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ABSOL. DES PÉCHÉS, SENTIMENTS DES ANC. SCOLASTIQUES

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Lombard, les théologiens de la seconde moitié du XIIe siècle pensent que la conlession des fautes graves à un laïque, à défaut de prêtre, justifie le pénitent, en raison de la contrition qu’elle manifeste. — 3. Les auteurs du xiiie siècle continuent à l’admettre ; ils se demandent si cette confession est sacramentelle. Albert le Grand est seul à le soutenir. Alexandre de Halès et saint Bonaventure sont d’un avis contraire. Saint Thomas dit qu’elle est sacramentelle d’une certaine manière, mais qu’elle n’est point sacrement parfait. — 4. Albert le Grandet, à ce qu’il semble, saint Thomas d’Aquin tiennent cette confession pour obligatoire ; mais Alexandre de Halès, saint Bonaventure et aussi, croyons-nous, les auteurs antérieurs la conseillent, mais ne l’imposent point. — 5. Duns Scot combat l’efficacité qu’on lui attribue, en nie la nécessité et en conteste l’utilité. — 6. L’opinion qui l’imposait comme obligatoire perd du terrain et disparait au xive siècle. —7. On continue à la conseiller jusqu’au XVIe siècle. — 8. A partir de cette époque, elle cesse de plus en plus d'être pratiquée et les théologiens la déconseillent, au moins dans les circonstances habituelles. — 9. Les opinions qui se sont produites à son sujet au xir 3 siècle, au xiiie et au commencement du xive se rattachaient aux doctrines de l'époque, sur l’efficacité de l’absolution et sur les éléments constitutifs du sacrement de pénitence. — 10. Pendant ce loiii ; espace de temps, le pouvoir de donner l’absolution a été refusé, par tous les théologiens, aux laïques qui entendaient cette confession. Cependant Albert le Grand s’exprime sur ce point en des termes qui ne sont pas assez clairs.

IV. Quelle forme doit revêtir l’absolution dis péchés ? — Aucune théorie théologique, ni aucune discussion ne naissent à ce sujet avant le xiiie siècle. Au commencement du xiiie siècle, Guillaume d’Auvergne affirme encore que le prêtre n’absout point par uneformulr déclaratoire, comme les sentences judiciaires : absolrimus, condemnamus, mais par une formule dçprécatoire. Depsenitentia, c.xw, Paris, 1674, p. 499, 2'" col. M. Schan/, Die Lehrc von don Iieiligen Sacraynenten, §39, Fribour-en-Brisgau, 1893, p. 539, conjecture que la doctrine qui attribuait la rémission de la coulpe du péché à la contrition, pour n’accorder qu’une valeur déclaratoire à l’absolution par rapport à cette rémission, contribua à introduire et à généraliser l’usage des formules indicatives. Cette conjecture avait déjà été émise par Morin. Quoi qu’il en soit, les théories des théologiens prouvent que vers 1230, et depuis lors, on se servit généralement, comme nous le faisons encore aujourd’hui, de deux formules successives, l’une déprécatoire : Misereatur tui, etc. lndulgentiam, etc., l’autre indicative : Ego te absolvo.

Alexandre de Halès († 1245) accommode cette double formule à sa théorie, suivant laquelle Dieu remet les péchés en donnant la contrition, tandis que par l’absolution le prêtre en remet la peine temporelle et réconcilie le pécheur avec l'Église. Il rappelle une opinion dont il ne nomme pas les auteurs, mais à laquelle il souscrit, c’est que le prêtre est un médiateur qui monte de l’homme vers Dieu, et qui descend de Dieu vers l’homme. Il monte de l’homme vers Dieu en suppliant, pour demander la grâce. C’est pourquoi avant l’absolution il prononce une prière. Il descend de Dieu vers l’homme en juge, pour réconcilier le pécheur avec l'Église : c’est pourquoi l’absolution est sous forme indicative ; la prière qui précède demande la grâce, l’absolution suppose la grâce : deprecatio gratiam impetrat et absolutio gratiam supponit. Summa, part. IV, q. xxi, m. i, Cologne, 1622, t. iv, p. 615. Remarquons que le docteur franciscain ne fait consister l’absolution que dans les paroles indicatives et que la formule déprécatoire n’est, à ses yeux, qu’une prière préparatoire.

Nous avons déjà vu que saint Bonaventure († 1274) a repris l’observation de son confrère. Elle cadre mieux

avec sa théorie sur le pouvoir des clefs, puisqu’il admet que ce pouvoir s'étend jusqu'à la rémission du péché, pour les pénitentsquiauraientseulementl’attrition. Il s'étend jusqu'à cette rémission, par manière de demande, et cela est signifié dans la prière qui accompagne la bénédiction du prêtre. Mais ce pouvoir agit à proprement parler par manière de commandement, dans la formule indicative, et en tant qu’il s’exerce par manière de commandement, il suppose le péché effacé et ne va pas jusqu'à le remettre. IV Sent., I. IV, dist. XVIII, p. i, a. 2, q. i, Paris, 1866, t. VI, p. 11. Saint Bonaventure fait donc consister aussi l’absolution dans la forme indicative. Ibid. Il faut par conséquent entendre dans un sens large ce qu’il dit un peu plus haut, que le prêtre donne l’absolution par manière déprécative, en disant : lndulgentiam tribuat, etc., et ensuite en disant : Et ego absolvo te. IV Sent., l. IV, dist. XVII, p. il, dub. v, t. v, p. 675.

Saint Thomas d’Aquin († 1274) est beaucoup plus catégorique. L’absolution est la forme du sacrement de pénitence, dit-il, parce que le prêtre y a la part principale. Or la forme doit exprimer parfaitement l’effet du sacrement. L’absolution consiste donc dans ces paroles : Ego te absolvo. Sum. theol., III a, q. lxxxiv, a. 3. Les formules déprécatoires : Misereatur lui, etc. ; Absolutionem et remissionem tribuat tibi Deus n’appartiennent pas à l’absolution ; car elles ne signifient pas qu’elle est donnée ; elles demandent seulement qu’elle le soit. Ibid., ad l un >. La formule : absolvo te, n’est point d’ailleurs simplement significative et ostensive ; elle est encore effective : elle produit ce qu’elle signifie. Ibid., ad 5um. Dans un de ses opuscules, De forma absolutionis, opusc. xviii (ou xx), Opéra, Paris, 1875, t. xxvii, p. 417, le docteur angélique combat un écrit qui soutenait que les mots : Ego le absolvo, ne sont pas la forme de l’absolution. Il y établit la même doctrine que nous venons d’exposer d’après sa Somme théologique. Il nous y apprend que de son temps tous les maîtres en théologie qui enseignaient à Paris, étaient unanimes à penser qu’il n’y a point d’absolution par la forme déprécatoire, sans ces paroles : Ego te absolvo, c. ii, 4°, p. 419. Depuis lors, jusqu’au XVIIe siècle, aucun théologien latin ne semble avoir regardé les formules déprécatoires comme nécessaires pour l’absolution.

Duns Scot (1308), IV Sent., l. IV, dist. XIV, q. iv, n. 4, Lyon, 1639, t. ix, p. S2, dit que la formule usitée varie avec les diverses Églises, mais qu’elle doit exprimer la sentence par laquelle le prêtre absout : ce qui se fait ordinairement par ces mots : Ego te absolvo, quels que soient ceux qui les précèdent ou qui les suivent. Un siècle plus tard, Gerson († 1429) donne la même solution, en constatant à son tour que les prêtres se servent de paroles diverses, parce qu’ils ne lisent pas les paroles de l’absolution dans des livres et qu’ils ne les prononcent pas publiquement comme la forme des autres sacrements. Opusculum super absolulione, Opéra, Anvers, 1706, p. 406. Dans son décret aux arméniens, le concile de Florence, exprimant l’usage universel de l'Église latine et se servant des termes mêmes de saint Thomas dans un de ses opuscules, déclara que la forme du sacrement de pénitence, ce sont les paroles de l’absolution que le prêtre prononce, lorsqu’il dit : Ego te absolvo. Denzinger, Enchiridion symbolorum, n. 591, Wurzbourg, 1888, p. 163. Voir plus bas, col. 244, l’article XVI Absolution sous forme déprécatoire.

Au sujet de l’efficacité de l’absolution : Schæzler, Die Lehrc von der Wirksamkeit der Sacramente ex opère operato in ihre Entivicklung innerhalb der Scholastik, in-8° Munich, 1860 ; Schvvane, Dogmengeschichte der miltleren Zeit, % 132, in-8° Fribourg-en-Br., 1882, p. 661 sq. ; Schanz, Die Lehre von den Iieiligen Sacramenten, % 38-40, 43, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 498 sq. —Pour les auteurs antérieurs à Scot : dom Chardon, Histoire des sacrements, Pénitence, sect. IV, c. VI, dans Migne, Curs. comp. theol., Paris, 1840, t. xx, col. 661 sq. ; Mignon, Les origines de la scolastique et Hugues de Saint-