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ABSOLUTION DES PÉCHÉS CHEZ LES GRECS


ces formules sont simplement placées après celles que nous avons vues être d’origine grecque, sous cette indication : autre prière, pour la première, et : autre prière abrégée, pour la seconde. Grand Euchologe, édition déjà citée, p. 206 sq.

Telles sont les formes rituelles de l’absolution dans les Églises grecques unies et non-unies : il ne reste maintenant qu'à indiquer quelques modilications, réelles ou simplement apparentes.

3° Modifications réelles ou prétendues apportées aux formules précédemment indiquées. — Papp-Szilagyi, évêque uni de GrandVaradin, il y a quelques années, écrit dans son Enchiridion juris eeel. Orient., GrandVaradin, 1880, p. 235, que la forme de l’absolution donnée par l’euchologe est la suivante : « Que le Seigneur Dieu notre Sauveur Jésus-Christ te remette, mon lils N., tous tes péchés par sa grâce et sa miséricorde ; et moi, prêtre indigne, en vertu du pouvoir qui m’a été donné, je te pardonne et je t’absous de tous tes péchés, au nom du l'ère, etc. » L’auteur donne cette formule comme se trouvant dans l’euchologe grée : il faut entendre par là l’euchologe à l’usage des ruthènes. On voit que la forme ici indiquée n’est pas autre que la dernière formule de l’euchologe de la Propagande, mais un peu abrégée. Elle doit être d’un usage assez ancien dans l'Église ruthène, puisque le synode de Zamosk, 1720, tit. iii, § 5 : Cuticitiorum cullectio lacensis, t. il, p. 34, la déclare : hactenus in Ecclesia ruthena servari solilam. Mais sa ressemblance si grande avec la forme latine indique qu’elle a été empruntée au rite latin ; est-ce avant l’union de Brsezc en 1595, ou à une date postérieure ? les documents nous font défaut pour trancher la question. Ce qu’il y a de certain, c’est que la forme de l’euchologe russe est identique à celle-ci (voir col. 205, VIII Absolution dans l'Église russe) ; ce qui constitue l'Église russe tributaire de l'Église latine pour le sacrement de pénitence — mais depuis quelle époque ? nous ne saurions le dire. Il pounait bien y avoir là une conséquence de l’union de Florence dont l’influence a longtemps persévéré dans la métropole de Kiew.

Certains auteurs, comme Palmieri, Tractatus de pœtiitenlia, 2e édit., p. 146, paraissent voir une contradiction entre les anciens euchologes grecs, dont nous avons parlé plus haut, et quelques écrivains grecs plus ré'cents, de la fin du XVIe ou du commencement du XVIIe siècle, au sujet de la forme de l’absolution. Parmi ceux que cite Palmieri, le Codex allalianus, une réponse des grecs de Venise au cardinal de Guise, Gabriel de Philadelphie et Christophe Angelos, le premier seul tranche, en effet, un peu avec les formules usuelles de l’euchologe. Il donne comme forme ces mots : Ilumilitas mea habet te condonalum, qui se rapprochenl davantage de la forme latine. Arcudius, De concordia Eccl. orient, et occid., Paris, 1072, p. 430, et Goar déclarent qu’il n’y a là qu’une l’orme abrégée, à l’usage surtout des évêques, et traditionnelle quoique non contenue explicitement dans l’euchologe. elle serait, relativement à la longue forme rituelle, ce qu’est la forme latine, Ego te absolvo, relativement à la formule des anciens livres pénilentiaux. Arcudius cite deux diplômes d’un patriarche d’Antioche qui la contiennent, ef Goar signale ('gaiement une oratio condonatoria qui la renferme et qui est de Germain, évêque d’Amalthée.

La forme indiquée par les grec ? de Venise au cardinal de Guise n’est pas autre chose que la première formule de l’euchologe grec, dans laquelle le prêtre s’adresse directement au pénitent : il serait donc mal aisé de trouver là une innovation ou m changement. Celle qu’indique Gabriel de Philadelphie n’est égaleuii’iii qu’un abrégé de la seconde prière de l’euchologe cl ne contient par conséquent aucune innovation, pas plus qu’il n’y en a chez nus théologiens, lorsqu’ils

extraient de la forme rituelle les mots : Ego te absolvo t qu’ils présentent comme seuls essentiels. Quant à la forme indiquée par Christophe Angelos († 1639), outre qu’elle a un grand air de parenté avec les formes imprécatoires des euchologes, il faut observer que cet illustre inconnu a rédigé et publié son Enchiridion en Angleterre où il résidait, et que très probablement il a écrit de mémoire la formule qu’il donne, après avoir quitté les terres grecques depuis plus de dix ans : cela Suffit pour montrer ce que vaut son témoignage.

Que si on rencontre chez certains auteurs non-unis, de l'époque dont il s’agit ou de temps encore plus rapprochés de nous, des formes d’absolution identiques ou à peu près à la forme latine, qu’on n’oublie pas d’y voir un emprunt l’ait au rite latin, ainsi que cela a eu lieu pour l'Église rutbène et même pour l'Église russe. Goar atteste (p. 510) que Georges Corésius (-j- 1654?), théologien de l'Église de Constantinople, son contemporain, lui a envoyé par écrit, comme étant en usage dans plusieurs églises des non-unis, les formes indiquées plus haut comme propres aux grecs de Sicile, de Calabre et de la Pouille, et qui sont d’origine romaine. Le fait s’explique aisément soit par l’influence des missionnaires latins, soit par suite des études faites au séminaire de la Propagande à Rome par un assez grand nombre de grecs revenus ensuite dans leur pays et même à l'Église non-unie, soit par l’occupation territoriale des Vénitiens, des Génois et des Pisans, de contrées de langue grecque, etc.

II. Croyance des grecs au pouvoir de remettre les péchés par l’absolution. — Il reste à se demander maintenant si les grecs regardent, et s’ils ont regardé dans le passé, l’absolution comme un rite sacramentel produisant la rémission des péchés ? La réponse ne saurait être douteuse quoi qu’aient voulu en penser certains protestants du XVIe et du XVIIe siècle. Leurs assertions mensongères ont même eu pour effet d’amener les grecs à produire contre eux les professions de foi les plus explicites, dans une série de synodes dont il suffira de citer les actes pour avoir le vrai sentiment de l'Église grecque tout entière. Ces synodes sont, en effet, l'écho de la tradition en même temps que la manifestation de la croyance actuelle.

On a déjà d’ailleurs une preuve évidente de cette croyance dans les formules elles-mêmes de l’absolution qui seraient inexplicables sans la foi en la rémission des péchés. Le caractère purement déprécatoire de certaines d’entre elles, supposé qu’elles aient été employées séparément, ne saurait être invoqué contre cette croyance ; car, unies aux actes du pénitent et à ceux du confesseur^ faisant mention expresse du pouvoir conféré aux apôtres par le Sauveur et de la rémission ellemême des péchés, elles supposent manifestement la foi en cette rémission, et dans celui qui les prononce et dans celui qui vient demander pardon. Mais nous n’en sommes pas réduits à cette simple déduction quelque concluante qu’elle soit. Outre le pénitentiel, Morin, loc. cit., et P. G., t.- Lxxxviii, col. 1887, et le discours attribués à Jean le Jeûneur, qui attestent la tradition des Pères et témoignent de la croyance de l'Église grecque à une époque reculée, tous les monuments postérieurs de cette Église atlestentla même vérité sans aucune note discordante. (Pour les premiers siècles, voir col. 146 sq., II ABSOLUTION, au temps des Pères.) Il faut arriver au commencement du xvire siècle pour rencontrer la première vois grecque se déclaranl contre la valeur sacramentelle de l’absolution, el cette voix, celle du fameux Cyrille Lucar, s’est vue à l’instant couverte par celle de tous les prélats grecs. Ceux-ci n’avaient pas attendu la confession de foi licitement protestante connue sous le nom

de Cyrille Lucar, pour protester contre les erreurs de la secte sur le point qui nous occupe. Jérémie, patriarche de Constantinople, avait exposé à cette liu les croyances