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ABS. DES PÉC, THÉORIES DES RATIONALISTES MODERNES


des simples prêtres. La lutte qui s’engage entre le pape Corneille et les novatiens, et qui est d’abord purement disciplinaire en apparence, implique un principe dogmatique, à savoir que les évêques ont le pouvoir de remettre les péchés, même les plus graves, A Alexandrie, Clément ne nous donne que des renseignements un peu vagues sur « l’ange de la pénitence », mais avec Origène il devient clair que certains péchés sont remis par les prêtres ou les évêques. Le grand docteur établit à la vérité une classe de péchés irrémissibles ; mais il reconnaît que d’autres ne partagent pas son opinion et remettent tous les péchés, quelle qu’en soit la gravité. De oratione, 28. Tertullien partage l’avis d’Origène sur la nature de certains péchés, qu’il déclare irrémissibles, si ce n’est par Dieu. Mais il admet que d’autres péchés, même canoniques, c’est-à-dire soumis à la pénitence ecclésiastique, peuvent être remis par l’évêque. Et s’il accuse les psychiques, l’évêque de Rome en particulier, d’empiéter sur le droit de Dieu, « d’usurper, » il reconnaît, du moins, que les évêques catholiques s’arrogeaient le pouvoir d’absoudre, et d’absoudre jusqu’aux péchés les plus graves. Pour tous ces points nous renvoyons aux textes cité’s dans l’article Il Absolution au temps des Pères, col. 145 sq., textes que M. Lea connaît très bien, mais auxquels ilalfecte de n’accorder que peu ou point de valeur. A propos d’Origène, par exemple, il se complaît à citer un passage d’après lequel le pouvoir épiscopal de lier et de délier serait contesté : « Il est ridicule, dit Origène, de penser qu’un homme qui est lui-même lié par ses péchés et qui traîne la longue chaîne de ses iniquités, par cela seul qu’il est évêque, ait un tel pouvoir, que ce qu’il déliera sur la terre soit délié dans le ciel, et ce qu’il liera sur la terre soit lié dans le ciel. » Comment, in Matth., tom. xii, c. xiv, P. G., t. xiii, col. 1013. M. Lea devrait voir qu’Origène ne nie nullement, dans ce texte, le pouvoir d’absoudre, mais qu’il le subordonne, à tort ou à raison, à la sainteté du ministre. Il n’y a pas contradiction entre ce passage et le texte du De oratione. En tout cas, il (tait du devoir d’un historien impartial d’essayer de les concilier et de les expliquer l’un par l’autre. Même défaut de méthode chez M. Lea, au sujet de la doctrine pénitentielle de saint Cyprien. Cyprien, nous lavons vii, enseigne que « la rémission des péchés accordée par lis prêtres est », en certaines circonstances, « ratifiée par Dieu, » dum remissio facta per sacerdotes apad Dominum grata est. Pour énerver la force de ce texte et le rendre illusoire, M. Lea apporte d’autres citations qui semblent y contredire : « Que personne ne se trompe, que personne ne se fasse illusion, Dieu seul peut pardonner. Celui-là seul peut accorder le pardon des péchés commis contre lui, qui a porté nos péchés, qui a souffert pour nos péchés, et que Dieu a livré pour nos péchés. » De lapsis, c. xvii, P. L., t. iv, col. 4-80. Il n’y a rien là qui soit incompatible avec la doctrine catholique du pouvoir des clefs. Encore une fois c’est la yràce de Dieu, c’est Jésus-Christ qui efface les péchés ; le prêtre ou l’évêque n’est que le ministre du sacrement. Aussi sommes-nous (’tonné’que M. Lea nous objecte le texte suivant : « Dieu peut accorder l’indulgence (le pardon des péchés), il peut avoir pour agréable, potest in acceptum referre, ce que les martyrs ont demandé pour les pécheurs et ce que les prêtres ont fait pour eux, » quidquid pro talibus et petierint mari i/res et feeerint sacerdotes. De lapsis, c. xxxvi, loc. cit., col. 491. Notez la différence que ce texte marque expressément entre la « pétition » des martyrs et 1’ « acte » des prêtres dans la réconciliation que Dieu ratifie quelquefois, potest in acceptum referre, en raison des dispositions du pénitent, Il faudrait suivre M. Lea dans l’interprétation qu’il donne des Pères du iv siècle, pour montrer combien sa théorie est insoutenable. Mais, à eeiie date, l<s textes soni d’une clarté aveuglante. Nous renvoyons le lecteur à l’article II ABSOLUTION au temps

des Pères. Nous rappellerons seulement encore le s textes de Socrate et de Sozomène qui témoignent de l’existence du prêtre pénitencier à Constantinople et dans la plupart des églises, dès le temps de Dèce, dit l’un, et plus anciennement même selon l’autre, ab iiiilio. Remarquons que le prêtre pénitencier absolvait les pécheurs (àitÉXvis), avant de les ranger parmi les pénitents. Cette observation a une importance sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir tout à l’heure. Je sais bien que tous ces textes sont un peu tardifs. Le IIe siècle n’en offre pas d’aussi caractéristiques. Toutefois, saint Ignace d’Ân-I ioche, presque contemporain de saint Jean, atteste que les pénitents obtiennent de Dieu le pardon de leurs fautes, « s’ils recourent à l’unité de l’Église et au consentement de l’évêque. » D’après le Pasteur d’Hermas, la question de l’efficacité d’une seconde pénitence après le baptême était débattue à Rome entre les docteurs. Hermas apprend par une révélation divine qu’en vertu d’une faveur spéciale les pécheurs pourront, dans un délai déterminé, faire une seconde pénitence aussi efficace que la première. Mais le livre où il consigne cette lionne nouvelle n’est pas destiné aux docteurs. Hermas est chargé de le communiquer aux prêtres qui sont à la tète de l’Eglise. Une telle recommandation ne démontret-elle pas l’existence à cette époque (vers 150) d’une discipline pénitentielle dont les prêtres avaient la direction ? Mandai., iv, 1, 3, 4 ; Similitud., viii, 6, 11, dans Hilgenfeld, Novum Testamenttim e.rlra canonem receptum, Leipzig, 1884, p. 39-42, 100 sq. Même discipline à Alexandrie, d’après les Stromates de Clément, nous l’avons vu. De tout cela, sans doute, il ne résulte pas, à l’évidence, que les évêques et les prêtres usaient du pouvoir des clefs. Mais il en résulte qu’ils exerçaient une autorité, mal définie pour nous, sur les pénitents. Dj quelle nature était cette autorité ? Si l’on compare d’un côté le texte de saint Jean, xx, 23, et de l’autre les textes et la pratique du I ile siècle, on voit qu’il y a entre eux le rapport de cause à effet : on voit que nombre d’évêques du IIIe siècle, peut-être tous (sauf les hérétiques), admettaient en principe le pouvoir de lier et de délier, le pouvoir d’absoudre, chez les évêques et les prêtres. Il faut admettre, selon nous, que cette doctrine sortait en ligne droite de l’enseignement évangélique, à travers le IIe siècle. Si la doctrine pénitentielle du IIe siècle n’est pas claire par elle-même, il faut l’éclairer par ce qui précède et par ce qui suit : ce qui précède c’est saint Jean et saint Matthieu, ce qui suit c’est le papeCalliste et la condamnation des montanistes et des novatiens. M. Lea prétend que, « si le pouvoir des clefs fut accordé aux apôtres, il expira avec eux, et que l’exercice de ce pouvoir par leurs successeurs est le plus audacieux non sequitur de l’histoire. » Rien de moins scientifique qu’une telle assertion. Il n’y a pas d’hiatus en histoire ; il n’y a pas d’effet sans cause prochaine et sans cause éloignée. La cause éloignée de l’exercice du pouvoir des clefs au [IIe siècle est le texte de saint Jean ; la cause prochaine ne saurait être que la discipline pénitentielle du 11° siècle. Cette simple explication n’est-elle pas plus rigoureusement scientifique qu’un prétendu non sequitur de l’histoire ? De la sorte il serait téméraire d’affirmer qu’il y ait eu un temps, un siècle, où le pouvoir île lier et de délier fût inconnu dans l’Église.

2. Esi-il vrai que la réconciliation îles pénitents n’avait d’effet qu’aufor extérieur ? — On peut l’admettre d’une façon générale ; mais nous avons vu (II Absolution au temps des Pères, col. 157) que cette règle souffrait des exceptions. Si la doctrine des Pères tt’est pas nette sur cette question, c’est que les divers éléments qui constituent les parties essentielles de la pénitence n’avaient pas encore été analysés et déterminés par les théoriciens du sacrement. Du reste, on peut admettre qu’à partir du jour où prévalut le régime du prêtre pénitencier, l’absolution fut donnée par celui-ci aux pécheurs, avant même qu’ils