Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/116

Cette page n’a pas encore été corrigée

197

ABSOLUTION DES PÉCHÉS, DOCTRINE DE L’EGL. GATII.

498

Quand les montanistes dès le IIe siècle, et après eux les novaticns, se séparent de l’Eglise, que reprochent-ils aux catholiques’.' Est-ce de prêcher que Dieu pardonne au repentir ? Non pas ; ils reprochent à l’Eglise d’affirmer qu’elle remet elle-même efficacement les péchés : « Ils prétendent tenir en leur pouvoir, écrit Tertullien, De pudicilia, c. iii, P. L., t. ii, col. 380, la rémission des péchés. » Et quelle est l’objection la plus fréquente de ces hérétiques’.' Vous usurpez, disent-ils, un pouvoir qui n’appartient qu’à Dieu. Parleraient-ils ainsi si l’absolution n’était qu’un simple ministère de déclaration et non une sentence efficace ? « Vous nous objectez, écrit saint Pacien, que Dieu seul peut remettre les péchés ; c’est vrai ; mais ce que Dieu fait par ses prêtres, c’est encore lui qui le fait. » Epist., i, ad Sempronianum, n. 6, P. L., t. xiii, col. 1057. Les hérétiques nous sont ainsi des témoins de la foi catholique.

D’autre part, les Pères de l’Église comparent souvent la pénitence au baptême, et ils disent que l’efficacité des deux rites est la même ; que la pénitence ou l’absolution remet les péchés des baptisés comme le baptême remet ceux des catéchumènes. Or personne n’a jamais contesté que le baptême soit un rite efficace par lui-même, ex opère operato. Donc, au sens des Pères, l’absolution aussi remet les péchés par elle-même, par la vertu qu’elle tient de l’institution divine, ou ex opère operato. Voir II Absolution an temps des Pères.

Il ne semble pas, en résumé, qu’il y ait eu un seul désaccord dans toute la théologie pa tris tique sur l’efficacité de l’absolution : « Les anciens, écrit dom Chardon, pensaient sur cela comme pensent encore aujourd’hui tous les bons chrétiens et les personnes les plus simples. Ils croyaient et disaient que l’effet de l’absolution était le pardon des péchés que Dieu accordait par la vertu du Saint-Esprit qui accompagnait l’action du ministre et qui approuvait et conlirmait dans le ciel ce que celui-ci faisait en son nom sur la terre. Qu’on lise tant qu’on voudra les écrits des Pères, on ne trouvera rien autre chose. » Histoire des sacrements, Pénitence, sect. iv, c. iv, dans Migne, Theologise cursus, t. xx, col. 661.

Au XIIe siècle, Pierre Lombard († 1160) professa un enseignement nouveau qui exerça son influence jusqu’au xine siècle. Voici en substance la série des affirmations de ce théologien. Celui-là seul peut recevoir l’absolution qui a la vraie contrition. Or la vraie contrition présuppose la charité, et la charité justifie par elle-même. Donc le pécheur est justifié avant de recevoir l’absolution. Donc le prêtre ne remet pas effectivement les péchés par l’absolution, mais seulement déclare au pénitent, au nom de Dieu et de l’Église qu’ils lui sont remis. Sent., l. IV, dist. XVIII, P.L., t. cxcii, col. 885-888.

Il y a, dans ces affirmations du Maître des Sentences, deux erreurs liées l’une à l’autre. La première, c’est que la contrition parfaite serait nécessaire dans le sacrement de pénitence ; elle est réfutée ailleurs. Voir les mots Attrition et Contrition. La seconde, c’est que l’absolution signifierait, mais ne produirait pas la rémission des péchés. Cette seconde erreur semble, à première vue, directement opposée à l’enseignement traditionnel et patristique que nous venons de rappeler. Cependant Pierre Lombard et les théologiens qui subirent son influence restaient fidèles d’une certaine manière à cet enseignement. Ils affirmaient, en effet, l’efficacité du sacrement de pénitence pour la rémission des péchés. Dans leur théorie, ils cherchaient à déterminer la part que chaque élément du sacrement a dans cette efficacité. Exagérant l’importance de la contrition, ils étaient amenés par le fait même à diminuer celle de l’absolution. Leurs discussions obscurcirent l’enseignement des écoles, mais ce fut pour préparer la doctrine de saint Thomas d’Aquin qui lit de l’absolution la forme, c’est-à-dire la partie principale du sacrement. Cette erreur passagère de quelques scolastiques touchait donc moins au

fond de la doctrine catholique qu’à la manière de l’exposer. Ce fut un essai de systématisation mal conçu, qui contribua à l’élaboration de la théorie scolastique de saint Thomas. Voir, sur cette question, IV Absolution, Sentiments des anciens scolastiques.

Concluons par ces citations du concile de Trente, qui exprime et définit la doctrine catholique : « Quoique l’absolution du prêtre soit la dispensation d’un bienfait de Dieu, elle n’est pas cependant le simple ministère de prédication et de déclaration que les péchés sont remis, mais un acte judiciaire du prêtre qui en tant que juge prononce une sentence. » — « Si quelqu’un dit que l’absolution sacramentelle du prêtre n’est pas un acte judiciaire, mais un simple ministère d’affirmation et de déclaration que les péchés sont remis au pénitent, pourvu seulement qu’il croie à cette rémission ; … qu’il soit anathème ! » Sess. XIV, c. vi et can. 9.

III. Ministre de l’arsolution. — Le prêtre seul est ministre de l’absolution sacramentelle. — Cette proposition est de foi. Nous signalons d’abord les erreurs opposées, puis nous établissons la doctrine catholique.

I. ERREUBS.

Abélard prétendait « que le pouvoir de lier et de délier a été donné seulement aux apôtres, et non à leurs successeurs. » Denzinger, Enchiridion symbolorum, Wurzbourg, 1895, n. 3*21, p. 110.

Les vaudois (xiie siècle) enseignaient que tous les laïques vertueux ont les pouvoirs sacerdotaux, donc entre autres le pouvoir d’absoudre. Suarez, De psenitentia, disp. XIX, sect. i, Opéra omnia, Paris, 1861, t. xxii, p. 519.

Wiclef († 1387) prétend qu’un prêtre prévaricateur et coupable ne peut absoudre, mais qu’en revanche un laïque vertueux peut remettre les péchés. Bulle Inler cunclas, 20 février 1418, dans Hardouin, Acta conciliorum, etc., t. ix, col. 905-918.

Luther reprit l’erreur de Wiclef. Voici une de ses propositions condamnées par le pape Léon X, en 1520 : « Dans le sacrement de pénitence et la rémission des péchés, le pape ou l’évêque ne font pas plus que le inoindre prêtre ; et s’il n’y a pas de prêlre, tout chrétien, fût-ce un enfant ou une femme, peut autant que le prêtre. » Prop. 13, dans Denzinger, Enchiridion, n. 637, p. 176.

II. PREUVES DE LA nOCTRlXE CATHOLIQUE.

Preuve tirée de la sainte Écriture.

Ceux-là seuls ont le pouvoir de remettre les péchés qui ont reçu ce pouvoir de N.-S. J.-C. Or. à qui NotreSeigneur a-t-il adressé ces paroles : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, » Matth., xviii, 18 ; et ensuite : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, » Joa., xx, 23 ? Aux apôtres. Mais remarquons-le bien, puisqu’il s’agit de l’institution d’un pouvoir judiciaire, Jésus-Christ s’adresse aux apôtres en tant qu’ils sont chefs, pasteurs et juges dans l’Eglise. D’autre part, le pouvoir d’absoudre est une institution permanente. C’est donc aussi aux successeurs des apôtres que Jésus-Christ a donné ce pouvoir, mais à leurs successeurs en tant que chefs, pasteurs et juges des fidèles, c’est-à-dire aux évoques qui sont les premiers pasteurs, et aux prêtres qui sont pasteurs du second ordre. Donc, de par l’institution divine, ceux qui ont reçu le sacerdoce peuvent seuls absoudre. — Au reste, pour que cet argument tiré de l’Évangile ait toute sa valeur et soit délinitivement concluant, il ne faut pas isoler les paroles de Notre-Seigneur, ni les séparer de l’interprétation traditionnelle qui leur fut toujours donnée dans l’Église, interprète authentique des saintes Écritures. L’argument de tradition achève et confirme celui que nous a fourni l’Évangile.

Preuve tirée de la tradition.

Nous résumons cette preuve en quatre propositions :

1. Quand les Pères et les docteurs des dix premiers