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ABSOLUTION GÉNÉRALE

avaient le pouvoir d’appliquer l’indulgence en question. « Avant Benoît XIV, écrit Béringer, Les indulgences, Paris, 1893, t. i, p. 507, les papes avaient coutume d’accorder ce pouvoir pour deux ans aux évêques d’Italie, pour trois ans à ceux d’au delà des monts, et pour dix ans à ceux de l’Inde. Les évêques cependant n’avaient le droit d’exercer ce pouvoir que par eux-mêmes ou par leur coadjuteur de l’ordre épiscopal. Ce n’est qu’en cas de besoin et seulement la nuit, qu’ils pouvaient déléguer de simples prêtres pour donner l’absolution générale ou la bénédiction apostolique avec l’indulgence plénière. »

Le 5 avril 1747, parut la bulle Pia Mater du pape Benoît XIV. Le saint pontife y affirme la sollicitude constante de l’Église qui témoigne son amour maternel à tous ses enfants en les protégeant jusqu’au delà du tombeau. Il rappelle que ses prédécesseurs ont autorisé les évêques, à donner, en maintes circonstances, la bénédiction avec indulgence plénière aux mourants. Mais, ajoute-t-il, trop de restrictions encore limitent cette faveur, et à cause de ces restrictions trop d’âmes sont privées d’une si grande grâce. C’est pourquoi, après avoir confirmé les induits anciens, Benoit XIV les complète en autorisant les évêques à donner la bénédiction apostolique à l’heure de la mort, non seulement pendant une période limitée de deux, trois ou dix ans, mais pendant tout le temps qu’ils gouverneront leur diocèse. De plus, ils peuvent subdéléguer le pouvoir qu’ils reçoivent à tous les prêtres séculiers et réguliers de leur diocèse, autant qu’ils le jugeront nécessaire, et cela non seulement pour la nuit, mais aussi pour le jour. Ce pouvoir une fois concédé à un évêque ou à un prêtre ne cessera pas à la mort ou au départ de celui qui l’a accordé, mais durera pour chaque dépositaire jusqu’à révocation. Benedicti XIV Bullarium, t. ii, p. 129-133.

II. Ministre de la bénédiction apostolique. — Le souverain pontife est ministre de la bénédiction apostolique à l’article de la mort, en vertu de son pouvoir propre. Les évêques reçoivent délégation pour la donner pendant toute la durée de leur administration dans un diocèse. Les simples prêtres, séculiers ou réguliers, peuvent la donner aussi, pourvu qu’ils soient délégués par l’évêque du diocèse où ils exercent leur ministère. Tout ceci ressort évidemment de la bulle Pia Mater. En fait, « dans la plupart des diocèses, dit Béringer, loc. cit., p. 504, le pouvoir de conférer l’indulgence plénière à l’article de la mort s’accorde à tous les prêtres qui ont charge d’âmes. » Souvent même la concession est plus large, et le pouvoir en question est concédé à tous les prêtres approuvés pour recevoir les confessions.

Quelle formule employer ? Benoît XIV en a rédigé une qui est obligatoire et que le prêtre ne peut changer sous peine de nullité de l’indulgence. « Nous avons rédigé une nouvelle formule et nous prescrivons que désormais elle soit employée par tous : quam ab omnibus in posterum usurpari præcipimus. » Bulle Pia Mater, loc. cit., p. 132. Le lecteur trouvera la formule de Benoit XIV dans toutes les éditions du rituel et du bréviaire romains.

On adressa en 1841, à la S. C. des Indulgences, la question suivante : Un prêtre donne-t-il validement l’indulgence plénière à l’article de la mort, si, manquant de livre, il n’emploie pas la formule prescrite par le souverain pontife ? — Réponse du 5 février 1841 : « L’absolution n’est pas valide, parce que la formule n’est pas seulement directive mais préceptive. » Falise, S. Cong. Indulgentiarum resolutiones authenticæ, Louvain, 1862, t. i, p. 166. — Deux autres réponses de la même date disent que le Confiteor doit être récité avant la bénédiction apostolique, quand même on l’aurait récité déjà deux fois quelques instants auparavant pour la communion et l’extrême-onction, à moins que le malade ne soit à toute extrémité, auquel cas on commencerait tout de suite la bénédiction : Dominus noster, etc. Falise, loc. cit., p. 165.

III. Sujet. — D’après le rituel romain qui reproduit le texte même de la bulle Pia Mater, on doit donner la bénédiction apostolique à l’article de la mort, « aux malades qui l’ont demandée quand ils avaient encore pleine possession de leurs facultés et de leurs sens, ou qui l’auraient demandée probablement s’ils avaient pu, ou qui ont donné des signes de repentir, quand même ces malades auraient perdu tout usage de la parole et des autres sens, quand même ils seraient tombés dans le délire ou la folie. Sont exclus seulement les excommuniés, les impénitents, et ceux qui meurent manifestement en état de péché mortel. » En résumé, il faut conférer la bénédiction avec indulgence plénière à tous ceux à qui on donne l’absolution sacramentelle et l’extrême-onction. Les enfants peuvent la recevoir avant d’avoir fait la première communion, pourvu qu’ils aient l’âge de discrétion. Décret de la S. C. des Rites, 16 déc. 1826, dans Gardellini, Decreta auth. Cong. S. Rituum, Rome, 1857, t. iii, app., p. 16-20.

Pourrait-on donner la bénédiction apostolique simultanément à plusieurs malades ? — La S. C. des Indulgences a répondu le 10 juin 1884 : « On peut tolérer que le prêtre exhorte plusieurs malades à la fois et récite sur eux, au pluriel, les prières qui précèdent la bénédiction proprement dite ; mais à partir de ces paroles : Dominus noster, la formule doit être répétée sur chaque malade en particulier. » Béringer, op. cit., t. i, p. 515.

Faut-il attendre que le malade soit en danger de mort imminente ? — Une décision répond à ce doute : « Il faut que la maladie soit grave et le danger de mort réel, quoique non imminent ; on peut, par conséquent, donner toujours la bénédiction apostolique après l’administration des derniers sacrements. » Décret de la S. C. des Indulgences du 19 déc. 1885, dans Béringer, t. i. p. 517.

Enfin certaines conditions sont requises de la part du malade pour qu’il obtienne effectivement l’indulgence plénière. Il faut d’abord qu’il soit en état de grâce, qu’il ait reçu les sacrements si leur réception était possible, ou que, dans le cas contraire, il ait la contrition parfaite de ses péchés. Benoit XIV exige en outre deux conditions spéciales : 1° le mourant doit invoquer de cœur, sinon de bouche, le saint nom de Jésus ; 2° il doit accepter avec résignation, comme venant de Dieu et en expiation de ses péchés, les souffrances de la dernière heure. C’est au prêtre d’assurer, dans la mesure du. possible, ces bonnes dispositions du pénitent. Bulle Pia Mater, loc. cit.

IV. Efficacité et réitération. — L’indulgence plénière, que porte la bénédiction apostolique, n’est gagnée par le fidèle qu’au moment précis de la mort, c’est-à-dire au dernier instant de son existence terrestre. Donc cette indulgence ne peut être gagnée qu’une fois par chaque fidèle. Quand la bénédiction apostolique a été une fois donnée, l’indulgence reste réservée pour ne s’appliquer qu’à l’heure de la mort. Voir réponse de la S. C. des Indulgences du 23 avril 1675, dans Falise, loc. cit., p. 164-165.

Une conséquence de ce que nous venons de dire, est que la bénédiction apostolique ne doit pas être réitérée pendant la même maladie. D’ailleurs ce point est incontestable en raison des décisions romaines. « Nous avons à ce sujet, écrit Béringer, t. i, p. 517, toute une série de déclarations de la S. C. des Indulgences. Il en ressort qu’il n’est pas permis de réitérer cette bénédiction, lors même que le malade l’aurait reçue en état de péché mortel ou qu’il serait retombé dans le péché après l’avoir reçue ; que ni le prêtre ni aucun autre n’a le droit de donner une seconde fois cette bénédic-