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ABSOLUTION DES PÉCHÉS SOUS FORME DÉPRÉCATOIRE

Pari-, 1072. p. iOT. Il no s’y occupe guère d’ailleurs que de la liturgie grecque. Il tient pour invalides les formules d’absolution dos euchologes grecs, parce qu’elles sont déprécatoires, ibid., p. 428, et regarde comme valide cette formule indicative : « Je vous tiens pour absous, » et quelques autres équivalentes que, selon lui, beaucoup de prêtres employaient, bien qu’elles ne fussent pas dans leur livres liturgiques. Ibid., p. 128, 431. Un peu plus tard, en 1651, cet aspect de la question l’ut repris avec beaucoup plus de développement et dans un tout autre esprit par l’oratorien français Jean Morin (-|- 1659). Dans son ouvrage, Comment, hisl. <lidisciplina m administi’atione sncramenti psenitentise, l. VIII, c. viii-xxiii, édition d’Anvers, 1682, p. 529-588, il rapporte des documents pour établir que la forme de l’absolution a été déprécatoire en Occident jusqu’au xiiie siècle et qu’elle l’est encore dans les Églises orientales, parmi lesquelles d’ailleurs il n’a étudié que l’Église grecque. Il soutient même que la forme de l’Église latine pourrait encore être tenue pour déprécatoire et consister dans ces mots In nomine Palris et Filii et Spiritus Sancti, dont les mots Ego te absolvo ne seraient qu’un complément accessoire. Ibid., c. xviii, n. s, p. 569. Mais il ne s’arrête pas à cette interprétation singulière dont il n’a pas besoin pour la théorie qu’il défend. Il admet en effet pour tous les sacrements que leur matière et leur forme n’ont été déterminées par Jésus-Christ que d’une manière purement générale, mais que l’Église a reçu le pouvoir de les déterminer plus spécialement. Il pense que l’Eglise a exercé ce pouvoir pour le sacrement de pénitence, ibid., cxvii, p. 566 sq., et qu’ainsi les formules d’absolution, employées en divers lieux et en divers temps sont toutes valides.

4° Depuis le milieu du xvw siècle. Trois opinions principales. — De nouvelles recherches de l’érudition apportèrent de nouvelles preuves en laveur des assertions bis toriques de Alorin. Aussi depuis le milieuduxviie siècle, les théologiens se préoccupèrent-ils des différences signalées par le savant oratorien entre les liturgies anciennes ou orientales et le rituel latin moderne. Mais deux courants s’établirent dans les écoles théologiques.

— 1. L’un tint plus compte des données de l’érudition et suivit l’opinion de Morin. Il domina à la fin du xviie siècle et au xvine siècle, surtout à la Sorbonne. Il est représenté par Duhamel († 1706), Witasse († 1716), Tounely († 1729), Juénin († 1727), Drouin († 1742), Golti († 1742), Sardagna († 1775). Cette opinion a aussi été adoptée par saint Alphonse de Liguori († 1787), Traité contre les hérétiques, c. vi, p. 75, Œuvres traduites, Paris, 1836, t. xix, p. 442. Elle est enseignée aujourd’hui par Hurter, De sacramento psenitenlise, Theologise dogni. compendium, Inspruck, 1881, t. iii, p. 418 ; Schanz, Die Lehre von den heiligen Sacramenten, § 39, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 542 ; Tanquerey, Synopsis theologise dogmalicæ, De psenitent. sacram., p. 49, Paris, 1895. Une partie de ces auteurs pensent que les formules adoptées par l’Église ne sont valides que pour les temps et les lieux où elles sont adoptées, et par conséquent que la forme déprécatoire est maintenant invalide dans l’Église latine.

— 2. L’autre courant contesta le caractère déprécatoire des formules anciennes et des formules orientales de l’absolution. Beaucoup de ceux qui le suivirent se contentèrent de réponses assez sommaires aux difficultés de Morin. Cependant les faits et les théories qu’il avance furent discutés en détail et combattus longuement par le jésuite Simonnet († 1733), Inslitutiones theologise, De peenitentia, disp. VIII, a. 1-6, Nancy, 1726, t. ix, p. 308-425. Sesarguments furent souvent résumés par les auteursqui vinrent après lui. Parmi les auteurs contemporains, De Augustinis, De resacramentaria, de sacramento pwnitentiæ, part. II, a. 11, Scholiori, Rome, 1887, t. ii, p. 294, paraît suivre cette opinion. — 3. Entre ces

deux systèmes, l’un qui admettait que la formule de l’absolution n’avait pas été toujours et partout la même dans son essence, l’autre qui soutenait que les formules déprécatoires n’avaient jamais constitué la forme de l’absolution, il s’en dessina un troisième. Il reconnut l’exactitude des données fournies par les érudits du xviie siècle et des siècles suivants, mais prétendit que les formules déprécatoires employées en Orient ou en Occident au temps des Pères, avaient un sens équivalent à celui de notre formule latine indicative, que, par conséquent, toutes ces formules sont valides partout et toujours en vertu de l’institution de Jésus-Christ, sans que l’Église soit intervenue autrement à leur égard que par des prescriptions purement disciplinaires. Cette théorie avait son fondement dans la doctrine des scolastiques qui vécurent immédiatement après le concile de Trente. Elle a eu beaucoup de partisans de nos jours. Citons Perrone († 1876), De psenitenlise, c. v, Prselectiones theologicx, Paris, 1852, t. ii, p. 372 ; Franzelin (y 1886), De sacramentis in génère, c. v, in fuie, 3e édit., Rome, 1878, p. 48 ; Billot, De Ecclesise sacramentis, De psenitenlise, c. iii, cor. 2, Rome, 1895, t. ii, p. 10 ; Lehmkuhl, Theologia moral., Fribourg-en-Brisyau, 1898, t. ii, p. 269 ; V. Jaugey, De sacramento psenitenlise, part. II, sect. H, c. iii, § 1, Langres, 1877, p. 276 ; Knoll (Albert a Bulsano f 1863), Instituliones theologise theoretiesc, § 650, Turin, 1875, t. v, p. 477, regarde cette opinion comme plus probable et plus commune que la précédente. Elle a aussi les préférences de Palmieri, De peenitentia, th. xii, Parcrgon, Borne, 1879, p. 127-142. Beaucoup de ces auteurs posent en principe qu’une forme d’une signification purement déprécatoire serait invalide ; mais ils expliquent qu’une formule grammaticalement déprécatoire peut avoir un sens impératif et indicatif et ils voient ce sens dans toutes les formules, même déprécatoires, adoptées ou reconnues par l’Église catholique.

II. Solution.

I. réponse théorique. — Abstraction faite des applications aux formules usitées dans les divers rites et en restant sur un terrain général, on peut poser les deux principes suivants. — Premier principe. Une formule purement déprécatoire, qui n’exprimerait, ni par ses termes, ni d’aucune autre façon, l’action ministérielle du prêtre et le caractère judiciaire de cette action ne saurait être la forme valide de l’absolution. Elle n’exprimerait pas en effet ce qui constitue essentiellement le sacrement de pénitence. Aussi les théologiens qui ont envisagé l’aspect théorique de la question semblent-ils s’accorder tous à reconnaître ce principe.

— Second principe. Toute formule, équivalente par sa signification à la forme latine Ego te absolvo, doil être regardée comme valide, alors même qu’elle se présenterait sous une forme grammaticale déprécatoire. On admet en effet que, pour tous les sacrements, la validité (nous ne parlons pas de la licéité) ne vient pas de l’emploi d’un mot plutôt que d’un autre, que par conséquent les formules sacramentelles restent valides, alors même" qu’on les traduit en diverses langues, ou qu’on substitue aux termes reçus d’autres termes qui ont le même sens. Ce principe est vrai pour le sacrement de pénitence, aussi bien que pour les autres. Il ne parait pas impossible, d’autre part, d’exprimer en une formule grammaticalement déprécatoire le même sens qu’exprime la formule Ego te absolvo. Les théologiens semblent admettre tous que c’est le cas de la forme impéralive Sois absous et des autres semblables. Esliiis dit déjà, loc. Cit., que tout le monde reconnaît la validité 1 des formules Absolvaris a me ou Absolvatur talis. Reste à déterminer les principales catégories des autres formules déprécatoires valides. Ici les ailleurs ne sont plus d’accord, l.e critérium consiste à voir si la prière qu’elles expriment est l’aile avec l’autorité d’un juge qui formule une sentence dont il demande seulemi ni l’exé-