restent permis quand et comme on le veut, pour l’heure et la quantité ; la seconde restreint l’usage même des aliments qui restent permis et ne le concède qu’à une heure déterminée et générale-