Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

487 ABSOL. DES PÉCHÉS, SENTIMENTS DES ANC. SCOLASTIQUES

488

ad l um, t. xxix, p. 755 ; Compendium théologien, veritatis, lac. cit. Il leur attribue pour le cas de nécessité, non pas le pouvoir sacerdotal des clefs, ni le pouvoir sacerdotal d’absoudre, mais un pouvoir analogue, qu’il fait dériver de l’unité delà foi et de la charité, ex nnitate fidei et caritatis, ibid., q. lviii, p. 754, ou comme il dit encore, merito unitatis Ecclesiæ, ibid., q. lix, p. 755, c’est-à-dire sans doute de l'Église. (Alexandre de Halés, ibid., q. xix, m. i, n. 1, p. 586, s'était déjà servi d’expressions semblables.) Albert en conclut que ce pouvoir appartient aux hommes et aux femmes en cas de nécessité. Il ne semble pas l’accorder aux Juifs et aux hérétiques. — Comme il met l’efficacité principale de l’absolution sacramentelle, non dans la rémission de la faute, mais dans la rémission de la peine temporelle (voir plus haut), et qu’ici il parle d’une absolution qui justifie, je ne crois pas qu’en accordant aux laïques un pouvoir des clefs analogue à celui des prêtres, il entende leur attribuer le pouvoir de prononcer validement la formule d’absolution, d’autant que c’est l’aveu qu’on leur fait par la confession qu’il regarde comme sacramentel. Ibid., q. lviii, lix, p. 754, 755. D’ailleurs, l’illustre dominicain a emprunté presque tous les termes dont il se sert à Alexandre de Halés, qui refuse certainement aux laïques le pouvoir de donner l’absolution sacramentelle, et saint Bonaventure, qui rapporte toute l’argumentation d’Albert et qui devait le bien comprendre, pense qu’il ne connaissait pas aux laïques le droit de donner l’absolution proprement dite, mais seulement celni d’absoudre les péchés d’une certaine manière par la confession qu’ils entendaient. IV Sent., 1. IV, dist. XVII, dub. i, Opéra, Paris, 1866, t. v, p. 693.

Saint Bonaventure († 1274) suppose en effet que jamais les laïques ne donnent l’absolution. La question de savoir si la confession aux laïques en cas de nécessité est sacramentelle s’imposait à lui. Il l’examine donc. Il ne taxe pas l’opinion d’Albert d’erreur, mais il la combat comme moins probable et embrasse le sentiment d’Alexandre de Halés. Il pense que cette confession n’est pas obligatoire, mais seulement louable. Mais la raison pour laquelle il la croit non sacramentelle, c’est qu’elle n’a pas pour fin d’obtenir l’absolution que le laïque ne saurait donner ; car il n’y a pas de sacramentel, suivant saint Bonaventure, que ce qui est ordonné à l’absolution. Ibid., et dist. XVII, p. ni, a. 3, q. i, p. 695, 696. Cette manière de voir cadre d’autant mieux avec ses principes qu’il tient l’absolution pour la forme du sacrement (voir plus haut).

Saint Thomas d’Aquin († 1274) est, nous l’avons dit, plus formel encore que lui à cet égard. Aussi n’admet-il pas l’opinion d’Albert que la confession aux laïques, à défaut de prêtre, est sacramentelle. Si cette confession est faite, dit-il, par le désir qu’on a de pouvoir se confesser à un prêtre, elle est sacramentelle d’une certaine manière, bien qu’elle ne soit pas sacrement parfait, confessio iaicn exdesideHo sacerdolis facta, sacramentalis est quudani modo, quamvis non sit sacramentum per/'et’i «  « ! .7FS<?n « ., l.IV, dist.XTI, q.n, a.3, sol.2, adl'"", Opéra, Paris, 1873, t. x, p. 508 sq. ; Summæ supplementum, q. vii, a. 2, ad l um. Pourquoi est-elle sacramentelle d’une certaine manière'.' Parce que, en cas de nécessité, le pénitent doit (saint Thomas semble en faire un devoir) accomplir lis actes du pénitent, autant qu’il le peut, et se confesser à qui il peut ; or, le laïque qui L’entend supplée le prêtre autant que possible, bien qu’il ne puisse absoudre. Ibid. Aussi en se confessant au laïque, obtienton le pardon de ses péchés, parce qu’on accomplit le

< mandement de Dieu, autant qu’on peut. Ibid., ad3 um.

Mais pourquoi celle confession n’est-elle pas sacremenl parfait ? C’est par défaut de prêtre et d’absolution. Quia deest ci id quod est ex parle sacerdolis. Ibid., ad l 1 "". Aussi doit-elle être recommencée au prêtre, si on le peut, pour être réconcilié par lui avec l’Eglise et surtout parce

que le sacrement de pénitence n’a pas été parfait ; il faut donc qu’il soit reçu pour obtenir un effet plus complet et pour qu’on accomplisse le précepte de le recevoir. Ibid., ad 3° m. Le docteur angélique estime du reste que la confession des péchés véniels à un laïque, en cas de nécessité, est un sacramental qui remet ces péchés comme l’eau bénite. Ibid., sol. 3, et a. 3.

3° Depuis le xiii> siècle. — Duns Scot († 1308) devait accorder peu de valeur à la confession faite aux laïques à défaut du prêtre, puisqu’il faisait consister exclusivement le sacrement de pénitence dans l’absolution sacerdotale. Il enseigne en effet qu’un laïque ne peut être pour rien dans la dispensation de ce sacrement et que la confession qui lui serait faite est sans efficacité ex opère operato. IV Sent., l.IV, dist. XIV, q. iv, n. 5, Lyon, 1639, t. ix, p. 90. Il va plus loin : au cas de nécessité, cette confession ne lui paraît pas obligatoire, même il ne la croit pas utile ; car on peut s’humilier de ses péchés et obtenir les conseils d’un laïque sage, sans se confessera lui. IV Sent., l.IV, dist. XVII, q.i, n. 27, p.331.

A cette époque on était d’accord que la confession aux laïques n’a rien de sacramentel. On ne discuta plus après Duns Scot que sur sa nécessité, puis sur son utilité. L’opinion favorable à sa nécessité perdit de plus en plus de terrain. Guy de Montrocher la défendit encore vers 1333 dans son Manipulus curatorum, part. II, tr. 111, c. iv, in fine. Un peu plus tard (1338), Bartholomeo de Santo Concordio dit, dans sa summaPisana, qu’elle est encore soutenue par quelques auteurs, bien qu’il la combatte. Elle ne semble plus avoir eu aucun partisan au {{rom-maj|XV)e siècle. Voir Laurain, De l’intervention des laïques dans l’administration de la pénitence, Paris, 1897, p. 46 sq.

Dès que la confession aux laïques ne fut plus tenue par personne ni pour sacramentelle, ni pour nécessaire, il ne restait plus qu'à savoir si elle était avantageuse. Si elle avait d’ailleurs de l’utilité, pourquoi aurait-ce été seulement pour le cas de nécessité? La question se posa donc peu à peu d’une manière plus générale : étaitil bon d’avouer ses fautes à des laïques, soit pour s’en humilier, soit pour recevoir des conseils ? On distingua entre un aveu qu’on voudrait rendre sacramentel, et un aveu auquel on ne donnerait pas ce caractère. Le premier, condamné chez les hussites et les wicléfistes par le concile de Constance et chez les protestants par le concile de Trente, était réprouvé par tous les théologiens. Le second, après avoir été recommandé au {{rom|xv)e siècle, le fut de moins en moins au {{rom|xvi)e et au xvir. Voir Laurain, ibid. Suarez († 1617) estime qu’il convient de peser les avantages et les inconvénients pour chaque cas particulier. In lll 3m partem, De pœnitentia, disp. XXIV, sect. i, n. 10, Opéra, Paris, 1872, t. xxii, p. 523. De Lugo (fl060) croit qu’il doit être recommandé très rarement et qu’on n’en doit jamais faire une obligation ; il assure que tel est le sentiment des théologiens de son temps. De sacramento pœnitentiœ-, disp. XVIII, sect. I, n. 4, Lyon, 1614, p. 410. Albert le Grand, 7F Sent., 1. IV, dist. XVII, a. 35, t. xxix, p. 707, déconseillaitdéjà la confession aux laïques hors le cas de nécessité où il la jugeait obligatoire. En dehors de ce cas, les auteurs antérieurs ne l’avaient non plus recommandée d’une manière générale que pour les fautes légères et quotidiennes.

4° Conclusions. — 1. Du viu c siècle à la fin du {{rom|xi)e siècle, les théologiens ont admis que la confession îles fautes graves devait être toujours faite aux prêtres ; ils conseillaient à tous les fidèles de se faire mutuellement, dans leurs conversations quotidiennes, l’aveu de 1 iurs fautes légères. —2. A la fin du xi" siècle, Lanfranc dit que la confession des fautes graves à des clercs inférieurs, ou même à des laïques, en assurera le pardon, quand on ne peut se confesser aux prêtres. A la suite de l’auteur du De vera et falsa pœnitentia et de Pierre