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ABSOLUTION DES PÉCHÉS. QUESTIONS DE THÉOL. MORALE

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2e hypothèse : Le pénitent est mal disposé, c’est-à-dire qu’il manque de sincérité ou de contrition. Dans ce cas le confesseur doit refuser l’absolution, car Jésus-Christ ne veut donner son pardon qu’au repentir sincère, total et surnaturel. Ce serait profaner le sacrement et par conséquent commettre un sacrilège, que de donner l’absolution au pécheur mal disposé. Rien ne saurait excuser ce sacrilège, ni la crainte d’offenser le pénitent, ni le désir de gagner sa confiance pour le sauver, ni les menaces qu’il pourrait faire de renoncer à toute pratique religieuse. Le mal n’est jamais permis sous prétexte de bien.

3e hypothèse : Les dispositions du pénitent sont douteuses, c’est-à-dire que le confesseur n’est moralement certain ni de l’existence, ni de l’absence des dispositions requises ; il a des raisons pour et contre qui se balancent. Que faire alors ?

a) Que le confesseur exhorte d’abord son pénitent pour l’amener à des dispositions plus certaines et plus parfaites. S’il y réussit, il donnera l’absolution sans hésiter.

6) Si, malgré les instances du confesseur, les dispositions du pénitent restent tièdes et indécises, la règle ordinaire est qu’il ne faut pas donner l’absolution. Peutêtre sans doute le sacrement serait-il valide, mais peut-être aussi serait-il nul, peut-être même sacrilège. Or le prêtre ne doit pas, à moins de raisons très graves, exposer le sacrement à la profanation.

c) Les raisons très graves de donner l’absolution à un pénitent dont les dispositions restent douteuses, sont le danger de mort, la nécessité de recevoir un sacrement des vivants, la crainte d’un scandale, et en général la prévision d’un grave dommage spirituel pour le pénitent. Mais dans ces circonstances, le prêtre donnera l’absolution sous condition. Voir XVII Absolution conditionnelle, col. 252.

Nous nous en tenons à ces règles générales qui s’appliquent à toutes les catégories de pénitents. Pour les détails plus particuliers, voir les articles Confession, Contrition, Habitudinaires, Occasions, Récidivistes, etc.

IL Conditions de la validité de l’absolution. — I. principes.

1. Le prêtre doit se servir des paroles de l’absolution. Voir à l’article V Absolution, sa forme actuelle dans l’Église latine, col. 191, et à l’article XVI Absolution sous forme déprécatoire, col. 244, les paroles dont il doit se servir pour la validité de l’absolution.

2. Le prêtre doit, sous peine d’invalidité, prononcer les paroles de l’absolution. En d’autres termes, les mots de la sentence d’absolution ne sont ni ne peuvent être écrits ou traduits par signes ; ils sont et ils doivent être dits de bouche, verbaore prolala. Ainsi l’a voulu Jésus-Christ. Celte volonté du Sauveur n’est pas démontrée directement par la sainte Écriture, mais elle nous est manifestée par la tradition et la pratique constante de l’Église. Eugène IV et le concile de Florence résument toute cette tradition dans le décret aux arméniens : « La forme de ce sacrement consiste dans les paroles de l’absolution que le prêtre profère quand il dit.J Q vous absous. » [lardoiùri, Actaconc, Paris, 1714, t. ix, col. 440.

3. Le prêtre ne peut donner validement l’absolution à un absent. Cette règle est une conséquence nécessaire de la précédente, car ce n’est qu’à un sujet présent qu’on peut dire de bouche en 1’interpeHant : Je vous absous. Elle est établie d’autre part, par des preuves d’autorité. — Clément VIII, publia le 20 juin 1602, un décret dont voici la partie principale : « Sa Sainteté, après avoir mûrement et attentivement examiné cette proposition : Il est permis de confesser ses péchés par lettres ou par intermédiaire à un confesseur absent, et de recevoir l’absolution de ce confesseur absent, a condamné et prohibé ladite proposition comme «’tant tout au moins fausse, téméraire et scandaleuse. » Il est dé fendu par ce même décret d’enseigner la proposition susdite, de la défendre, de la considérer comme probable dans aucun cas, de s’en autoriser jamais dans la pratique, toutes choses qui supposent que c’est bien l’invalidité de l’absolution demandée et envoyée par lettres ou intermédiaire, que le souverain pontife a voulu affirmer. Denzinger, Enchiridion symbolorum et conciliorum, Wurzbourg, 1895, n. 962, p. 249. — Trois ans plus tard, sous Paul V, 14 juillet 1605, la Congrégation du Saint-Office jugea utile de préciser la signification du décret de Clément VIII. Elle déclara que la proposition condamnée était fausse non seulement dans son sens composé, mais aussi dans son sens divisé. Denzinger, n. 963. Expliquons ces mots. La proposition citée par le décret de Clément VIII est fausse dans son sens composé, c’est-à-dire dans ses deux parties réunies. Donc, on ne peut confesser ses péchés à un absent et recevoir ensuite l’absolution de cet absent. Elle est fausse aussi au sens divisé, c’est-à-dire dans chacune de ses parties séparées. Donc 1° on ne peut se confesser à un absent ; donc aussi 2° on ne peut absoudre un absent. II. applications pratiques.

1° question : Quel genre de présence faut-il pour la validité de l’absolution ? — II suffit, dit saint Liguori, d’une présence morale, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que les deux interlocuteurs se trouvent immédiatement l’un près de l’autre, mais il peut y avoir entre eux cette distance jusqu’où on peut entretenir une conversation à voix ordinaire. Il n’est pas requis cependant, qu’en fait le pénitent entende la voix du confesseur. Theologia moralis,

l. VI, n. 429, Paris, 1884, t. iii, p. 321. En conséquence :

1. Le prêtre pourra absoudre un pénitent qui, sorti du confessionnal avant l’absolution, n’est encore qu’à quelques pas.

2. Le prêtre qui se tiendrait, par crainte de la contagion, à la porte d’une chambre de mclade, pourrait depuis là donner une absolution valide.

3. En cas de nécessité, sur un champ de bataille ou dans un naufrage, le prêtre pourra absoudre toute une foule et l’absolution sera valide même pour les plus éloignés parmi cette foule, parce que tous font partie de la même multitude qui est moralement présente au prêtre.

4. Les théologiens conseillent de donner l’absolution même à une assez grande distance, dans le cas d’un accident grave dont le prêtre est témoin, par exemple, si un homme tombe du faite d’un édifice, s’il disparait dans un précipice, dans la mer, dans un fleuve, etc. Toutefois, il convient dans ces circonstances de donner l’absolution sous condition. Ciolli, Directoire pratique du jeune confesseur, Paris, 1898, t. i, p. 179.

2° question : Que faut-il penser de l’absolution sacramentelle envoyée par le télégraphe ou donnée par le téléphone ? — 1. L’absolution par le télégraphe n’est pas proférée de bouche et elle est envoyée à un absent ; donc elle est invalide, sans contestation possible. —

2. L’absolution par téléphone peut, à première vue, donner lieu à hésitation. Elle est exprimée par des paroles, et les deux interlocuteurs, confesseur et pénitent, sont en communication directe l’un avec l’autre. Ne pourrait-on pas dire qu’il y a présence morale ? Notre avis est que la présence morale fait défaut » t que par conséquent une telle absolution est invalide. La présence même morale suppose un rapprochement local qui n’existe pas dans l’hypothèse que nous discutons. Il faudrait changer le sens des mots pour affirmer que deux personnes sont présentes l’une à l’autre, à plusieurs kilomètres de distance. Cependant quelques théologiens contemporains, considérant que la nullité de l’absolution par téléphone quoique très probable n’est pas évidente, admettent que, dans le cas d’urgente nécessité, un prêtre pourrait i nvoyer l’absolution par ce moyen, mais sous condition.